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Baïf. gue des derniers, & les mouvemens de la reconnoiffance ne vous ont pas laiffé oublier l'obligation que vous avés au célébre Mr. du Cange, de vous avoir communiqué un très-joli Manuscrit de fon Cabinet, qui vous a confirmé dans la perfuafion où vous étiés déja de tout ce que nous venons de dire. C'eft un Recueil d'Extraits que le jeune Baïf avoit faits de vingt-trois anciens Poëtes Grecs pour fon ufage particulier. Quoi que les vues qu'il avoit euës dans ce travail ne puiffent pas être d'une auffi grande utilité pour les autres qu'elles l'étoient pour lui, ç'a toujours été un plaifir très-fentible pour vous de revoir dans ce Recueil des morceaux excellens d'Auteurs que Vous aviés déja lûs & étudiés pour la plupart. Il n'étoit âgé pour lors que dé deux ans plus que vous n'êtes maintenant. Mais vous ne devés pas lui envier un petit furcroît de gloire auquel il me femble que vous ne devés pas pré tendre. C'eft qu'il a écrit tout ce Recueil de fa main avec tant d'éxactitude, tant de jufteffe & tant de délicateffe, que Henri Eftienne ni même le fameux Ange Vergece n'auroient peut-être ofé fe vanter de mieux faire. Les ponctuations fur tout, & les accens, peuvent cautionner l'intelligence qu'il avoit de la Langue, quand même il fe feroit affujetti à les emprunter toujours de fes originaux. Il a eu grand foin de marquer à la tête de ce Recueil qu'il n'étoit que dans la quatorziéme année lorsqu'il l'écrivit. Depuis ce tems-là le defir d'honorer & de fervir fa Patrie, lui fit porter tous fes talens à la perfection de notre Langue, & fur tout de la Poëfie Françoife. Mais le fuccès ne répondit pas à fes intentions, comme on l'a remarqué ailleurs. Il mou rut en 1592.

Douza, 49

DOUZ A.

JANUS DOUZA, ou Jean vander Does ne fe fût point trouvé enveloppé dans les triftes engagemens de

en 1546.

>

la nouvelle Religion de fon Pays, nous Douza,
n'aurions pas d'exception à mettre dans
la préference qu'il femble avoir meritée
fur Jean Secundus dont nous avons fait
mention plus haut. Il étoit fils d'un Pe-
re de même nom, qui avoit cela de com-
mun avec le Pere de Secundus, qu'il
avoit beaucoup d'érudition & de capaci-
té, & qu'il avoit poffedé les premiéres
Charges du Pays. Il nâquit l'an 1572.
& avant que de fe voir hors de l'enfan-
ce il fe trouva par les foins de fon Pere
& le travail de fes études non-feulement
excellent Humaniste ou Philologue &
bon Poëte comme Secundus, mais enco
re grand Philofophe & habile Mathéma-
ticien. Il y ajouta depuis une connois-,
fance exquife de toute la Jurisprudence
& celle de l'Hiftoire. Outre les Poëfies
diverfes qu'il fit dans fon bas âge, nous
avons des Commentaires de lui fur di-
vers Poëtes Latins
vers Poëtes Latins, qui font voir que
l'opinion qu'on avoit de fon favoir n'é-
toit pas fauffe. Ceux qu'il fit fur les
Comédies de Plaute font les fruits de la
feizième année de fa vie, & il n'avoit que
dix-neuf ans lorsqu'il publia fon Livre
des Chofes Céleftes, & fa Differtation de
l'Ombre. Ses Commentaires fur Catul-
le, Tibulle & Properce font de la mê-
me année. Mais toute fa fcience & tou-
tes les belles qualités de fon esprit ont
paru encore moins eftimables & moins
rares en cet âge que fes vertus mo-
rales. Les fentimens intérieurs de la jus-
tice que nous devons à tout le monde
m'obligent de reconnoître publiquement
dans ce jeune Proteftant ce que je vou-
drois de tout mon cœur qui fe rencon-
trât dans tous les jeunes Catholiques. Il
n'y a que le defir de fauver l'honneur
où d'épargner la confufion à ces derniers,
qui m'empêche de faire ici le dénombre-
ment de toutes ces vertus. La mémoire
de Douza ne fouffrira point d'injustice
dans cette referve, puisqu'on peut ren-
voyer les curieux à ce qu'en ont publié
les Auteurs de fa Communion qui fe font
chargés du foin de nous les faire con-
noître (7). Contentons-nous de dire, que
le

