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Matta, œil, prefque par-tout; Maitang à Malicolo.

Eooa, pluie à Taiti; Ooa à Pâques, Nam-Awar à Tanna; Ooe à Calédonie, où il fignifie auffi eau.

les

Oui le dit prefque par-tout Ai, oe, eeo, ou io.

En général les cinq premieres de ces Nations ont beaucoup mieux confervé rapports de leurs Langues, que les trois dernieres. Cependant les Anglois obfervent que dans la nouvelle Calédonie, on femble parler deux Langues, dont l'une a le plus grand rapport à celle de Taïti : ainfi, par exemple, ils appellent une étoile Pijou, & Fy-Fatou, dont le dernier approche beaucoup de Efaitou, Whettou, nom des étoiles à Taïti.

Ces mêmes Obfervateurs nous apprennent qu'à Malicolo la prononciation eft chargée de labiales très-rudes; à Tanna de gutturales, & à la nouvelle Calédonie de nafales, quoique ces Ifles foient peu éloignées les unes des au

tres.

OBSERVATION S.

Il réfulte donc de ces rapports qu'une feule Langue eft parlée dans toutes ces Isles qui font au Midi de notre Globe, & que cette Langue a le plus grand rapport au Malais & à celle de Madagascar

Par conséquent que ces Peuples Méridionaux ont eu, en fait de navigation, des connoiffances qu'on ne leur avoit jamais foupçonnées, & d'autant moins que ces Peuples eux-mêmes étoient abfolument inconnus.

Il y a donc eu très-anciennement une communication étroite entre tous ces Peuples du Midi, foit que ces Ifles foient les débris d'un très-ancien Continent, foit que la hardieffe & la curiofité d'anciens Peuples les aient porté à aller de découvertes en découvertes à travers mille périls.

Mais d'où feroient venus ceux qui ont peuplé ces Ifles, ou qui y ont porté la Langue? On ne peut s'y méprendre dès que l'on confidere les Langues de Madagascar. Ici nous fommes obligés d'anticiper fur notre plan : nous ne parlions que des Inles de l'Amérique, & nous voilà obligés de parler de l'Afic & de l'Afrique, ou de la Mer des Indes.

DE LA LANGUE DE MADAGASCAR,

L'Ifle de Madagascar eft remplie de mots Phéniciens; nous pourrions en rapporter une longue nomenclature; contentons-nous de quelques-uns d'au

;

tant plus intéressans qu'on les retrouve dans les Langues Theutonnes ou Germaniques, ce qui eft très-remarquable.

Ainfi, ils ont la Famille TAN, pays.

TANE, terre, pays: TANE-TI, pays haut, montagne.

On-TAGNÉ, la Nation qui occupe le pays, la Cafle.
TANOU, tenir, occuper, poffeder.

Ils ont le mot Wazaa, blanc; c'eft le Theuton WEISS, blanc; l'Oriental 1 Byes, Wyts, blanc, d'où Byffus, coton & Bazin, &c.

RA, fang; de R, couler: en y ajoûtant l'article D, le Malais en a fait Da-Ra, fang, & le Theuton A-DER.

SOLPh, Renard; c'eft l'Oriental y Holph, que le Latin adoucit en VOLPES, & le vieux François en Gouril.

VoUA, fruit; le HUA du Pérou; le Po▲ des Grecs: le TE-BOUA OU TIVOUA, fruit en Hébreu.

HOURO, brûlé; de OUR, Oriental, feu.

O- MALLE, hier; en Hébreu Ta-MouL, hier: de Mall, devant, &c, &c. Mais puifque cette Langue eft remplie de mots Phéniciens, qu'elle en a fur-tout les noms de nombre, nul doute qu'elle ne foit l'effet des Voyages Phéniciens fur les Côtes de l'Afrique : nul doute qu'ils n'euffent des Comptoirs très-considérables dans cette Ifle, & de très-grands Entrepôts pour leur commerce dans toute la Mer des Indes, & dans les deux Continens : des Navigateurs auffi diftingués, auffi entendus, auffi favans, auffi habiles, n'auroientils pas fait ce qu'ont exécuté ces Peuplades Méridionales; ce que les Indiens exécutoient avant que les Européens euffent été dans tous ces parages? Tour ceci n'ajoute-t-il pas infiniment de force à ce que nous avons déjà dit fur les Voyages des Phéniciens, non-feulement autour de l'Afrique, mais auffi dans le Continent de l'Amérique ?

