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rituelles, que l'orgueil caufe, &'cache tout à la fois, & que l'on ne peut mieux guérir que par l'humilité, que l'on témoigne en les faifant connoître. L'ouverture de la playe en fait fortir le venin & la corruption. On ceffe prefque d'être malade, quand on eft affez humble, pour avouer qu'on l'eft. Le Démon muet fait le plus de ravage, il n'ofe plus porter fes coups, quand on les fait connoître, & rien n'affoiblit plus la tentation que de la découvrir à un homme fage. Vous vous plaignez de ne pas connoître de grandes fautes; ce langage feul en eft prefque une grande, & vous condamne de tiédeur & d'ingratitude dans le fervice du plus grand de tous les Maîtres, & du meilleur de tous les Péres. On aime bien peu, quand on eft fi peu touché de ce qui offenfe celui qu'on aime. C'est peu fentir ce que Dieu eft, ce qu'il vaut, ce qu'il mérite, ce qu'il a fait pour nous, que de voir fans

douleur des négligences, que la miféricorde du Seigneur rend légeres, & qui, pour cette raison doivent nous affliger davantage. On devroit être prefque inconfolable,quand on a eu le malheur de déplaire à celui que l'on ne fçauroit trop aimer, & quand les infidélités volontaires ont altéré une fidélité & une ferveur, que nous ne fçaurions porter trop loin. Une telle disposition nous obtiendroit un accroiffement de lumiere, & un cœur attendri appercevroit aifément fes prévarications & fes apoftafies. Il y auroit néanmoins de la préfomption à prétendre les connoître toutes; elles font innombrables, par conféquent audeffus de la portée de notre foibleffe, & une des prieres que des pécheurs comme nous doivent imiter dans un homme felon le cœur de Dieu : c'eft celle par laquelle ce faint Roi demande que fes ignorances foient oubliées, & que fes

péchés fecrets lui foient pardonnés.

Ignorantias meas ne memineris, & ab occultis meis munda me. L'amour-propre voudroit tout connoître, parce qu'il voudroit être sûr, & n'avoir rien à craindre. Une entiere connoiffance nous faifant préfumer que tout nous auroit été pardonné, nous porteroit à nous regarder comme innocens, à être contens de nous-mêmes, & nous précipiteroit dans des maux plus grands, que ceux dont nous croirions avoir été délivrés. Cette

partie de nos fautes que nous connoiffons, doit nous porter à la douleur & à la pénitence. Cette plus grande partie de nos fautes, que nous ne connoiffons pas, doit nous infpirer une jufte crainte qui nous humilie, fans préjudicier à la confiance en la miféricorde du Seigneur, qui eft bon envers ceux qui ont le cœur droit, & qui fuppléera par fa bonté aux défauts involontaires de nos lumieres & de nos efforts. Ce Dieu de toute confolation qui condamne le ferviteur pa

reffeux, pardonne à une fragilité que la négligence ne rend point criminelle. Quoiqu'il exige de nous des foins, des travaux, des œuvres, il veut que nous nous faffions un plaifir de laiffer encore plus à faire à sa miféricorde, à laquelle feule nous fommes redevables de notre falut. Donnez encore plus de foin à vous corriger des fautes que vous connoiffez, qu'à découvrir celles que vous ne connoiffez pas encore. A mefure que vous vous perfectionnerez, vous remarquerez en vous des imperfections qui donneront toujours affez d'exercice à votre ardeur & à votre zéle. Les féchereffes dont vous vous plaignez, & qui font prefque toujours la punition de notre orgueil, font encore des preuves de l'amour d'un pere charitable, qui ne frappe que pour nous guérir. Cette fenfibilité qu'il témoigne pour notre indifférence, nous montre combien il est jaloux de & doit relever notre cou

notre cœur,

rage plutôt que de l'abattre. Par une diffimulation & une feinte d'amour, il ne femble s'éloigner que pour ranimer notre ardeur à nous rapprocher de lui, & à ne nous donner les miettes des Etrangers, qu'afin d'augmenter une pieuse avidité pour le pain des enfans. Il faut tâcher de retourner comme le Prodigue pour mériter d'être reçu comme lui. On ne confole que ceux qui pleurent, & la miféricorde du Seigneur reléve ceux qu'une pieuse ardeur & une fainte trifteffe abâtent faintement fous la pefanteur de fon bras. Un redoublement d'humilité, de foumiffion, de ferveur doit ramener le calme, nous reftituer les careffes divines du meilleur de tous les Peres, & ces confolations fensibles qui font néanmoins quelquefois refufées toujours avec juftice, & pour un plus grand bien. Craignez donc un amour-propre qui ne veut être à Dieu, que pour être mieux à foi, & qui veut

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