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de maladies! Il me dit là deffus qu'il vouloit me faire mener à une heure loin de Taata dans un endroit où je pourrois. trouver de ces herbes que je cherchois. Nous retournâmes de-là voir nôtre malade. Il s'étoit bien paffé deux bonnes heures & demie pendant lefquelles le remede avoit fort bien operé, il avoit beaucoup vomy, & fon eftomac fe trouva beaucoup foulagé. Je crus qu'il falloit le laiffer repofer: j'ordonnay donc qu'on ne luy donnât qu'un peu de pilleau ce jour-là, & promis de le voir fur le foir.

Nous nous en retournâmes à la maifon, où aprés que la chaleur du jour fut un peu paffée, je fis reffouvenir l'Aga de de me faire mener dans les ruines dont il m'avoit parlé. Trois de fes gens my conduisirent, & je vis comme une grande Eglife Chrétienne toute découverte par le haut. Il y a un tres-beau portail foûtenu de belles colonnes de granite grife. Nous entrâmes dedans où nous vîmes encore quatorze grands piliers debout, qui apparemment foûtenoient la voûte qui eft prefentement tout-à-fait tombée. ya apparence qu'il y a eû autrefois une grande Ville en ce lieu, parce qu'on y voit quantité de ruines. Il y a plufieurs

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pierres chargées d'infcriptions, mais comme elles font en caracteres des anciens Egyptiens je n'y ay rien pû connoître. En confiderant ce qui en meritoit la peine je faifois femblant d'amaffer quelques herbes, & je faifois beaucoup de queftions à nos gens pour découvrir s'il y auroit quelqu'autre endroit curieux en ce Pays. Ils me propoferent d'aller voir un ferpent de l'autre côté du Nil dans une grotte. On croit là que c'eft un Ange qui fetransforme quand il luy plaît, ferpent avec les hommes, & d'une autre figure avec les femmes ; ils m'en firent plufieurs contes femblables qui n'exciterent pas beaucoup ma curiofité.

Quand j'eus bien confideré les ruines où j'étois, & comme je gagnois les bords du Nil, il paffa devant moi un crocodile environ de trois pieds de long, c'étoit le premier que j'avois vê en vie de cette groffeur. Il ne court point aux hommes comme l'on dit, car il s'enfuit dans le Nil dés qu'il nous apperçut. Il n'eft pas vray non plus que cette bête ait la voix comme un enfant qui pleure, j'en ay entendu plufieurs, & l'on ne peut mieux comparer la voix du crocodile qu'au hur lement de certains chiens de villes quand ils entendent fonner des cloches. Celuy

cy reparut deux fois fur l'eau, & je luy tiray un coup de fufil fans lui faire beaucoup de mal, apparament à cause de fes écailles.

Je revins à Soleil couché chez nôtre malade qui fe trouvoit beaucoup mieux. Le Gouverneur & luy m'en firent beaucoup de remerciemens. On parla de tout ce que je venois de voir, mais je ne pus tirer aucune connoiffance de ces gens, qui vivent dans une ignorance profonde de tout ce qui n'eft point de leur manege ou de leur Religion. Ils m'entretinrent des miracles que faifoit le ferpent dont on n'avoit parlé ; mais comme tout m'en paroiffoit ridicule, je n'y faifois point attention, & ne prenois pas la peine de les écouter. Je fus mené chez plufieurs autres malades, à qui je donnay aux uns des pillules, aux autres des regimes de vivre, de maniere qu'ils en furent contens. Il y en eut qui me demanderent des remedes pour leur faire faire des enfans. Il eft vray que fi l'on avoit ce fecret, on gagneroit ce qu'on voudroit dans tous ces Pays.

IX.

Montagne de fix cens mille de long. Pigeons

volontaires. Marbres d'un ancien Temple. Tures aveugles au fortir d'une Mofquée. Phenomene fingulier d'un bruit foûterrain. Hiftoire prodigieufe du ferpent. On croit que c'est le diable Asmodée.

E 26 fur les 4 heures aprés midy il Lfallut s'aller rembarquer Le Gouverneur aprés m'avoir bien traité'tout le temps que j'ay été chez luy me tint parole. Il me fit emplir ma canavette de fort bon vin, & me fit pormettre auffi que je ne repafferois point fans le voir. Je luy fis prefent de deux boêtes de confitures, & d'une bouteille d'eau de la Reine de Hongrie dont je luy dis toutes les qualitez. Il me vint accompagner juf qu'au fleuve avec tout fon monde, & me recommanda beaucoup au patron de la barque. Comme on attendoit encore quelqu'un je contemplay une montagne fur le bord du Nil à main gauche. L'on me fit remarquer qu'elle eftoit égale depuis fon commencement jufqu'à la fin & pleine de grottes creufées dans le roc dont on ne voyoit que les portes. Com

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