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Ce que nous avançons ici fe change en démonftration, fi on jette les yeux fur les Médailles Egyptiennes frappées fous les Empereurs & fur-tout à l'honneur d'Adrien, & qui ont été rassemblées par M. l'Abbé BELLEY (1) en particulier & par d'autres Savans. On voit par ces Médailles que les Villes de l'Egypte n'avoient pas renoncé à leurs anciens fymboles, & qu'elles avoient pris le parti de faire paffer au revers leurs Divinités, représentées par des personnages en pied, & ayant en main les fymboles de la Ville où avoir été frappée la Médaille.

Par ce moyen ingénieux, elles ne fe manquoient ni à elles-mêmes, ni à leurs nouveaux Maîtres.

Sur une Médaille de la ville de MENDES, par exemple, frappée à l'honneur de Marc-Aurele le jeune, on voit Ofiris debout, appuyé d'un côté fur l'hafte pure, & tenant de l'autre un Bouc (2), même fymbole que fur les Médailles dont nous venons de parler, avec l'infcription MENDESIOS, le Dieu de Mendès.

La ville d'ATHRIBIS & celle de BUBASTE nous offrent fur leurs Médailles une Femme en pied, ou Diane tenant un oiseau (3)%

La ville d'ANTEO-POLIS, Serapis tenant un Crocodile.

La ville d'APHRODITO-POLIS, une petite figure & des Sphinx fur une base. DIOSPOLIS, fur les unes, un Cavalier qui tient un Serpent; fur d'autres un Ofiris qui tient un BeUF.

HERMONTHIS & PHAR-BETH, Ofiris tenant un Lion.

LÊTO-POLIS, un Crocodile.

Xois, Hercule ayant le Lotus fur la tête, portant d'une main un Oiseau & de l'autre la massue.

LEONTO-POLIS, ou la ville des Lions, Ofiris tenant en l'air un LION par le cou: cette derniere Médaille frappée auffi comme les précédentes fous la XI. année d'Adrien,se trouve dans un Recueil de 2 5 8 Médailles par le P. Louis de BIEL, pour fervir de fuite aux Médailles du célébre VAILLANT (4).

Ainfi les Egyptiens ne renoncerent jamais aux fymboles armoriaux de leurs villes, & on les reconnoît avec quelqu'attention fur leurs monnoies, fous quetque forme qu'ils y paroiffent, feuls comme dans les tems primitifs, ou accompagnés d'infcriptions & d'effigies comme au tems des Ptolomées & des Empereurs.

(1) Mém, des Infcr. & B. L. T. xxvIII. (2) Mém. de l'Acad. des Infer. & B. L. T. I, Hift. p. 259. (3) Ib. T. xxvIII. (4) Vienne en Autriche, iu-8°. 1734, No. XVI,

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Chaque Ville Egyptienne avoit un Animal pour Symbole.

On fait d'ailleurs que chacune de leurs villes avoit un fymbole particulier, & qu'il confiftoit presque toujours en un animal qui varioit pour chaque ville, & qui étoit regardé, difoit-on, comme la Divinité de la ville.

Le Bœuf Apis étoit adoré à Memphis.

Le Bœuf Mnevis, mot-à-mot, Mox, le Soleil,& Ev, Pere, à Héliopolis, ville du
Soleil.

Une Géniffe, à Momemphis.

Le Crocodile, à Arfinoć.
L'Ichneumon, à Héraclée.

Le Chat, à Bubaste.

Le Chien, à Cyno-polis, ville des Chiens.

Le Poiffon Latus, à Lato-polis, ville de Latone.

Le Loup, à Lyco-polis, ville des Loups.

La Brebis, à Saïs & à Thèbes.

Le Cebe, espèce de Singe, à Babylone près Memphis.
L'Aigle, à Thèbes.

Le Lion, à Leonto-polis, ville des Lions.

Le Bouc, à Mendès.

L'Epervier, à Phile.

7.

