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Bourbon, Sainte Marthe dit que ce qu'il y a de plus louable en lui, c'eft d'avoir joint à fes talens naturels une grande connoiffance de l'Antiquité & de la Langue Grecque, qui lui a donné lieu de mêler du folide parmi le brillant de fes vers (12).

Ariofte,

Un Ecrivain de Port-Royal reconnoît (13) qu'il a une belle cadence, & qu'il y à une certaine harmonie qui plaît beaucoup à l'oreille dans la plupart de fes Epigrammes, mais il prétend en même tems qu'il y en a auffi beaucoup qui font vuides de fens. Ce qui ne doit pourtant pas faire perdre à Bourbon la qualité de bon Poëte, que Jofeph Scaliger femble avoir voulu lui refufer (14), en l'appellant avec affés de dureté un Poëte de nul nom & de nulle confidération. Car fi cela étoit, ceux qui ont fait des Commentaires fur fa Pædologie ou fes Diftiques moraux, comme Jean Descaures d'Amiens, qui publia les fiens l'an 1571. auroient travaillé aflés inutilement (15).

§. I.

LOUIS ARIOSTE,

Natif de Ferrare (16) originaire de Boulogne, Poëte Italien & Latin, mort le 6, Juin l'an 1534. âgé de 59. ans.

1261. Les Latines, que l'on 'Ariofte a fait quelques Poëinférées (17) dans le premier tome des Délices des

Voyés auffi Balzac dans fa Dissertation 7. addres fée à Dom André, où ce livre d'Epigrammes dont il paroit fi mal content n'eft autre que celui des Nug4. C'eft à la page 598. du 2. tom. in fol. Bagarelles, comme l'a fort bien remarqué Ménage, étoit le mot propre à rendre en François le Latin Nuge, & non pas Niaiferies, d'autant plus que les Nuge de Bourbon ne font pas dans ce style'niais dont Patris faifoit profeffion.

10. P. Peliffon, Relat. hiftorique de l'Académie Françoife pag. 266.

Defid. Erafm, in Epiftol. apud Konig. in Biblioth. pag. 124.

11. Paul. Jov. ad calcem Elogior. pag. 301. 302. edit. in-8. Bafil.

12. Scavol, Sammarthan, Elogior. Gall. lib. 1. pag. 18. edit. in-4.

13. Delect. Epigramm. in Dissertation. præfix. Operi, &c.

14. Jofeph. Scaliger in primis Scaligeranis pag. 75. 15. Guill. Colletet, Art Poëtique, Difcours fur la

Poëtes d'Italie. Elles y font confondues, avec celles de plufieurs autres Poëtes de médiocre réputation: mais il n'en eft pas de même de fes Poëties Italiennes, qui ont mérité d'être confidérées avec beaucoup de diftinction, & d'être mifes à part.

Les principales de ce dernier genre font 1. fes Satires qui ont fait quelque éclat dans leur naiffance, mais qui ne font plus grand bruit aujourd'hui (18): 2. fes Comedies dont les plus célébres font 1/Negromante,la Caffaria, Gli Suppofiti, La Lena, & La Scolastica (19).

Bumaldi ou Montalbano dit (20) que toutes ces Comédies font écrites avec un artifice admirable. Mr. de Balzac témoigne (21) qu'il y a dans ces Comédies de l'Ariofte, comme dans celles de Térence, un jufte milieu entre le fublime & le bas, & que c'est cette médiocrité toute d'or, toute pure, & toute brillante qui étoit fi connuë & fi eftimée dans l'Antiquité. Le mêine Auteur nous fait connoître dans un autre de fes Ouvrages (22) qu'il n'étoit pas fatisfait du P. Pallavicin, depuis Cardinal, fur les Comédies de l'Ariofte, & qu'il n'entend pas ce Grande Pofitivo (ou cet air plus que médiocre) dans lequel il veut qu'on le croye. Il ajoute qu'il ne trouve pas le grand Poëme meilleur en fon genre que les Comédies le font au leur ; & que pour la régularité il n'y a pas de comparaison.

Quoique toutes ces Comédies ayent fait avoir à leur Auteur l'eftime & les applau diffemens du Public, néanmoins Paul Jove nous apprend que celle des Suppofés a remporté

Poëfie Morale nomb. 42. pag. 118.

16. q. 1 naquit à Reggio.

17. . Elles avoient ete long-tems auparavant imprimées chés Valgrife avec celles de Pigna & de Calcagninus.

I. q. Elles font autant eftimées que jamais par les connoiffeurs.

19. ¶. Il n'y a pas d'autres Comédies de l'Ariofte que ces cinq.