7 Joh. Meurf. in Ath. Bat, lib. 2. p. 152. Vid, &
6 Du Verd, Du Maine, de Sainte Marthe, Colle Val. Andr. & Franc. Swert.
Colom. pag. 237. Not, ad Quintil.

tet,

&G

Douza,

Henri Eftienne.

le mérite de ce jeune homme l'emporta fur les confidérations de fa jeuneffe, lorsqu'il fut choisi pour être le Précepteur de H. Frederic de Naffau Prince d'Orange, & pour être le premier Bibliothécaire de Leyde. Il mourut au retour d'un voyage d'Alemagne, qui fit peut être les mêmes effets fur fa fanté que celui de Haynaut fur celle de Secundus ; & fa vie ne fut que d'un an plus longue que celle de celui-ci. Sa mort arriva à la Haye l'an 1597. après avoir vécu vingt-cinq ans, onze mois & quatre jours.

50

H

ESTIENNE.

ENRI ESTIENNE Fils de Robert mourut à Lyon en 1598. âgé de près de foixante & dix ans. Cependant on dit des chofes allés extraordinaires des travaux que l'étude lui fit effuyer dès fon enfance, quoique la forte inclination qu'il avoit pour apprendre contribuât beaucoup à les adoucir. Ce qui lui couta le moins fut la connoiffance des Langues Grecque & Latine, & l'ufage de la Poëfie. L'amour dont il fe trouva faifi dans fon bas âge pour la Poëfie étoit devenu fi violent, que non content de le rendre paffionné pour tous ceux qui en faifoient Profeffion ou qui aimoient les vers, il lui avoit auffi donné de l'avertion pour ceux qui ne s'y portoient pas ou qui ne l'eftimoient pas asfés à fon goût. Cet amour fit naître en lui une paflion pour le Grec dont le Public retira plus d'utilité. Son Pere ne pouvant vacquer à fon éducation comme il l'auroit pu faire fans les diftractions continuelles que lui donnoient l'occupation de fes Preffes & la correction des Livres dont il entreprenoit l'impreffion, le mit fous la conduite d'un Maître habile, mais dont les autres Ecoliers étoient beaucoup. trop avancés pour la portée du petit Henri Eftienne. Cependant leurs éxercices ne lui furent pas inutiles, quoiqu'ils ne fuffent pas pour lui. Le Maître leur expliquant ia Medée d'Euripide prenoit plaifir à la

1 Henr. Steph. ad Paul. fil. Præf. in Agell. 2 Idem in Præfat. Princip. Heroïci Carm. 3 Paul. Colom. in Gall. Orient. pag. 24. Theod. Janff. ab Almelov. de Vit. Steph. pag. 80. 81. 4 H. Eftienne aimoit fort à aller à cheval.

Henri Etienne dans la préface qu'il a mife audevant de fon Recueil des anciens Poëtes héroïques

Henti

leur faire déclamer, avec toute la grace dont leur prononciation & leurs geftes é- Eftienne. toient fusceptibles. L'Enfant charmé de ces nouveaux fpectacles étoit ravi de voir & d'entendre, quoiqu'il n'y comprît rien, mais fes oreilles fur tout fe trouvérent tellement enchantées par la douceur & les agrémens de la Langue Grecque, que les restes de l'harmonie de la prononciation faifant de profondes impreffions dans fon esprit, il repetoit fouvent divers endroits qu'il en avoit retenus fans favoir ce qu'il difoit. Il s'agitoit même la nuit en rêvant, & on l'entendoit déclamer de réminiscence. Sa paffion augmentoit à mesure qu'on réiteroit la repréfentation de la Tragédie, & le Maître voyant que non content d'en être le Spectateur, il vouloit à quelque prix que ce tût en être auffi l'Acteur, fut obligé de lui dire que cela ne fe pouvoit à moins que de favoir le Grec. Auffi-tôt fa paffion le tourna contre cette Langue avec tant d'impétuofité, qu'il ne voulut plus entendre parler d'autre chofe. On lui oppofa de nouveaux obstacles, & on lui fit entendre qu'on ne pouvoit prétendre de parvenir à la connoiffance de la Langue Grecque fans favoir auparavant la Latine, qui en eft comme la porte & l'interpréte fuivant l'ufage établi dans le pays. L'Enfant fe récria contre ces inftances, & foutint qu'il favoit le Latin. Et de fait il faut remarquer, qu'encore qu'il n'eût jamais vů de Grammaire ni entendu de Maîtres pour cette Langue il n'avoit pas laiffé de l'apprendre, & de la parler auffi facilement que la maternelle. Pour mieux comprendre comme il a pû faire, il faut vous fou venir, Monfieur, de ce que vous avés autrefois ouï dire de la belle economie de la favante Maifon de Robert Eftienne. Vous favés qu'il ne recevoit dans fa célébre Imprimerie que des Ouvriers habiles en Grec & en Latin, & capables d'être Maîtres ailleurs. Il avoit outre cela des Valets & des Servantes à qui il étoit défendu, auffibien qu'à tous les Ouvriers de l'Imprimerie, de parler autrement que Latin. Sa

