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François, qui ne manquent pas de génie & d'agré
ment. Il avoit beaucoup voyagé dans la jeunelle. A
fa
fon retour il prit une charge de Confeiller dans le
Parlement de Rouen, âgé de 26. ans, & l'année fui-
vante il épousa une femme de Paris, dont il laiffa
plufieurs enfans. Il exerça fa charge avec beaucoup
d'integrité. Il étoit Huguenot, mais fans entêtement
Il mourut à Caen le 24. de Decembre, en l'année 1657,
âgé d'environ 5o. ans; étant né à Caen le dernier de
Mars de l'an 1607.

52. Quelque foin qu'ait pris Jean de Bernieres de cacher Jean de fa vie, la conftante & éminente pieté qu'il avoit culBernieres tivée dés fon enfance, n'a pas laiffé de luy acquerir for fourune grande & jufte réputation. Il étoit Treforier de fœur. France à Caen. Mais fuyant le monde

daine fa

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& voulant chercher Dieu dans la retraite, il fe confina dans une petite maison, bâtie fur le fond des Urfulines de cette Ville, dont le Convent magnifique avoit été fondé par fa fœur. C'eft cette petite maison qui a été nommée l'Hermitage. Il a paffé fa vie dans les pratiques de la plus haute perfection. Il écrivoit par ordre de fes Directeurs les lumieres que Dieu luy communiquoit dans l'Oraifon. Le Chrêtien interieur eft extrait de fes écrits, qu'il avoit commencez dés le College. Ils feroient demeurez cachez entre les mains de ceux qui ont herité de ses trefors fpirituels, fi le Pere Louis François d'Argentan, Capucin, n'avoit pris foin de les revoir, & de les compiler aprés la mort. On reconnoît fenfiblement l'efprit de Dieu dans les écrits. Il a paru encore d'autres Oeuvres fpirituelles fous fon nom. Il eut la principale part à l'établissement de l'Hôpital des Pauvres Renfermez, & il paroît qu'il con-. tribua beaucoup à l'établitfement de la Charité pour la retraite des filles de mauvaise vie,qui veulent se donner à Dieu. Sa vûë, qui étoit naturellement courte, s'affoiblit fi fort dans les dernieres années de fa vie,

qu'à peine pouvoit-il fe conduire. Son exterieur étoit fimple, fa converfation affez gaye. Dieu le retira de ce monde dans le tems qu'il s'entretenoit avec luy dans la priere. Il mourut d'apoplexie, le 3. May, l'an 1659, âgé de 57. ans. Sa four Jourdaine de Bernieres prit une autre route pour aller à Dieu. Elle employa fon zéle & fon bien pour établir à Caen les Religieufes Urfulines. Elle alla demander à Paris des Filles de cet Ordre. Après avoir pallé un contract de fondation, elle en ramena trois en l'année 1624. Elle embrassa quelque tems aprés leur genre de vie, & en fit profeffion vers la trentiéme année de fon âge. Sa vertu la fit élire Superieure quatre ans aprés la Profeffion. Ce fut alors qu'elle entreprit le fuperbe bâtiment que les Urfulines habitent prefentement, & l'acheva en moins de fix ans. Elle mourut le 26. Septembre 1670, âgée de 74. ans, étant née le 28. Février 1596.

$3.

Plufieurs raifons m'avoient empêché dans la premiere édition de cet Ouvrage, d'y donner à Gillonne Gillonne Huet la place que fa vertu me fembloit luy avoir fait Hust. meriter. J'apprehendois que la chair & le fang n'euf fent trop de part au jugement que je faifois d'elle, quoy que ce jugement luy fût encore moins favorable que celuy des perfonnes avec qui elle a vécu, & qui l'ont connue plus particulierement que moy. Mais ayant vú fa pieté préconisée publiquement par l'Elo ge dont on a honoré fa memoire dans l'Année Dominicaine, je me fuis cru autorifé à luy rendre la juftice, que mes fcrupules luy avoient refufée. Elle nâquit à Caen le 16. Mars de l'année 1633. Mais Dieu l'ayant privée dés l'entrée de fa vie de ceux qui la luy avoient don née, les Dames de Bertouville fes tantes,Religieufes Dominicaines aux Emmurées de Rouen, fe chargerent de fon éducation. Elle les accompagna au Pontlevêque en l'année 1645, lors qu'elles y fonderent la floriflante Communauté de Sainte Croix. Les grands exemples de

fainteté qu'elle avoit devant les yeux, l'attirerent à Dieu, Elle eut toutefois de grands combats à foûtenir avant que de renoncer au monde, qu'elle aimoit fans le connoître. Mais fe reprochant enfuite fes peines interieures, que fon choix luy avoit fait fouffrir, comme des infidélitez faites à Dieu, elle entreprit de les réparer, par les rigoureufes & extraordinaires penitences qu'elle s'impofa. Elle fe propofa pour modéles quelques Saints, qui s'étoient mortifiez par la faim & par la foif; & confultant fon zéle plûtôt que les Superieurs & fes Directeurs, elle fe priva pendant un trés-long-tems de toute forte de bruvage, & d'une grande partie des alimens neceffaires. Elle en fouffrit une fi cruelle alteration, que l'economie de fon temperament en étant ruinée, fon corps fe déffecha, fa peau devint noire & tendue, & fon eftomac ne pût fouffrir aucune nourriture. Les Superieurs ayant connu la caufe de ce defordre, tâcherent inutilement de la rétablir. Il luy en coúta la vie, qu'elle finit dans des fentimens de Dieu, dignes d'une favorite du Ciel, & choisie pour une heureufe éternité. Elle avoit reçû de la nature les dons que le monde admire davantage, un efprit élevé, penetrant, folide & aife; un defir infini de favoir, une paffion immoderée pour l'étude ; une memoire prodigieufe & prefque fans exemple, capable de retenir au premier recit, & de repeter mot pour mot de longs difcours, & des fermons entiers. Mais la grace luy fit enfevelir tous ces rares talens fous une profonde modeftie, & fous un filence religieux, qui la faifoit confondre avec les plus fimples; elle mourut le 22. May, en l'année 1659, âgée Teulement de 26. ans.