20. Joan. Anton. Bumald, five ut volunt Ovid, Montalban. in Minerv. Bonon. five Anadem. Civ. Bonon, fcript. illuftr. pag. 151. 152.

De Balzac Lettre xx. du 4. livre à Chapelain de l'an 1638.

21. J. L. Guez de Balzac Trait, du Caradéré de la Comédie pag. 38. edit. d'Holl. & 511. du 2. vol. in-fol.

22. Le même Balz. Lettre 19. du 4. livre à Chape lain de l'an 1639. Voyés auffi Lettre 6, & Lettre s. du même liv,

Ariofte.

porté le prix fur les autres (1); & que fi l'on en confidére l'invention & les divers agrémens, on trouvera qu'elle ne céde prefque à aucune de celles de Plaute.

2. Mais rien n'a mis l'Ariofte en fi grande réputation que fon Poëme de Roland le Furieux. Le premier jugement qui fut rendu de cet Ouvrage à fon Auteur, ne lui fut pas fort favorable. C'est celui du Cardinal Hippolyte d'Eit, qui ayant reçû le Poëme en qualité de Patron, parce qu'il lui étoit dédié, fe fit fon juge après l'avoir lû. & lui dit en le lui rendant d'un ton affés cavalier, qu'il ne favoit où il avoit pêché tant de fottifes (2). Dove, Diavo lo, Meffer Ludovico, avete pigliate tante coglionerie?

Cependant toutes ces fadaifes bien arrangées, affaifonnées d'un goût un peu relevé, & débitées avec beaucoup d'agrémens, ont fait dire à Muret (3) & à Paul Jove que l'Ouvrage pourroit bien paffer à l'immortalité avec fon Auteur ; & l'on peut dire qu'il en a affés bien pris le chemin, puisque le Bumaldi nous affure (4), qu'il n'y a prefque point d'endroits dans le monde où il n'ait été imprimé, ni de Langues, fur tout en Europe, dans lefquelles il n'ait été . traduit.

C'est une opinion affés commune dans l'Italie que ce Roland a terraffé tout ce qui avoit paru devant lui, & particuliérement le Roland du Bojardo & le Morgante du Pulci; ce dernier par la grandeur des chofes & la majefté des vers, & l'autre en fe faififfant de fon titre, en réformant & en perfectionnant fes inventions (5). De forte que felon. Mr. Rofteau (6) Roland le furieux n'a eu de concurrent ou de fuperieur que le Godefroy du Taffe, qui eft venu après lui dans le monde.

Jamais piéce ne fut remplie de tant de chofes différentes, de combats, d'enchantemens, d'avantures bizarres, que ce Poë

1. Paul. Jovius Elogior. num. 84. pag. 198. edit. in-8. Bafileenf.

2. T. Badineries auroit été un mot plus propre. L'Aretin dans une Lettre au Dolce du 7. Décembre 1537. un mio fervitor, dit-il, fentendo leggere i mei falmi. Il entend fa paraphrafe des fept Pfeaumes Pénitentiaux: diffe, mi non fò ù Diavolo il padron fi catti tante bazatelle.

3. Marc. Ant. Muret, variar, lection, lib. 18. cap.

me de l'Ariofte; & l'on dit qu'il partage Ariofle. encore aujourd'hui une partie des beaux Efprits de l'Italie, avec la Jerufalemn délivrée dont nous venons de parler.

Il femble que ce foit un trophée compofé des dépouilles des autres Auteurs Italiens, & il paroît qu'il n'a rien oublié de ce que fon génie & fon induftrie lui ont pâ fuggerer pour rendre fon Ouvrage accompli, & lui donner tous fes ornemens (7).

Meffieurs de Port Royal difent qu'il a écrit avec une éxactitude merveilleufe, & qu'il peut être lû avec profit, fi l'on en retranche quelques endroits qui peuvent bleffer l'honnêteté (8). Il n'a pourtant pas donné un caractére de fublime & de grandeur à fon ftyle, & on y reconnoît aifément l'Auteur des Comédies dont nous avons parlé plus haut. Mais il ne laiffe d'avoir de l'élévation dans fon caractére enjoué & plaifant. C'est ce que Mr. Despréaux femble avoir jugé d'eltimable en lui, lorsqu'il dit (9):

pas

On peut être à la fois & pompeux & plaisant, Et je hais un fublime ennuyeux & pefant. J'aime mieux Ariofte & fes fables Comiques, Que ces Auteurs toujours froids & mélancholiques (10).

