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Il fuffit, pour fervir utilement ton Maître,
De ces deux qualitez qu'avec toy j'ay vu naître,
C'eft la fidelité, le fecret.

SOSIE.

Je n'attens

SIMON.

Je t'ay toujours connu fage dans tous les temps..
Je t'achetay, Sofie, en l'âge le plus tendre,"
Et j'eus de toy des foins qu'on ne fçauroit comprendre;
J'élevay ta jeuneffe, & tu connus en moy
Combien la fervitude étoit douce pour toy.
Tu t'attiras d'abord toute ma confiance,
Et tu m'en témoignas tant de reconnoiffance,
Qu'enfin je t'affranchis, & par ta liberté
Recompenfay ton zele & ta fidelité.

SOSIE.

D'un fi rare bienfait mon cœur n'a pu fe taire.
SIMON.

Je le ferois encor fi j'avois à le faire.

SOSIE.

Je me tiens fort heureux, fi j'ay fait, fi je fais
Quelque chofe qui foit au gré de vos fouhaits.
Mais pourquoy, s'il vous plaît, rappeller cette hiftoire
Croyez vous que jamais j'en perde la memoire ?
Ce recit d'un bienfait que j'ay tant publié,

Semble me reprocher que je l'aye oublié.
Pourquoy tant de detours? pardonnez-moy fi jofc.::
SIMON

Je commenceray donc ; & la premiere chofe
Dont je veux que par moy tu fois d'abord inftruit,
C'eft que le bruit qui court icy,n'eft qu'un faux bruit.
Ces nopces, ce feftin, veritables chimeres,

Dont les preparatifs ne font qu'imaginaires,

SOSIE.

Pourquoy done? Excufez ma curiofité.

SIMON.

Suis-moy, tu perceras dans ce tte obfcurité.
Quand je t'auray fait voir mon deffein, ma conduite,
En quoy tu me feras utile dans la fuite,

D'un ftratagême adroit tu connoîtras le fruit;
Tu connoîtras, mon fils fes mœurs ; & ce qui
fuit
Te va donner du fait entiere connoiffance.
Mais fur-tout ne perd pas la moindre circonstance.
Mon fils donc, qui pour lors avoit prés de vingt ans,
Plus libre commençoit à voir les jeunes gens.
Je paffe fon enfance, ou retenu peut-être

Par le refpect d'un pere, & la crainte d'un maître,
L'on n'a pu difcerner fes inclinations.

C'est bien dit.

SOSIE.

SIMON.

Je bannis toutes preventions.
Ce temps où fes pareils ont pour l'Academie,
Pour la Chaffe, le Jeu, les Bals, la Comedie,
De ces empreffements qu'on ne peut exprimer »
Ne fit rien voir en luy que l'on dût reprimer.
prenoit ces plaifirs avec poids & mefure,
Je m'en applaudiffois.

SOSIE.

Non à tort, je vous jure. Ce proverbe, Monfieur, fera de tous les temps: RIEN DE TROP. Il inftruit les petits & les

grands.

SIMON.

De la forte il paffoit cet âge difficile,
Souffrant & fupportant le fot comme l'habile;
A fervir fes amis de bon cœur il s'offroit;
Complaifant, à nul d'eux il ne fe preferoit ;
Il avoit à leur plaire une douce habitude,
Et de tous leurs defirs le faifoit une étude;

Ainfi donc fans envie il attiroit à luy,
De l'honneur, des amis fi rares aujourd'huy.
SOSIE.

On appelle cela marcher avec fageffe.
A fon age fçavoir que la verité blefle,
Et que la complaifance attire des amis,
C'eft, d'un excellent Pere être le digne fils.
SIMON.

