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Il ne vous eft pas maintenant difficile de concevoir ce que j'exige de vous; il faut effayer à quelque prix que ce foit de recouvrer notre liberté : l'affaire très-épineufe ; cependant comme je ne veux rien épargner & que vous avez une liaifon étroite avec le bon Hemet, qui eft fort en état de nous rendre fervice j'espère que nous ré uffirons dans notre projer. Vous ne hazardez nullement, Madame, répondis-je, en faisant Corabé le dépofitaire de votre important fecret. Vos malheurs font fi touchans, qu'on ne peut trop fe presser de vous faire éloigner de ces lieux. Je me fais fort de vous mettre en liberté, ainsi que moi, au plûtard dans quinze jours; He, met eft mon grand ami, il m'a promis de me faciliter man re

tour en France, où il a deffein de fe retirer auffi pour s'y faire Chrétien fi-tôt qu'il auroit achevé quelques affaires ; je vais le preffer de terminer. Les me fures prifes pour notre évasion, nous employâmes le refte de l'entrevue à parler de nos qualitez perfonnelles. Je fis mille complimens à la Sultane fur fa beauté peu commune, & la ma niere dont elle les reçut, me fir croire que je ne lui étois pas indifférent; elle toucha même quelques mots fur l'envie qu'elle avoit de faire mon bonheur en s'uniffant à moi, fi nous pouvions réuffir. Je la quittai après lui avoir promis de me rendre tous les jours au foleil couché, dans ce même cabinet où elle devoit m'attendre, pour fçavoir ce que je ferois ; & le petit Maure me reconduifit chez

moi, par le même chemin que j'étois venu. J'allai le lendemain fi-tôt qu'il fut jour, chez He met, pour lui faire part du bonheur que j'avois d'être aimé de la Sultane, & de la réfolution qu'elle avoit formée de quitter le Serrail pour venir avec nous; & je le conjurai de me donner en cette occafion des preuves de la fincére amitié qu'il m'avoit toujours témoi gnée.Serois-je pardonnable, me dit-il, mon cher Corabé, fi je vous abandonnois, lorfque je fuis en partie caufe de vos difgrace's; furtout, à prefent que je puis'affurer votre bonheur à jamais? Je n'ai plus d'affaires qui me retiennent, puifque la Sultane eft de notre compagnie, fes richeffes font plus que fuf fifantes, pour nous dédommager du profit qui m'en feroit ye

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nu, & nous partirons au plûtôt. Je vous recommande feulement la prudence, & de ne jamais me nommer que le Patron, quand vous parlerez de moi avec la Sultane, afin d'éviter tout inconvénient; car fi nous étions découverts, le Bafla ignorant que j'eufle été l'un des raviffeurs, m'aimeroit toujours, & écouteroit volontiers mes avis, qui nous retireroient du labyrinthe. Je le lui promis, & ne penfai plus qu'à hâter l'exécu tion de ce hardi projet, qui par un malheur inoui, échoüa la veille qu'on le devoit exécuter. Je voyois tous les jours felon fes ordres, la Sultane & Hemet de même. La Sultane & Zara qui la vouloit suivre, avoient des habits d'hommes fous lefquels elles n'étoient pas reconnoiffables. J'avois re

mis pour plus d'un million de pierreries de la Sultane à Hemet, qui vint déclarer au Baffa qu'il alloit bien-tôt fe remettre en courfe. Le tems & les moyens par lefquels elle devoit s'éclipfer avec fa fuivante du Serrail, étoient réglés: enfin nous étions, comme j'ai dit, à la veilJe de ce grand départ, quand nous fûmes trahis par Reddy Eunuque, gardien du Serrail homme ingrat, que la Sultane avoit fait élever à cette dignité. C'étoit lui qui dès que j'eus l'emploi de Chaffe-Mouches me fit remarquer à la Sultane, & lui conseilla après lui avoir appris qui j'étois, de me propofer de fuir avec elle; mais comme certaines actions de traître qu'il venoit de faire, le faifoient pafler dans fon efprit pour un homme dangereux,elle

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