Mais avec tant de belles qualités les Critiques ne font pas encore convenus de dire que le Roland eft un Poëme parrait, ou même que c'eft un véritable Poëme, fi l'on en juge fuivant les régles de l'Art.

Le Taffe trouvoit qu'il n'y avoit point d'unité de Fable ni d'Action dans ce Poeme. Jacques Mazzoni ayant entrepris la défenfe de l'Ariofte, fit voir au Taffe qu'il fe trompoit, & il le contragnit d'avouer que le fujet du Roland eft fimple, & qu'il n'y a point de multiplicité ni dans la Fable, ni dans l'Action (11), comme nous l'appre

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8. Aut. Anon, de la Gramm. Ital. Nouv. Method. Préface pag. 13. & 14. de P. R.

Artofte.

ter,

nons de Victorio Roffi. Mais le P. Mam brun fans avoir eu connoiffance des raifons de Mazzoni, ou fans s'y être voulu arrêa décidé nettement, que l'unité de l'Action n'eft point dans le Roland, & que ce Poëme n'eft pas régulier (12) ni dans l'ordonnance, ni dans la proportion des parties.

Les autres Critiques François n'en ont pas jugé plus favorablement. Jacques Peletier du Mans y a trouvé beaucoup de chotes dignes de fa Cenfure (13). Il accufe d'abord le Titre du Poëme de peu de juftefle. Ou le titre n'eft pas bon, dit-il, ou le Poëte a mal fuivi fon fujet. Car ayant pris le titre de Roland, il ne parle de lui qu'en trois ou quatre chants. Après divers circuits & détours il veut finir fon Livre par Roger. Ce qui nous fait voir que le Poëme eft mal conçû, & que l'ordonnance en est mal entendue. S'il avoit deffein de rendre fervice ou de faire hon neur à la Maifon d'Eft, il devoit le faire fous le Titre d'un Roger plutôt que d'un Roland.

Le même Auteur prétend qu'Ariofte n'a pas dû s'affujettir comme un efclave à fuivre Virgile dans toutes fes démarches, & qu'il a dû étudier davantage le génie de fon fiécle que de celui de cet Ancien, & avoir plus d'égard aux circonftances différentes. Qu'il débite d'ailleurs beaucoup de chofes frivoles & indignes du Poëme héroïque, & qu'il amafle des tas de contes & de plaifanteries fort défagréables & fort mal placées.

Mr. de Balzac dit (14) que fi les Italiens ont raifon d'appeller Ariofte le Prince des Poëtes de fon pays, c'eft peut-être parce qu'il s'eft comporté dans fon Poëme comme un Prince dans fes Etats. C'eft, dit-il, en vertu de cette Souveraineté qu'il ne reconnoît point les Loix, & qu'il fe met audellus du droit commun. Il fait une partie de

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fes Fables de nos Myftéres, & il fe jouë de Ariofte. ce que nous adorons. Il traite la Religion avec des indignités étranges. Quoiqu'il arrive fouvent que le défordre foit divertiffant dans fes Ecrits, & que fa confufion nous caufe fouvent plus de plaifir & de délectation que d'embarras, ce n'en eft pas moins un défordre, & c'est toujours une confufion. Il mêle prefque par tout le faux avec le vrai, & il forme quelquefois un compofé qui dégoûte même les profanes judicieux. Il fait jurer le vrai Dieu par l'eau du Styx, & lorfqu'il mêle & qu'il compare les Miracles & les Hiftoires de l'Ancien Teftament avec la Fable, il femble donner atteinte à la vérité de l'Hiftoire Sainte.

Le Pere Rapin n'a point été moins pénétrant que Mr. de Balzac dans la décou verte des défauts du Roland de l'Ariofte. Il reconnoît en un endroit que ce Poëte a trop de feu; en un autre, qu'il est trop rempli d'événemens prodigieux & furnaturels, qui font femblables aux imaginations creufes d'un malade, & qui font pitié à tous ceux qui ont du fens, parce qu'ils n'ont aucune couleur de vraisemblance (15).

Il dit ailleurs que fon deffein eft trop vafte, fans proportion, & fans jufteffe, que c'est un méchant modéle du Poëme Epique (16); que fes Episodes font trop affectés, jamais vrai-femblables, nullement préparés & fouvent hors d'œuvre (17), que fes Héros ne font que des Paladins; que fon Poeme refpire un air de Chevalerie Komanefque plûtôt qu'un efprit héroïque.

