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fe; mais à quoi cela servoit-il ? le plus court fut de prendre patience. Le lendemain matin on me mena chés le Juge, aux pieds duquel je me jettai, pour le fupplier de me rendre justice. On ne vous la rendra que trop tôt Monfieur le fripon, me dit-il, déja prévenu contre-moi par l'Hôtellier qui lui avoit fait ma caufe la plus noire qu'il avoit pû. Il me demanda enfuite d'où me venoit l'or que j'avois montré la veille. Je lui contai ingenuement toute l'histoire ; & pour preuve de ma fincerité, je lui remis entre les mains une lettre qui s'étoit auffi trouvée dans la bourse. Cela ne fervit point à ma juftification; au contraire, le Juge cut de moi encore plus mauvaise opinion,&ordonna qu'on me mît au cachot,où je demeurai quinze jours fans voir

perfonne que celui qui m'apporToit du pain & de l'eau, encore étoit-ce par un trou. Je croiois pourrir dans ce lieu affreux quand on m'en vint retirer, pour comparoître une feconde fois devant le Juge; on avoit doublé l'escorte qui me conduifoit, & j'étois enchaîné comme le dernier des criminels: je traverfai une longue ruelle qui dépendoit de la prifon, & entrai dans une falle d'audience affez bien parée le Juge étoit allis dans le fond au-deffous d'un Crucifix, ayant à chacun de fes côté quatre Confeillers, à ses pieds deux Huiffiers, & vis-àvis de lui le Greffier, prêt à écrire mes réponses. Ces Officiers étoient tous révêtus de longues robes noires, & gardoient un morne filence que le Juge interrompit, pour me fais

re les mêmes queftions qu'il m'avoit fait la premiere fois, & aufquelles je répondis de même, le fupliant derechef les larmes aux yeux de me rendre justice, & de faire attention à la lettre que

lui avois donnée. C'étoit là où il m'attendoit, car il y avoit plus d'un mystére à dévoiler làdeffous: il tira donc cette lettre de fa poche & la remit à fon Greffier, à qui il ordonna de la lire tout haut. Ces paroles y étoient contenues.

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Je ne crois pas, mon cher ami, que tu fois informé de ce que l'on vient d'arrêter con tre toi. Ta perte eft jurée, & » ton crime va être puni de la » mort la plus honteufe, fi tu ne » fuis au plus vite. Cache-toi plûtôt maintenant que ce foir, » & n'attends pas à demain à difparoître; car c'eft fait de toi fi l'on te découvre,

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Levez-vous, Monfieur Dulieu, dit le Juge à l'un de fes Huiffiers , que la lecture du bil let avoit pensé faire évanouir & réconnoiffez de qui eft cette écriture: j'y crois remarquer votre caractere. Helas! c'est de moi, répondit-il, il le faut ayouer, & je l'ai écrit à mon ami penfant le fauver d'une mort qui me paroiffoit inévitable. Je le vois bien , repartit le Juge d'un ton mocqueur ; comment, vous étiez donc lié d'amitié avec l'honnête Monfieur Varnot: mais allons pied à pied, & terminons l'affaire de ce co❤ quin d'entamer avant que ? la vôtre. Qu'on refferre étroitement cependant Monfieur Dulieu, dit-il aux gardes, de crainte qu'il ne nous échappe, ce qui fut auffi-tôt exécuté. On m'interrogea après-cela fur la

mort de ce Varnot, que l'on avoit trouvé tué d'un coup de pistolet, à la place même que je difois lui avoir parlé. Cet aflaffinat que l'on prétendoit m'imputer m'embaraffa beaucoup, car je ne pouvois produire au. cun témoin pour me défendre de cette accufation, qui véritablement paroiffoit bien fondée, puifque l'on me trouvoit faifi d'or & de papiers qui avoient appartenus au défunt. Je ne fis fimplement que avec ferment, & requérir mes Juges, faute de preuves, de fai re faire à Paris des informations de ma perfonne au College de Harcourt, & chez la Marquife où j'avois demeuré ; mais tout cela fut inutile, & je fus juftifié lorsque je m'y attendois le moins. Deux Voyageurs qui revenoient de Rouen allerent

nier

loger

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