Fauffes idées qu'on fe formoit de ces Animaux,

Les Grecs & les Romains racontent des chofes étranges au fujet de ces animaux facrés de l'Egypte : ils ont tous été perfuadés que les Egyptiens leur rendoient un culte religieux; mais lorsqu'ils en ont voulu indiquer la raifon, ils n'ont plus été d'accord.

CICERON dit (1) que les Egyptiens n'adoroient que les animaux qui leur étoient utiles, & que c'étoit par un principe de reconnoiffance.

D'autres racontent que dans la guerre des Géans ou des Titans contre les Dieux, ceux-ci furent obligés de fe cacher fous la figure de ces animaux, afin

(1) De la Nature des Dieux, Liv. 1.

de

de pouvoir échapper à la fureur de leurs cruels ennemis. Devenus enfuite les plus forts, ils contraignirent les hommes à prendre foin des animaux de leur vivant & à les enterrer religieufement après leur mort.

Selon d'autres, les premiers hommes fe dévoroient les uns les autres, & les plus foibles étoient battus par les plus forts, jufqu'à ce qu'ils trouverent moyen de fe rallier en faifant porter au haut de quelques perches, des repréfentations d'animaux. Cet expédient ayant eu le plus heureux fuccès, nonfeulement il fut défendu de tuer aucun de ces animaux, mais il fut même ordonné d'en prendre foin & de les respecter comme les auteurs de leur falur.

Des quatrièmes prétendent que les diverfes villes de l'Egypte étant portées à la révolte & à l'indépendance, un Roi établit dans chacune le culte de quelqu'animal, & en défendit l'ufage pour la nourriture, afin que chacune de ces villes prévenue en faveur de fon culte, méprifât celui de fon voisin, & même qu'elle l'abhorrât en voyant qu'on y mangeoit fans fcrupule les animaux qui étoient l'objet de fon adoration; afin que par ces haînes réciproques, elles ne fuffent plus en état de fe liguer entr'elles & qu'elles demeuraffent fidèles au Prince.

On fent très-bien qu'aucun de ces motifs ne peut être vrai; qu'ils ne peu vent s'accorder avec la fageffe des anciens Egyptiens; qu'ils font tous infuffifans pour rendre raison du fait ; mais on n'en doit pas être furpris: les Grecs & les Romains qui ne connoifloient rien à leurs origines, pouvoient-ils éclaircir celles des Peuples étrangers, & fur-tout d'un peuple tel que les Egyptiens? Leurs Voyageurs en Egypte faifoient aux Prêtres & aux Sages du Pays des questions plus ridicules les unes que les autres, & ceux-ci répondoient à leur de fens, comme à des enfans qu'on berce de contes, parce qu'ils n'étoient pas dignes de raisonnemens plus relevés.

peu

Auffi ne trouve-t-on dans Hérodote & dans les autres Anciens qui ont parlé de l'Egypte, les caufes de quoi que ce foit ; ils fe bornent à des faits qui femblent toujours finguliers & bifarres, parce qu'on n'en apperçoit jamais la cause, & on feroit tenté de croire, ou qu'ils en impofent ou que les Egyp tiens étoient un affemblage d'infenfés.

Diff. T. I.

M in

8.

Caufes de ce choix & de cette espèce de Culte rendu aux Animaux.

1o.

Chaque ville portoit le nom d'un de ces animaux.

Difons mieux, les villes de l'Egypte, ainfi que la plupart des anciens Peuples, prenoient pour leur nom des noms d'animaux, & ces animaux devinrent leurs Symboles & la bafe de leurs Armoiries.

29.

Chaque ville nourriffoit à fes frais quelques Animaux de l'efpèce dont elle portoit le nom.

En même tems chacune de ces villes, ainfi qu'en plufieurs autres pays, entretinrent aux dépens du tréfor public quelques animaux pareils à ceux qu'ils avoient choifis pour leurs Armoiries, & qui étoient ainfi leurs Symboles vivans : ils étoient logés, nourris & foignés par des Gardes entretenus & défrayés également par le tréfor public. C'étoit un droit de la Souveraineté & une des marques de la Majefté publique.