Il avoue (18) en d'autres endroits qu'Ariofte eft pur, élevé, grand, admirable dans l'expreffion; que fes defcriptions font des chefs-d'œuvre: mais qu'il n'a aucun difcernement, qu'il n'y a que la beauté de fes expreffions jointe aux autres charmes de fes vers qui ait pû impofer au monde, & qu'elle a tellement enchanté nos Poëtes

qu'ils

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Ariofte. qu'ils n'ont pas affés reconnu les fautes énormes de jugement où il eft tombé (1). Son efprit, dit-il ailleurs, paroît femblable à ces terres fertiles qui produifent des fleurs & des chardons tout ensemble: & quoique tous les morceaux de fon Poëme foient très-beaux, l'Ouvrage tout entier ne mérite pas de paffer pour un Poëme Epique.

Le Pere Mambrun avoit blâmé l'Arioste (2), d'avoir introduit trop indifcrétement les Femmes dans les armées. C'est ce que le Pere Rapin femble avoir auffi

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MATHIEU BOIARDO,

Dit, le Comte de Scandian (5), Poëte Italien, vivant au commencement du feiziéme fiécle (6).

Et Auteur a fait le Poëme des Mathieu

défaprouvé, lorfqu'il dit (3) que ce Poëte 1261. amours de Roland d'Angeli- Boiardo,

ôte aux Femmes leur caractere qui eft la pudeur & la timidité, ajoutant qu'il a eu la même indifcrétion pour les Héros ausquels il ôte la nobleffe de leur condition pour les faire badiner.

Enfin l'Ariofte n'avoit pas étudié les régles d'Ariofte, comme a fait depuis lui le Taffe, qui vaut mieux, dit ce Pere, que l'Ariofte, quoique l'Académie de Florence en puiffe dire. En quoi le goût du Pere Rapin eft entiérement conforme à celui de l'Académie Françoise & de la plupart des connoiffeurs de déçà les Alpes, puifque, felon Mr. Godeau (4), l'on difoit communément que le Tombeau de l'Ariofte étoit dans le Tasse.

Mais il a eu un grand nombre de Partifans dans l'Italie, & l'on peut dire qu'après Meffieurs de la Crufca & le Mazzoni dont nous avons parlé, il n'y en a point eu de plus affectionnés que Simon Forna

y

res, Paul Beni qui en a fait la comparaifon avec Homere enfuite de celle du Taffe avec Homere & Virgile, & Louis Dolce qui a fait fon Apologie.

* Orlando Furiofo di Lod. Ariofto da Gi

1. Réflex. particul, du même Traité R. 3. comme ci-deffus part. 2.

2. P. Mamb. Differt. de Carm. Epic. præfix. Constantino ejufd. pag. 390. 391.

3. R. Rap. Reflex. gener. 25. fur la Poëtiq. 4. Ant. Godeau Ev. de V. Préface fur le Poëme de faint Paul &c.

s. 4. Le Comté de Scandian étoit au territoire de Reggio dans le Modénois. Les noms de Mandricard, de Sacripant, de Gradaffe, d'Agramant, &c. que le Bojardo a donnés aux Héros de fon Roman, étoient les noms de famille de quelques payifans fes fujets au rapport du Caftelvetro p. 22. de fon Commentaire fur la Poëtique d'Ariftote de l'édit. de Bâle,

bis.

que, mais comme nous l'avons remarqué plus haut, il a été effacé enfuite par celui de l'Ariofte, felon le fentiment de Paul Jove. En effet le P. Rapin (7) nous en donne une affés méchante idée en deux endroits de fes Réfléxions fur la Poetique. Il dit dans l'un que l'Ouvrage de Boiardo eft un très-méchant modéle pour le Poëme Epique: & dans l'autre que ce Comte paroît s'être laiffé gâter aux livres de Chevalerie & aux Romans de fon tems (8).

THOMAS MORUS,

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6. . Je doute qu'il ait paffé l'an 1490. Ses Elui, ne parurent qu'affes long-tems après la mort, glogues, qui font les feuls Vers Latins qu'on ait de à la fuite de ceux de Barthelemi Crottus en l'an 1500. Le manufcrit qu'en avoit laiffé le Bojardo étoit fi ancien que la cire dont il avoit couvert les endroits qu'il vouloit changer, & fur laquelle il avoit marqué avec un poinçon ces changemens s'étoit écaillée par la longueur du tems. Si quid, dit Crottus au Lecteur,, quod minus confonum reliquis tibi videatur carminibus offendes, nofcas divinum hunc Poëtam iftis correctiora alia eifdem, ut confueverat, cera Super affixiffe, que temporum injuria deperdita funt.