Fem

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Henri Femme & fa fille Catherine l'entendoient Eftienne, fort-bien, & étoient de concert avec tous les Domestiques pour ne point parler autrement; de forte que les magafins, les chambres, la boutique, la cuifine, en un mot depuis le toit jusqu'à la cave, tout parloit Latin chés Robert Eftienne. Ce généreux Imprimeur avoit ordinairement chés lui dix hommes de Lettres tous des Pays étrangers, la plupart faifant fous lui l'office de Correcteurs des impreffions (1). Ces dix hommes étoient libres de parler chacun leur Langue : ce qui faifoit de la Maison de Robert une espéce d'Académie pour les Langues, & qui avoit fon utilité pour ceux qui étoient bien aifes de profiter de cette occafion (2). Mais pour s'entendre entre eux, & le faire entendre aux autres, ils étoient obligés de fe fervir de la Langue commune, c'eft-à-dire du Latin, qu'ils entendoient parfaitement. Et parce qu'ils ne favoient pas le François il leur étoit facile de redreffer ceux du pays en corrigeant les Gallicismes que les Ouvriers & les Domestiques du logis de Robert faifoient affes fouvent dans leur Latin (3). Jugés donc, Monfieur, fi le petit Henri Eftienne avoit grand tort au fortir de la Maifon de fon Pere de foutenir à fon Maître qu'il favoit le Latin, & s'il n'auroit pas pû fort plaufiblement se vanter de ne point favoir d'autre Langue, n'en ayant presque pas ouï parler d'autre depuis le berceau. Cependant le Maître n'en voulut rien croire, & il lui fallut avoir recours à Robert pour obliger fon fils à fe mettre aux Rudi

qu'il eut un plaifir fingulier à l'entendre Henri expliquer à fon Maître plutôt en François Eftienne, qu'en Latin, comme on faifoit par tout ailleurs. Enfin l'ayant apprife toute par cœur, il fe donna tout à loifir le contentement qu'il avoit tant recherché, & la déclama autant de fois qu'il voulut. Voilà l'Epoque de la paffion qu'il a toujours témoignée depuis pour les vers & pour le Grec. Les plus beaux de fes vers font ceux qu'il fit dans fes voyages en courant le galop (4). Pour le Grec il n'en demeura pas-là: il apprit à l'écrire ou à le peindre mieux que les caractéres-mêmes de l'Imprimerie du Roi; & il acheva de fe perfectionner dans fa connoiffance fous la discipline de Pierre Danès & de Jacques Toullains les deux premiers Grecs de leur fiécle & Disciples du grand Budé. Après cela l'on ne doutera plus qu'il n'ait été capable de tourner des livres Latins en Grec dès fon Enfance, comme il fit le Catechisme de fon nouveau Patriarche de Genève pour lequel il eut l'approbation de Melanchthon (5): ou de redonner la vie aux anciens Auteurs Grecs enfevelis dans l'oubli & la poufliére, comme il fit dans fa premiére adolescence à l'égard d'Anacreon, dont il corrigea le texte quoique fort corrompu, & qu'il publia pour la premiére fois avec une verfion qu'il fit en vers Latins (6).

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mens de la Langue Latine. Robert Rede- "L

clara en cette occafion pour l'inclination de fon fils avec d'autant plus de facilité qu'il étoit de l'opinion de ceux qui cftiment qu'il feroit plus à propos d'apprendre le Grec avant le Latin. Henri fort fatisfait de lui-même, dévora la Grammaire Grecque en peu de jours, & il n'eut point de repos qu'on ne lui eût remis la Médée d'Euripide entre les mains. I témoigne

cule pour dire qu'il eût fait ces vers en courant le galop, il a eu au contraire la précaution, évitant le mot fufos d'employer celui de fcriptos, pour donner à entendre qu'il avoit des tablettes où il les écrivoit étant à cheval, à mesure qu'il les faifoit. Du refte la note de Baillet qu'Henri Etienne alloit volontiers à cheval, eft extrèmement hors d'œuvre. Il alloit volongiers à cheval non pas comme aimant cet éxercice,

MANUC E.

le jeunc

A condition d'ALDE MANUCE Alde le jeune fils de Paul & petit-fils Manuce, d'Alde, ne devoit pas être fort différente de celle de Henri Estienne. Ils étoient l'un & l'autre fils de Savans & fils d'Imprimeurs. Leur vie quoique par des emplois affés différens aboutit à une fin affés femblable, & même atfés proche l'une de l'autre, Alde n'étant mort que peu de mois devant Henri (7). Alde ne fut pas fi curieux de Grec que Henri, & il voulut fe

con

& comme habile écuyer, mais uniquement comme aimant à voyager, ce qui chagrinoit fort Cafaubon fon gendre qui s'en plaint en plus d'un endroit de fes Lettres.