Environ vers ce temps, une femme Andrienne
Vint prendre une maison affez prés de la mienne;
Sans parens, fans amis, peu riche; c'est ainfi
Qu'elle partit d'Andros, pour s'établir icy.
Elle étoit encor jeune, & paflablement belle.
SOSIE

L'Andrienne commence à me mettre en cervelle.
SIMON

Vivant pour lors fans bien & fans ambition,
Coudre & filer faifoit fon occupation;

Le travail de fes mains, de fon fil, de fa laine,
A fes befoins preffants ne fuffifoit qu'à peine.
On publioit par tout fa vertu, fa pudeur,

Tout ce qu'on m'en difoit me percoit jufqu'au cœur
Et je cherchois déja comment je pourrois faire
Pour foulager fous-main l'excés de fa mifere;
Mais fi-tôt qu'à fes yeux brillerent les amants,
Elle ne garda plus tant de menagements.
Comme l'efprit toujours ennemy de la peine,
Se porte du travail où le plaifir le mene,
Elle donna chez elle à jouer nuit & jour.
Parmy ces jeunes gens qui luy faifoient la cour,
Ceux qui pour la fervir montroient le plus de zele,
Obligerent mon fils à l'aller voir chez elle.
Si-têt que je le fçus, en moy-même je dis :
Pour le coup, c'en eft fait, on le tient, il eft pris.
'attendois le matin leurs valets au passage,

Qui tour à tour rodoient dans tout ce voifinage; J'en appellois quelqu'un, je luy difois : Mon fils? Nomme-moy tous les gens qui font avec Chryfis. Chryfis eft proprement le nom de l'Heroïne.

SOSIE.

Ah! je n'etens que trop. Je fais plus, je devine,

SIMON.

Je ne me fouviens plus moy-même où j'en étois.

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J'y fuis. Je priois, promettois. Phedre, me difoit l'un, Nicerate, Clinic;

Ces jeunes gens tous trois l'aimoient plus que leur vie.
Et Pamphile? Pamphile affis prés d'un grand feu,
Par complaifance attend qu'on ait finy le jeu.
Je m'en réjouiffois. Les jours fuivans, fans ceffe,
Je revenois vers cux, & leur faifois largeffe,
Pour fçavoir comme en tout mon fils fe conduifoit.
Je n'euffe ofé penfer le bien qu'on m'en difojt.
Plufieurs fois éprouvé de la même maniere,
Je crus pouvoir en luy prendre affurance entiere ::
Car celuy qui s'expofe, & qui revient vainqueur,
Gagne la confiance, & s'attire le cœur.

D'ailleurs, de tous côtez, je dis le plus farouche,
N'ofoit, fans le louer, même en ouvrir la bouche:.
D'une commune voix j'entendois mes amis,
Qui me felicitoient d'avoir un fi bon fils.
Que te diray-je enfin? Chrémes remply de zele,
Me vient offrir fa fille & fon bien avec elle,
Pour époufer mon fils, au moins, cela s'entend.
J'approuve, je promets, & ce jour-cy fe prend
SOSIE.

A leur bonheur commun quel obftacle s'oppofe.
A uj

SIMON.

Patience. Un moment t'inftruira de la chofa.

Lorfque Chrémes &moy nous mettions tout d'accord, De Chryfis tout d'un coup nous apprenons la mort.

SOSIE.

Où qu'elle foit, Monfieur, pour Dieu qu'elle s'y tienne.
Je n'ay jamais rien craint tant que cette Andrienne.
SIMON.

Mon fils qui la plaignoit dans fon malheureux fort,
Ne l'abandonnoit pas, même depuis la mort,
Et tout fe difpofoit pour la ceremonie

De ces triftes devoirs qu'on rend aprés la vie.
Plus attentif alors je l'examinois mieux.
J'apperçus qu'il tomboit des larmes de les yeux,
Je trouvois cela bon, & difois en mon ame :
Il pleure, & ne connoît qu'à peine cette femme !
S'il l'aimoit, qu'eût-il fait en un pareil malheur?
Et fi je mourois moy, que feroit la douleur ?
Je prenois tout cela pour la marque infaillible
De la bonté d'un cœur délicat & fenfible:
Mais pour trancher enfin d'inutiles difcours,
On emporte le corps, il y vole, j'y cours,
Je me mets dans la foule; & le tout pour luv plaire;
Je ne foupçonnois rien encor dans cette affaire.

SOSIE.

Comment ? Que dites-vous?

SIMON.

Attens, tu le fauras.

Nous allons, nous fuivons, nous marchons pas à pas. Plufieurs femmes pleuroient; mais fur-tout une blonde

Me parut . . .

SOSIE.

Belle: Hem?

SIMON.

La plus belle du monde,

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