voyois les deferts fablonneux, du côté du pays de Barca, & les petites pyramides qui font à 4. lieües de celle-cy, avec le Nil qui ferpente dans de beaux jardins.LeCaire paroift comme au pied de la Pyramide; & c'eft une tres-belle veüe que de voir cette grande Ville & tous les palmiers qui font un tres bel afpe&t, d'autant plus qu'ils font bordez à droit & à gauche de cette campagne deferte & toute de fable. Nous vîmes venir un Turc qui montoit d'une grande viteffe; cela nous donna quelque apprehenfion qu'il ne fût arrivé quelque chofe à nôtre Yompagnie qui étoit en bas. Quand il fut en haut je luy demanday pourquoy il montoit. Il me dit que c'étoit pour nous donner du plaifir. Avec un arc il vouloit nous faire voir jufqu'où une fleche pourroit aller. Il tira de toute fa force, & la fleche à peine tomba t'elle au milieu de la pyramide. Nous defcendîmes enfuite; & il eft vray que j'eus beaucoup plus de peur en defcendant qu'en montant. Comme il eft dangereux de s'étourdir, je fus obligé de defcendre à reculons, & je n'eftois pas encore à moitié que j'aurois bien voulu estre en bas, où nous arrivâmes enfin. Je contay en descendant deux cens quarante trois

નોરતામાં છે.

degrez qui eftant hauts de plus de 3. pieds chaque, on peut dire que la pyramide a plus de 729. pieds de hauteur en ligne droite, fans conter ce que l'on defcend par dedans où il y a encore plus de 40 pieds de profondeur.

Nous fûmes voir enfuite les deux autres pyramides. Elles ne font pas fi groffes ny fi hautes, & il n'y a point d'ouverture, quoy qu'elles foient basties par degrez comme l'autre. On n'y fçauroit monter, parceque le ciment dont elles font enduites n'est pas affez ruiné. Plufieurs prennent cet enduit pour du mar bre, il le paroift, mais ce n'eft qu'un

ciment.

Outre ces grandes pyramides on en voit proche un affez grand nombre de plus petites de toutes grandeurs. Parmy celles-cy il y en a une furmontée d'une tefte prodigieufe en groffeur, qui regarde du cofté du Caire; on l'appelle le Sphinx, à caufe de fa figure. Sa bafe eft proportionnée au Coloffe qu'elle foûtient. La tefte de la figure a environ 100. pieds de tour, & environ 70. du menton au haut du front, le nez en eft fort mangé. Cette figure eft toute d'une piece, & l'on tient qu'elle eft creufe par dedans. Elle paroist eftre de marbre quoy que ce ne foit que

de la pierre. Les gens d'aprefent de ce pays difent qu'il arrive toujours quelque malheur à ceux qui veulent monter deffus. L'on m'en fit même plufieurs hif toires; cependant malgré tout ce qu'on m'en put dire, fi je n'euffe point efté fi las, ou qu'il n'y eût pas eu tant de difficulté pour y monter, j'y aurois grimpé. Nous reprîmes enfuite nos montures qui n'avoient pas mangé de la journée, &qui ne laifferent pas de nous ramener au petit galop. On voit, quand le Nil eft debordé, que l'on peut aller aux pyramides par une chauffée où il y a plusieurs petits ponts.

VI.

Fefte au Caire pour la naissance de Mahomet pour l'entrée de l'eau du Nil dans le Kalis,

LES Septembre jour de la naiffance

de Mahomet eft une grande fefte les Turcs. Tout le Caire fut illu

parmy

miné par de petites lampes de verre qui faifoient un tres bel effet, mais particulierement les minarets des mofquées dont les deux ou trois galleries garnies de lampes, eftoient une chofe bien agreable à voir, L'on conte 22000.mina

rets dans le grand Caire.

Toute la réjouiffance de cette fefte se fait à la maifon d'un des premiers Cherifs, que l'on croit des defcendans de Mahomet. Cette maison eft devant la grande birque, qui eft un lieu tout rempli d'eau à caufe de la croiffance du Nil, & l'on y va même en batteau. La maifon de ce Cherif eftoit illuminée depuis le haut jufqu'en bas; de maniere qu'elle paroiffoit toute en feu. Il y avoit des inftrumens & des Comediens dans cette maifon ; & l'on avoit bafti dans la birque une petite mofquée de carte, d'où l'on faifoit partir de temps en temps de belles fufées volantes, comme de la maifon où tous les grands de la Ville eftoient affemblez. Pour parade il y avoit quantité d'armures, de picques & de gerides qui font des javelots.

Environ fur la minuit on mit le feu à la petite mosquée toute d'artifice, & qui brufla fort agreablement, avec quantité de fufées volantes qui firent de tres beaux effets. Toutes les rues du grand Caire furent pleines de monde toute la nuit, & en fi grande quantité que l'on avoit beaucoup de peine à y paffer. Il fembleroit par là que le grand Caire feLoit plus peuplé que Paris, car il faut

remarquer

remarquer qu'il n'y avoit alors ny Juifs, ny chretiens dans les rues, quoy qu'il y en ait une grande quantité dans cette ville. Cette fefte eft une des plus grandes qui fe faffent en Egypte.

J'acheptay le lendemain qui eftoit encore fefte, de belles medailles, & entr'autres un Galba grec, & un Antonin qui avoit pour revers un phenix. On fait auffi une grande fefte pour l'entrée de l'eau dans le Kalis, & beaucoup de réjouiffances trois jours auparavant. Quand ce jour eft venu le Pacha va luymême en perfonne & en grande pompe accompagné de toutes les puiffances de la Ville. Il donne le premier coup avec une petite pioche d'argent à l'endroit où il faut que l'ouverture foit faite pour faire entrer l'eau dans le canal. Plufieurs perfonnes continüent enfuite à y travailler affez lentement au fon des inftrumens.

On laiffe entrer l'eau peu à peu, & le Soubachi, fes gens, & plufieurs perfonnes à pied & à cheval l'accompagnent avec des cris de joye & de grands batemens de mains en danfant. Toutes les feneftres & les terraffes le long de ce canal font garnies de monde ; & quand l'eau vient à paffer, un chacun jette Tome I. C