Jufqu'ici, quelque efpoir, au milieu de ma crainte,
Soulageoit tous les maux dont mon ame eft atteinte.
Mais enfin interdit, languiflant, abbatu,
Je fens que je n'ay plus ny force ny vertu.
C'en eft fair, je fuccombe à ma douleur mortelle.
Eh! puis-je vivre aprés cette affreufe nouvelle ?
BYRRHIE.

Lorfqu'on ne peut, Monfieur, faire ce que l'on veut,
Il faudroit effayer à vouloir ce qu'on peut.
CARIN.

Que puis-je fouhaiter quand je perds Philumene ?

BYRRHI E.

Eh! ne feriez-vous pas, avec bien moins de peine,
Un effort pour chaffer ce malheureux amour
Que d'en parler fans ceffe & la nuit & le jour ?
Sans relâche, attentif au feu qui vous dévore,
Par de pareils difcours vous l'irritez encore.

CARIN.

Helas! qu'il t'eft aifé, dans un profond repos,
De vouloir apporter du remede à mes maux.

BYRRHIE.

Je vous diray pourtant...

CARIN.

Ah! laiffe-moy, Byrrhie, Un femblable difcours me fatigue & m'ennuye.

BYRRHIE.

Vous ferez là-deffus tout ce qu'il vous plaira.
CARIN.

Pamphile de mon fort luy feul decidera.
Il faut tout employer, avant que je periffe.
Il fe rendra peut-être à mes defirs propice.
Je vais luy découvrir l'excés de mes tourmens;
Et s'il n'eft pas touché des peines que je fens,
Pour quelque temps au moins j'obtiendray qu'il
differe

Un himen que je crains, & qui me defefpere.
Pendant ce temps il peut arriver, que fçait-on ?
BYRRHIE.

Il ne peut deformais arriver rien de bon.

CARIN.

Je vois Pamphile. O Ciel 1 Confeille-moy, Byrrhie. L'aborderay-je, ou non ?

BYRRHIE.

Conténtez vôtre envie,

Découvrez-luy l'état où l'amour vous a mis.
Peut-être craindra-t-il quelque chofe de pis.

.

Bon jour, mon cher Pamphile
En vos feules bontez trouveray-je un azile?
Serez-vous mon appuy? La rigueur de mon fort
A mis entre vos mains & ma vie & ma mort.
PAMPHILE.

Helas, mon cher Carin ! quel efpoir eft le vôtre?
Je ne puis rien pour moy, que puis-je pour un autre
Mais de quoy s'agit-il?

CARIN.

Il s'agit de fçavoir Si vous vous mariez, comme on dit, dés ce soir,

On le dit.

PAMPHILE.

CARIN.

Permettez, mon cher, que je vous die Un adieu qui fera le dernier de ma vie.

PAMPHILE.

Eh! pourquoy donc cela?

CARIN.

Je demeure interdit.

Je n'ofe vous parler, & vous m'avez tout dit.
Bytrhie inftruit d'un mal que j'ay peine à vous taire,
Yous peut
de mes malheurs découvrir le myftere.

BYR

BYRRHIE.

Ouy-da, je le feray tres-volontiers.

Ne vous allarmez pas fur-tout, c'eft moins que rien
Monfieur eft amoureux, amoureux à la rage
De celle qu'on vous va donner en mariage.

PAMPHILE.

Il l'aime? Mais, Carin, parlez-moy nettement. Vous aime-t-elle auffi? Par quelque engagement Pourriez-vous... dites-moy.. Ce que je me propofe... CARIN.

Non, je vous avoüerois ingenûment la chose.

PAMPHILE.

Ah! plût au Ciel, Carin, que pour vous &

CARIN.

Je fuis de vos amis, Pamphile, je le croy.
Par cette amitié donc entre nous établie,
Rompez premierement cet himen qu'on public.
PAMPHILE.

J'y feray mes efforts.

CARIN.

Ou bien, fi votre cœur Dans cet engagement trouve tant de douceur...

Quelle douceur !

PAMPHILE.

CARIN.

Au moins, & pour derniere grace Differez d'un feul jour le coup qui me menace, Pour me donner le temps de délivrer vos yeux D'un ami, d'un amant, d'un rival odieux. PAMPHILE.

Ecoutez-moy, Carin. Dans le fiecle où nous fommes, Vous ne l'ignorez pas, on rencontre des hommes,

C

Qui parez d'un bienfait qu'ils n'ont jamais rendu,
En arrachent le fruit qui ne leur eft pas dû.
Je fuis, vous le fçavez, d'un autre caractere.
Ainfi pour vous parler fans feinte, fans myftere,
Cet himen fi contraire à vos plus chers defirs,
Me caufe maintenant de mortels déplaifirs.

CARIN.

Helas! vous me rendez la joye & l'efperance.

PAMPHILE.

Vous pouvez maintenant agir en affurance.
Faites, pour l'époufer, jouer mille refforts
Pour ne l'époufer point, je feray mes efforts.
CARIN.

J'employray...

PAMPHILE.

Dave vient. C'eft en luy que j'efpere.

Son confeil nous fera fans doute neceffaire.

CARIN à Byrrhie.

Toy qui cent fois par jour me mets au defespoir,

Retire-toy, va-t-en.

BYRRHIE.

Monfieur, jufqu'au revoir.

*******

SCENE III.

PAMPHILE, CARIN, DAVE.

DAVE Sans appercevoir Pamphile ny Carin.

Bon Dieux ! que de plaifirs ! Eh là, Meffieurs, de

grace,

Je fuis un peu preffé, permettez que je paffe. Pamphile n'eft-il point parmi vous ? Dans fon cœur