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il donna ordre à fes foldats de laver mon corps & de l'embaumer, afin qu'on pût me tranf porter à Tunis, pour que le Baf fa fon maître fût témoin de fa valeur. Il fit jetter dans la mer les corps de mes foldats ; mais comme on me remuoit

j'ouvris tant foit

les peu yeux. Le Corfaire inftruit de cela,vint auffi-tôt, & me fit emporter dans une chambre où la prom..ptitude du fecours me fauva de péril, mes playes n'étant pas abfolument dangereuses. Quand je fus en état de parler, le Corfaire qui avoit eu la politeffe de me céder fa chambre & d'en prendre une autre pour lui, vint me rendre vifite. Je le remerciai, quoique mon ennemi de fes foins, & le priai de m'apprendre où étoit mon vaiffeau, & ce qu'avoit fait le peu de gens

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qui m'avoient crû mort; ils m'ont donné bien de la peine, , répondit-il, car loin que votre chute ait abbatu leur courage, elle les a au contraire rendu comme des enragés ; mais je me fuis défendu fi prudemment qu'ils ont fuccombé : quant à votre vaiffeau, les matelots ont mieux aimé le couler à fond, que de devenir efclaves. Helas! dis-je alors triftement, qu'ils font heureux! pourquoi faut-il que je fois feul échappé d'un péril que je brûlois de partager, pour gémir dorefnavant d'une maniere honteufe dans vos fers? J'en fuis affligé, Chevalier, me dit-il, fi vous euffiez été moins téméraire, vous ne feriez point réduit à cet état. Je n'ai fait que ce que vous euffiez fait vous même, fi j'euffe eu votre fort; ne m'en fçachez donc point

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Vous

mauvais gré. Au refte
n'aurez nullement à vous plain-
dre de moi, votre valeur vous
rend trop recommandable,
pour que je vous traite comme
un efclave ordinaire ; à la liber-
té près, vous recevrez de moi
tous les bons traitemens imagi
nables, & vous n'aurez qu'à
parler pour être fatisfait. Je
n'appréhende qu'une feule cho-
fe. Il faut vous dire
que lorf-
que nous faifons une prife fur
mer, nous fommes obligés d'al-
ler montrer au Baffa, quand
nous fommes arrivés à Tunis,
les elclaves que nous avons
faits, qu'il prend our rejette fe
lon qu'il lui plaît, & tout le bu
tin, dont il retient les trois
quarts &. nous donne l'autre.
Si nous manquions à ce devoir
(ce qui feroit inutile, car il fe
mêle toujours parmi nos foldats

des efpions qui l'avertiffent de tout) il nous feroit donner la baftonnade, & peut être étrangler fans mifericorde: j'appré hende donc, vous dis-je, que le Baffa en vous voyant, ne vous retienne à fon service ce qui me fâcheroit beaucoup; car je vous aime tant que je ne pourrai vous quitter fans peine. Pour tâcher que cela n'arrivât point, Hemet, c'étoit le nom du Corfaire, étant arrivé à Tunis, alla feul chez le Baffa, auquel il apprit la prife qu'il venoit de faire, ce qui le contenta beaucoup, quoiqu'il n'y eût aucun butin; car les Turcs eftiment in finiment plus une victoire remportée fur les Malthois, parce qu'ils font les mortels ennemis de leur Religion, & qu'ils les pourfuivent fans ceffe, que la conquête d'un riche vaif

feau marchand; auffi quand quelques-uns de ces pauvres Chevaliers tombent entre leurs mains, ils les épargnent peu, leur font exercer les plus vils emplois, & ne leur rendent que très-rarement & à un prix exceffif la liberté, fouvent-même les contraignent d'embraffer le Mahometifme, & ils leur font fouffrir les tourmens les plus affreux s'ils le refufent. Hemet, crut que pour le récompenfer le Baffa lui permettroit de me garder; mais il trompa fon efpérance, & lui dit, qu'il prétendoit, quoique je fuffe malade, qu'on m'apportât fur le champ, n'appartenant qu'à lui d'avoir des efclaves de mon importance. Hemet revint donc chez-lui tout abbatu m'annoncer cette nouvelle je vous perds, Chevalier, me dit-il, helas! je vous perds pour tou

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