Le celebre Michel l'Afne étoit fils d'un Orfévre de 54. Michel Caen, & né dans la Paroiffe de Saint Pierre. Ayant pris l'Ane. à Caen les premieres inftructions en l'art de graver en

tailles-douces, il s'y perfectionna à Paris, & y acquit

beaucoup de réputation. On dit qu'il fut le premier inventeur de la methode de graver fans hacheures, & que ce fut de luy que l'apprit Mellan, de qui on a vû tant de beaux ouvrages de cette forte. Son habileté luy merita un logement dans les Galleries du Louvre où à l'occafion du voifinage, il lia une étroite amitié avec le fameux Varin,Graveur comme luy,mais dans un autre genre. La Reine Anne d'Auftriche faifoit cas de luy, & pour marque de fon eftime, elle luy donna une chaîne d'or, où pendoit une médaille qui portoit fa figure. L'Afne touché de cette faveur fe mit auffi-tôt cette chaîne au cou, & la porta toute fa vie. Il n'eut qu'un fils de fon Mariage avec Madelaine de Martigny, native de Caen comme luy ; & il la perdit à l'âge de vingt ans. Il aimoit la bonne chere, & donnoit plus à fon plaifir qu'à l'augmentation de fon bien; fes heritiers profiterent peu de fa fucceffion. Il mourut à Paris vers l'an 1670, & fut enterré à Saint Germain l'Auxerrois.

55.

Jacques

ge,

Sieur

Grain

Il y a longues années que j'ay donné des marques au public de l'estime que je faifois de ces deux freres, GraindorJacques & André Graindorge. Jacques l'aîné s'étoit prefque renfermé dans les Antiquitez Romaines & de Prel'étude des Médailles. Il avoit neanmoins quelqu'ufa- mont, & ge de la langue Italienne, & de l'Espagnole, & il André étudia la Grecque dans les dernieres années de fa vie. dorge, Mais il étoit bien moins eftimable par ces connoillan- freres. ces, que par la délicateffe de fon goût, & la folidi- facques té de fon jugement, qui étoit telle que l'on eût pû fe Grainfier plus fûrement à la finefle de fa critique, qu'à dorge, Recelle de toute une Academie. Sa pareffe déguifée en BenediPhilofophie & en mépris de la réputation, rendirent in, & tous ces talens inutiles. André étoit d'un efprit bien Jessé different. Il avoit étudié la Medecine à Montpellier, Graindor& y avoit pris le degré de Docteur. Mr de Rebé ge, Sieur Archevêque de Narbonne, l'appella auprés de luy A a j

ligieux

de Roche

Lrese

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pour y exercer cette profeffion. Il entra fort profon dément dans l'étude de la Philofophie, & principalement de la Phyfique. Il fuivit les principes d'Epicure, & de Gallendi. Il avoit compofé plufieurs ou vrages en Latin, Des principes de la generation, De la nature de la lumiere & des couleurs, La balance de l'air, De l'origine des formes, dont les deux premiers ont vu le jour : & en François, De l'origine des Macreufes, qui a été imprimé aprés fa mort, Mais il avoit de plus grands deffeins, lors qu'il mou rut, le 13. Janvier, 1676, âgé de 60, ans, étant né en 1616. Pendant la derniere année de fa vie il tomboit toutes les nuits dans une efpece de délire, ayant les yeux ouverts, paroiffant tout éveillé, & parlant à ceux qui étoient prefens, & qui tâchoient par leurs remontrances de le faire revenir en fon bon fens, fans pourtant luy pouvoir faire entendre raifon. Ce déréglement ceffoit pendant le jour, & il agissoit à son ordinaire. Son frere étoit mort feize ans auparavant, âgé d'environ quarante-cinq ans, étant né en 1614, quelques chagrins domeftiques, felon les apparen ces, ayant abregé les jours. Il craignoit naturellement l'eau, & il ne fe feroit jamais hazardé à traverser une petite riviere fur une planche fans gardefou. L'eau en effet luy caufa la mort par une hydropifie de cœur, L'un & l'autre fut choisi d'un confentement universel de la Ville pour des charges municipales, & s'en acquitterent avec fuccés. Un autre facques Graindor_ ge leur parent, fe fignala dans l'étude de l'Aftronomie, Il étoit Religieux Benedictin de l'Abbaye de Fontenay, & Prieur de Culey. Il avoit pris le premier goût & la premiere teinture de cette fcience fous Gilles Macé. Il crut avoir trouvé le fecret fi recherché des Longitudes, & il publia fa prétenduë découverte par des Programmes imprimez. Dans un commerce de plufieurs années que j'ay eu avec luy dés

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