7. René Rapin, feconde part, des Refl, fur la Poët. Ref. 111, & XVI,

Motus.

Thomas qu'on lui trouve quelque chofe d'affés grand & d'affés agréable; ce qui eft d'autant plus remarquable, qu'il n'avoit pas eu d'autre maître ni d'autre guide que fon propre génie. Il s'eft porté de lui-même à l'imitation des Anciens, autant qu'il a été poffible, & il s'eft montré un des plus zélés adverfaires de ces Vers qu'on appelle Léonins (10), c'est-à-dire de ces fortes de Vers Latins qui ont une même confonance au milieu qu'à la fin, ou qui riment par hemiftiches; ce qui eft une invention des fiécles du moyen âge.

* Thoma Mori Epigrammata in-8. Lond. 1638.

GARCILAS ou GARCILASSO,

Ou pour parler plus correctement GarfiLafo, dont le nom entier eft, Garfias Lafo de la Vega, Poëte Efpagnol, né à Tolede, tué l'an 1536. d'un coup de pierre par un Payfan, au pied d'une Tour en Provence, portant les armes pour Charles-Quint, âgé de 36. ans.

Garcilaffo. 1262. CE

E Garfillas (11), comme nous avons coutume de l'appeller, eft un de ceux à qui la Poëfie Espagnole a le plus d'obligation, non feulement parce qu'il l'a fait fortir de fes premiéres bornes, mais encore pour lui avoir procuré diverfes beautés prifes fur les Etrangers.

Il étoit effectivement le premier & le plus estimé des Poëtes Efpagnols de fon tems, felon le témoignage d'André Schott, & il réuffiffoit même allés bien en vers Latins (12).

Ayant jugé que c'étoit faire tort à la Nature de ne point employer l'Art pour cul tiver le naturel qu'il pouvoit avoir pour la

1. q. Merlin Cocaie fur la fin de fon Ouvrage Macaronique a dit patlant du Boiardo,

Maxime Beiardus, dictusque Maria Matheus
Plus fentimento facili quam carmine dives.

Le Boiardo avoit du talent pour la Poëfie Lyrique autant qu'on en peut juger par quelques Sonnets qui reftent de lui, d'un Ayle plus chátié de beaucoup que celui de fon Orlando innamorato. Il fit en rime tierce une Comédie en 5. actes, intitulée il Timone dont le fujet étoit tiré de Lucien. Elle eft peu connuë & fes dix Eglogues Latines, imprimées à Reggio in-4. l'an 1500. ne le font guere plus.

9. Olaus Borrichius Differt, 4. de Poët, Lat. pag,

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Il quitta donc les Couplets & les Rondelets (Coplas y Redondillas) qui répondent à nos Stances Françoites, fans vouloir même retenir ceux de douze fyllabes, ou d'onze, quand l'accent eft fur la derniére du vers, qui étoient fort eftimés dans les commencemens, c'est-à-dire du tems de Jean de Mena, qui paffe pour en être Auteur dans l'efprit de plufieurs perfonnes. Il renonça même aux Villanelles qui répondent à nos Ballades, aux Romances, aux Seguidilles & aux Glofes, pour faire des Hendécafyllabes à l'Italienne, qui confiftent en des Octaves, des Rimes tierces, des Sonnets, des Chanfons, & des vers libres. C'eft ce qu'on peut voir dans la Bibliothéque de Dom Nicolas Antonio (13) & dans la nouvelle Méthode Espagnole (14).

Garcilas compofa doctement en toutes ces fortes de Rimes nouvelles, & il réusfit particuliérement en Rimes tierces, qui font 1. des Stances de trois vers, dont le premier rime au troifiéme, le fécond au premier de la Stance fuivante, & ainfi jusqu'à la fin, où ils ajoutent un vers de plus dans la derniére Stance pour fervir de derniére rime: 2. des Stances dont le premier

154. num. 198.

vers

ro. . 11 fit en ce genre de vers, pour se divertir, l'Epitaphe d'un Muficien du Roi d'Angleterre Henri VIII. fur quoi Brixius dans fon Anti-Morus l'a un peu chicane.

11. ¶. On écrit & on prononce Garcilas par une fimple l.

12. A. S. Peregrin. Biblioth. Hifpan. tom. 3. pag. 579. in-4.

13. Nicol. Anton Bibl. Script. Hifp. tom. 1. in-fol, pag. 393. 394

14. Nouvelle Methode Efpagnole troifiéme partie de la Grammaire chap. 3. & 4. de la Poëfie pag. 94. & fuiv,

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