5 P. Colom. Opufcul. pag. 236.
6 Sammarth. Elog. lib. 4. pag. 13.14.
7 Mais en 1597.

1

Alde

contenter d'exceller dans le Latin. C'éManuce, toit le fort de fon Pere Paul, qui n'ayant le jeune. pas autant d'occupation dans l'Imprimerie que Robert Etienne, trouva affés de loi fir pour vacquer lui-même à l'inftruction de fon fils. L'Enfant répondit fi bien aux foins de fon Pere par fon application à l'étude, qu'il devint tout Ciceronien en très-peu de tems, & qu'il fe vit dès fon enfance très-habile dans toute l'Antiquité Romaine. Il n'avoit que quatorze ans lors qu'il fit fon Commentaire de l'Orthographe; & n'en avoit que dix-neuf lorsqu'il compofa le petit Livre des Notes des Anciens (1).

J'oubliois presque de vous faire remar quer une fingularité qui pourroit encore entrer dans le parallele d'Alde Manuce & de Henri Eftienne. C'eft que tout occupés qu'ils étoient à travailler fur des Langues mortes & étrangères, ils ne laiffoient pas l'un & l'autre de faire paroître une pas fion extraordinaire pour cultiver, polir & orner leur Langue maternelle. Ils ne fe font pas contentés de compofer divers Ouvrages en Langue vulgaire de leur fonds, ou de traduire, l'un des Livres Latins en Italien, l'autre des Livres Grecs en François; mais ils ont encore écrit chacun des Traités fur les origines, les progrès & les propriétés de leur Langue, pour en faire

voir les beautés.

STREINN.

Monfieur, de vous garder

ler de fon éducation & de fes Etudes, que Streinn
des fruits qu'elles ont produit. Il paroît
qu'il s'étoit réduit d'abord à l'étude fim-
ple & féche de la Jurisprudence, après
avoir terminé le cours de fes Humanités
& de fa Philofophie à la maniére des Eco-
les, qui étoit alors comme aujourd'hui
toujours affés lefte & affés légére.
Mais
étant allé étudier à Strasbourg fous Fran-
çois Hotman Jurisconfulte François, il
trouva dans ce nouveau Maître d'autres
lumiéres que celles qu'il avoit fuivies jus-
qu'alors; & voulant profiter de fes avis,
il fe réfolut de joindre la Science de la bel-
le Antiquité à celle du Droit, & de le
prendre lui-même pour fon guide dans cet-
te nouvelle entreprise. Il y donna près de
vingt mois, pendant lesquels il com-
pola diverfes Differtations fur les Co-
mices ou Affemblées, fur les Loix
fur les Magiftratures, fur les aufpices &
cérémonies, fur la Milice des Romains
(2). Mais rien ne lui réuffit mieux que ce
qu'il fit fur les Maifons & Familles de Ro-
me, qui eft, ce me femble, le feul Ouvrage
qu'il ait rendu public concernant les An-
tiquités Romaines (3). Il y travailla en
1557. & l'acheva vers le mois d'Avril ou
de Mai de l'an 1558. quoiqu'il ne parût en
Public qu'au milieu de Fevrier de l'année
fuivante chés Henri Eftienne (4). Vous
voyés, Montieur, que Streinnius étoit au-
deffous de vingt ans, lorsqu'il fit cet Ou-
vrage. Mais je fuis obligé d'ajouter à fon
avantage, que ce n'eft point feulement la
lecture du Livre qui peut vous le faire con-
noître. Vous en avés déja fenti vous-

Streinn. la parole que je vous ai donnée, de même l'utilité toutes les fois que vous avés
52

ne vous parler que des jeunes gens qui fe
font fignalés par leurs Études ou leurs E-
crits jusqu'à l'âge de vingt ans. Je ne pré-
tens point la rompre en vous propofant
l'éxemple de RICHARD STREINN parmi
les autres modéles que l'on peut fuivre en
fûreté. C'étoit un Allemand d'Autriche,
Baron de SCHWARZENAW, & Con-
feiller de l'Empereur. Il nâquit vers l'an
1538. mais il nous eft moins facile de par-

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été curieux d'y chercher quelques Famil-
les Romaines pour en débrouiller la Gé-
néalogie. Mais d'autres que vous y ont
bien trouvé d'autres qualités qu'on ne de-
vroit ce femble espérer de rencontrer que
dans les Ouvrages des Vieillards confom-
més en érudition. Streinnius mourut in-
contestablement l'an 1600. le huitieme jour
de Novembre, quoique Mr. de Thou n'ait
mis fa mort que l'année suivante (5).