༡༠.

Ces Animaux étoient apprivoifés & facrés.

On mit enfuite ces animaux fous la garde de la bonne-foi publique : & afin qu'ils fuffent moins expofés, on les confacra à la Divinité Patrone de chaque ville.

C'est ainsi que STRABON nous apprend que les Momemphites, qui nourrif foient une Géniffe aux dépens du Public, l'avoient confacrée à Vénus leur Déeffe.

Le Crocodile de la ville d'Arfinoé étoit apprivoife : les Etrangers le faifoient un plaifir de lui donner du pain, de la viande, du vin: il se laiffoit careffer: on ornoit les ouies de pendants d'or & de pierreries ; & fes pieds de devant, d'une chaîne d'or.

Le Bœuf Apis étoit logé & entretenu dans une très-belle falle foutenue par de fuperbes colonnes.

C'étoit à qui auroit de la laine ou des pièces d'étoffe faites avec la laine des brebis facrées de Saïs.

Ces animaux étoient entretenus dans des parcs facrés : des perfonnes.

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destinées à cette fonction les nourriffoient de pâtes fines délayées dans du lait avec du miel: & de canards bouillis ou rôtis. Les animaux carnivores étoient nourris d'oifeaux: on les baignoit, on les parfumoit, on en perpétuoit l'espèce, & à leur mort on les embaumoit.

Leurs Gardiens ou ceux qui étoient chargés de les nourrir & d'en avoir foin, étoient, dit-on, des perfonnes d'un rang diftingué; elles portoient les fymboles de ces animaux, & on les refpe&oit jufqu'à fe mettre à leur passage.

genoux

fur

Il eft même très apparent que chaque Egyptien avoit également de pere en fils quelqu'animal facré, fymbole de la famille, & qu'on vénéroit dans chaque famille; & que c'eft de-là que font defcendus les Fétiches en ufage dans toute l'Afrique.

Cet ufage dût dégénérer à la longue en une fuperftition folle & ridicule: mais pour juger fainement des ufages d'un peuple, il ne faut jamais s'arrêter à leur dégradation; mais remonter à ce qu'ils furent ou purent être dans leur origine.

C'est ce que ne pouvoient faire ni les Grecs ni les Romains : & je ne doute pas que les Prêtres Egyptiens eux-mêmes, du tems de ces peuples, n'euffent prefqu'entierement perdu de vue le fil de leurs établiffemens affujettis depuis quelques fiècles à des Princes étrangers, ils avoient laiffé anéantir leur ancienne fageffe, & ils ne voyoient par-tout que des ufages confervés par la fuperftition, & dont ils ne pouvoient plus pénétrer le but.

Des Peuples tombés dans l'esclavage & gémiffant fous le poids de la tyrannie & de l'ignorance, durent paffer bientôt en effet des honneurs publics rendus aux animaux fymboliques, à un culte fuperftitieux : ils durent les regar◄ der comme le Palladium de la Contrée ; & tout ce qui leur arrivoit de finifdevoit répandre la terreur dans tous les efprits: eft-il étonnant d'après que le peuple en fureur fe jettât fur ceux qui les faifoient périr? Sans être fuperftitieux, ne puniroit-on pas ceux qui tueroient dans une Ménagerie quelqu'animal que ce foit, ou qui feroient main-baffe fur quelqu'un de ceux qu'on montre à la Foire ?

cela

9.

Rapport des Symboles d'Athènes avec ceux de l'Egypte.

Rien n'eft plus dans le coftume des Egyptiens que les médailles d'Athènes avec leur Olivier, leur Chouette, leur tête de Boufs & un Vafe qui a fort embarraffé ceux qui ont voulu en découvrir l'objet. Ils ont cru qu'il faifoit

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