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Maisons d'Ackemin

T

page 96.

Temple ruiné

me elle a plus de 600. milles de longueur, elle reffemble à une grande muraille le long du Nil.

Ön fe mit à la voile enfuite & à une heure & demie loin de Taata nous ne voyons que temples & que colonnes à moitié ruinées, & 5. pyramides affez confiderables. Nous nous trouvâmes le premier d'Octobre à Ackemin où je fus loger chez des Miffionnaires que le Prince du pays avoit amenez du Caire pour exercer la medecine. Ils eftoient trois de l'ordre de Saint François de la Propagande. Je fus me promener avec eux dans la Ville qui eft affez jolie. Dans une grande rüe qui la traverse il y a deux marchez la semaine. Les maisons en font

toutes de terre, affez mal affez mal propres. Ce qui les fait paroître quelque chofe de loin ce font ces colombiers dont j'ay parlé, baftis deffus en forme de tours quarrées avec des creneaux rougis & blanchis. Ces colombiers ne font que pour donner retraitte au pigeons qui vont chercher eux mêmes leur mangeaille ailleurs. Prefque toutes les maisons n'ont que le bas & le colombier au deffus, comme il paroift par ce deffein. Il n'y a qu'une feule mosquée dans cette Ville que le Prince deffunt fit baftir de pierres,

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& qui n'eft pas tout à fait achevée. Les autres mofquées sont de terre.

Hors la Ville du cofté du Levant à une portée de moufquet nous vîmes un amas de morceaux de marbre dont la plupart ont depuis 3. jufqu'à dix brasses de longueur, & une braffe de large fur chaque cofté, ce qui fait 4. braffes de tour. Je croy que ce gros monceau de ruines eft de quelque fameux temple; en effet fur chaque piece de marbre d'un cofté tout eft remply de fymboles des anciens Egyptiens. Il y a plus de 60. de ces pieces de marbre que l'on voit les unes fur les autres. Le nombre peut estre bien plus grand de ce que la terre & les ruines couvrent.

Delà ma curiofité me conduifit à une Mosquée dont la porte eft murée. La raifon qu'on en donne eft que quand elle fut baftie, tous les Turcs qui y entrerent pour faire leurs prieres fe trouverent aveugles quand ils en voulurent fortir. Nos Peres de la Propagande m'en afseurerent fi fort qu'ils m'offrirent de me montrer un homme, le feul qui refte encore des aveugles de cette occafion. Il femble que Dieu le faffe vivre dans fa misere pour faire éclater un fi grand miracle depuis plus de 125. cu130. ans. Quand

je leur demanday s'ils ne fçavoient pas la caufe de ce prodige, ils croyoient, me dirent-ils, qu'il y avoit peut eftre fous terre en cet endroit quelque chofe de faint du temps des Chrêtiens.

Pour me prouver leur penfée ils me rapporterent qu'en bâtiffant un bain que le Prince fit faire il y avoit fix ans,on trouva une grande voute qu'on ouvrit & qui parut comme une cave tres profonde, que le Prince destina pour l'écoulement des eaux & des immondices du bain. Quand l'ouvrage fut achevé, dès la premiere fois que l'on voulut y faire couler les eaux, il fe fit un fi grand bruit, que le bruit de cent pieces de Canon n'auroit pas efté plus terrible. Toute la Ville en trembla, & comme l'on voulut recommencer à y faire aller l'eau, il fe fit un bruit encore plus épouvantable que le premier, & plufieurs maisons en furent ébranlées. Le Prince fit reboucher l'endroit au plus vifte, fans qu'il ait voulu penetrer la cause de ce phenomene. Tous les habitans du pays affurent de cette verité; & les Chretiens Coptes difent que ce qui fut caufe de ce bruit, c'eft qu'en ce lieu il y avoit eu quantité de Saints martyrs enfevelis, & que Dieu ne voulut pas qu'on le profanaft par les im

mondices d'un bain.

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que

dit un

En continuant nôtre promenade, un Chretien du païs converty à la Religion Romaine vint avec nous. On ne parla que des curiofitez & des merveilles qui font connues dans la haute Egypte. Les Peres & le Copte fe mirent à parler du ferpent vis-à-vis de Taata. Comme ils en parloient fort ferieusement, je me meflay de la converfation, & leur demanday s'ils ajoûtoient foy à tout ce qu'on difoit de ce ferpent. Je ne fçay - pas, me dirent ils, fi l'on y doit ajoûter foy ou non, aprés une chose que nous avons veuë, & vous ne ferez pas fafché de fçavoir. Le Prince qui nous a amenez, d'eux, eftoit un homme d'efprit, & ne croyoit rien de leger. Nous efperions » même en faire un Chrêtien si la mort » ne l'eût point tiré du monde. Il com»mençoit à remarquer trop de fauffetez » dans fa Religion. Un jour que nous »eftions à difcourir de beaucoup de chofes, & particulierement des fingularitez de l'Egypte, il me demanda fi j'avois entendu parler du ferpent de "Taata. Je luy répondis que j'en avois » entendu rapporter bien des fables. Cependant, me repliqua-t-il, tout ce » qu'on en dit ne palle pas en ces quartiers

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