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ZAMOYESKI le jeune.

Zamoski. 53 JEAN ZAMois, s'étoit donné en Latin le nom de Joannes Sarius Samofcius, peut-être à caufe de la Duché de Zharaz (7) appartenant à la Maifon de Zamoiski qui porte aujourd'hui le titre de Principauté dans la Pologne. Il étoit fils d'un Senateur du Royaume nommé Staniflas Caftelan de Chelm. Après avoir ébauché fes études à Crafnoflaw, il vint les perfectionner en France, où il eut pour Maître Turnebe & Lambin pour les Humanités, & notre Carpentier (8) pour la Philofophie. 11 paffa enfuite dans l'Univerfité de Padoue où il goûta Sigonius, & le préféra à tous les autres Profeffeurs. Sigonius de fon côté le prit en affection, & pour lui rendre une partie de l'honneur qu'il lui faifoit, il publia fous fon nom un Traité divifé en deux Livres touchant le Senat Romain (9). A fon retour en Pologne il fut fait Vice-Chancelier du Royaume, puis Ambaffadeur en France l'an 1573. pour prier de la part des Etats Henri frere de Charles IX. d'accepter le Sceptre de Pologne. Peu de tems après il fut choifi pour être Grand-Chancelier le refte de fes jours, & Grand Général du Royaume. C'eft en ces deux qualités qu'il fit tant valoir fa capacité dans le Confeil & dans les armées, & qu'il acquit la réputation de l'un des premiers Politiques & de l'un des premiers Capitaines de fon fiécle. Ce furent fa tête & fon bras qui maintinrent & affermirent Etienne Bathori & Sigismond III. fur le trône. Ce fut lui qui batit l'Archiduc d'Autriche Maximilien élu Roi de Pologne par une partie de la Nobleffe, & concurrent avec Sigismond, & qui le prit prifonnier l'an 1588. Il n'eut pas moins de fuccès contre les Moscovites & les Tartares, & dans toutes les autres occafions

ZAMOYESKI OU ZAMOISKI (6) Polonois,

55 qu'il eut de fignaler fon courage, mais il Zamoski eut grand foin d'allier toujours la gloire des Lettres à celle des Armes. Il établit une belle Univerfité dans fa ville de Za

moiski l'an 1594 & il n'oublia rien pour y faire fleurir les beaux Arts & les Belles Lettres (10). Enfin l'amour de la retraite & de fes Livres lui fit abandonner la Cour, & on le trouva mort d'apoplexie dans fon fauteuil lorsqu'on croyoit qu'il méditoit enfoncé dans quelque penfée profonde l'an 1605. qui étoit fa grande année climacterique.

Vous m'allés demander, Monfieur, de quelle utilité pourroit être ici tout ce discours, puisque Zamoiski n'eft pas le véritable Auteur de l'Ouvrage qui porte fon nom, & que je ne vous ai point marqué l'âge auquel Sigonius auroit voulu laiffé croire que Zamoiski l'auroit composé ? Mais je vous préviens en vous avertissant que je n'en ai ufé de la forte que pour vous faire voir de quel pere étoit fils THOMAS ZAMOISKI, que vous n'auriés peut-être pas aflés bien connu fans tout ce détail. Il fuffit de vous dire qu'il étoit fils unique pour vous laiffer le refte à deviner, & pour vous faire concevoir fur les études & l'excellente éducation de Thomas des idées conformes à ce que vous pouvés penfer d'un auffi grand homme qu'étoit fon pere (11). Après cela contentons-nous d'ajouter que Thomas n'ayant encore que treize. ans favoit parfaitement le Grec, le Latin, le Turc, l'Allemand, l'Esclavon (12), le Tartare, & qu'il parloit toutes ces Langues avec une facilité merveilleufe. Il étudioit actuellement l'Arabe en cet âge, & Jofeph Scaliger de qui nous tenons ces particularités, nous apprend que le GrandChancelier de Pologne lui fit l'honneur de lui écrire pour lui demander fon Lexicon Arabe, afin de faciliter la connoiffance de cette Langue à fon Fils.

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