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gnai le lendemain de grand matin, je marchai jour & nuit fans m'arrêter jufqu'à votre ca bane où je restai, croyant n'y avoir rien à craindre, & être échappé des mains de mes ennemis; mais Dieu étoit trop irrité contre moi. Ces gens m'ont fait chercher par tout, & ont enfin découvert notre retraite; ce font leurs valets parés des habits de leurs inaîtres, qui font hier venus nous abufer par des faux difcours, afin de me furprendre, & auffi-tôt que je fuis arrivé dans ce petit bois avec eux, j'ai vû les maîtres montés fur de bons chevaux; je les ai reconnus fans peine ; & les ai fupplié de m'épargner, Mon repentir, & mes larmes ne les ont point touchés. J'ai été attaché fans pitié à cet arbre, où ils m'ont déchiré com

me vous le voyez avec la pointe de leurs couteaux, ils m'avoient mis un mouchoir dans la bouche, pour m'empêcher de crier; mais ils me l'ont ôté, me croyant mort. Ce miférable que ce long difcours venoit d'épuifer, n'en put dire davantage. Cordin vitfon vifage fe couvrir des ombres de la mort, & il expira devant lui, pénétré d'un véritable repentir.

Telle fut l'Hiftoire que me conta l'un des boffùs, ce qui me fit rendre mille actions de graces au Seigneur, de m'avoir retiré de la compagnie de ces infortunez. Je leur fis à mon tour le recit du changement de ma fortune, & je les comblai de joïe, en leur apprenant que je voulois leur en faire part. Je les emmenai avec moi à Paris, où je leur ai donné dequoi fubfifter

honnêtement. Arrivé en cette Ville, un de mes premiers foins fut de retirer de differens Banquiers, quinze cens mille livres à quoi fe montoit mon bien, & dont ils étoient les dépofitaires. J'achetai enfuite cette maifon, que j'ai meublée comme vous le voyez, & me fis faire un équipage las d'aller à pied. Depuis près de trois ans que je jouis de cette fortune, j'ai fait des acquifitions fort considéra, bles en Province. Le voisinage de ces terres avec celles de plufieurs Seigneurs qualifiés, m'en a procuré la connoiffance, & ils fe font fouvent fait un plaifir de m'honorer de leurs vifites tant ici qu'ailleurs. Il ne me manquoit à mon bonheur, que de fçavoir le lieu de votre retraite: je me reprochois même quelquefois de poffeder feul des

richeffes qui nous devoient être communcs. J'ai chargé plufieurs perfonnes qui alloient en Italie, de vous y chercher exacte, ment, réfolu fi j'entendois parler de vous, d'y aller moi-même; mais Dieu par fa divine providence, nous a épargné peut-être de nouvelles peines, en vous ramenant ici. Je ne veux donc plus, mon cher frere, me féparer de vous ; ce logis, fi vous le trouvez agréable, fera votre demeure, & nos biens feront communs. Je confentis fans peine à ce que voulut mon frere, dont le difcours produifit chez moi des mouvemens de joye fi exceffifs, que je crus que ma folie m'alloit reprendre; heureusement il n'en fut rien. Je fis à mon frere l'hiftoire de cette plaifante maladie, dont les particularitez le

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réjouirent extrêmement, furtout l'article du Médecin. Je fus en peu de jours auffi magnifiquement habillé que mon frere, & quand il me vit en état de paroître, il me mena chez les Seigneurs de fa connoiffance, qui me comblerent d'amitié & de careffes, Nous allâmes enfuite voir les terres qu'il avoit acquifes; leur beauté & leur étendue me furprit, car je croyois alors qu'il n'y avoit qu'un Seigneur qui pût avoir une lieue de terrain ; & comme nous étions dans l'Eté, je le priai de vouloir paffer quelque tems dans l'une de ces maifons de plaifance qui me parut la plus belle, Ce fut pendant le léjour que j'y fis, que - m'arriva la derniere de mes avantures, fi l'on doit appel

ler de ce nom ce que je vais ra

conter,

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