Rien n'étoit plus aifé pour eux que de fe tranfporter à Madagascar; d'aller .de-là aux Indes Orientales: mais d'ici on eft allé dans toutes les Illes de la Mer

du Sud: pourquoi donc n'en auroient-ils pas fait autant?

Des Géographes modernes ont cru qu'ils n'avoient navigué que le long des Côtes Orientales de l'Afrique : ils placent Ophir à Sophala, fur cette Côte, au Nord même de Madagascar: en vérité, c'est se moquer de fes Lecteurs: c'eft abufer de leur crédulité, ou vouloir fe tromper cruellement foi-même. Des Marins qui franchiffoient la Méditerranée entiere, qui avoient des établiffemens à Cadix, à l'entrée de l'Océan, auroient-ils mis trois ans à aller à -mi-chemin de la Mer Rouge à Madagascar, & à revenir fur leurs pas: Ces

Voyageurs

Voyageurs hardis, on les traveftit en enfans qui favent à peine marcher. Non, ce n'est point là où eft Ophir : ou ce n'est point là où on le place, , que fe terminoit ce long voyage.

Quoi qu'il en foit, tout dépofe la communication la plus étroite entre toutes les Isles du Midi de notre Globe dans les deux Hémispheres, & tout nous ra¬ nene à cet égard aux Phéniciens.

XI V.

LANGUE DE CALIFORNIE.

Pour achever le tour de l'Amérique, n'omettons pas la Langue des CALIFORNIENS, ce Peuple qui eft à l'extrémité Occidentale de l'Amérique & dont on n'a prefque aucune idée.

Ce que nous en favons, nous le devons fur-tout à M. le Baron de COLEM BACH qui nous envoya dans le tems, entr'autres Notices, l'Extrait d'un Ouvrage Allemand intitulé Relation de la Prefqu'Ifle Américaine de Californie, publiée à Manheim en 1772,

L'Auteur de cette Relation, après avoir dit qu'on parle dans cette Contrée fix Langues differentes, entre dans divers détails fur la Langue WAÏCURIENNE, la feule qu'il ait apprife: il en dit tout le mal poffible: felon lui, elle est sauvage & barbare au fuprême dégré ; elle eft abfolument physique, & bornée aux fens les plus groffiers, les plus imparfaits, n'ayant pas même les mots de vie, mort, froid, chaleur, monde, pluie; étant à plus forte raifon privée de ceux d'intelligence, mémoire, volonté, amour, haine, beauté, figure, jeune, vieux, vite, rond, profond, &c. &c. &c. car il en cite une légende. De mots métaphoriques, il en faut bien moins encore chercher chez eux la moindre trace: quant aux couleurs, ils n'ont que quatre mots pout les défiguer toutes.`

Voilà donc un Peuple bien groffier, bien inférieur à tous les Sauvages les plus ftupides de ce vafte continent? Voilà.... Non, vous vous tromperiez en tirant cette confequence: elle est tout au moins prématurée; car on trouve enfuite dans cet Ecrivain qu'ils lavent fort bien dire, il est chaud, il pleut, il eft vivant, &c. qu'ils favent impofer pour nom à chaque objet une épithete: qui la peint parfaitement par métaphore: qu'ils appellent une porte, bouche:le fer, pefani: le vin, eau mechante: un Supérieur, Porte-bâton: l'Espagnol, le) Farouche, le Cruel.

Que conclure de là? que l'Auteur de cette Relation s'eft trompé du tout au Dif. Tom. I.

A 4.

tout dans les idées qu'il s'eft formées de cette Langue : parce qu'il ne l'a pas trouvée femblable à celles d'Europe, il n'a pu fe reconnoître & la Langue Waicurienne en a été la victime.

Nos Principes deviendront fans doute un moyen propre à analyser les Langues avec plus de vérité & de jufteffe ; & celles-ci deviendront ainfi à leur tour une confirmation pleine & entiere de nos Principes..

Dans cette Langue, ainfi que dans toutes celles de l'Amérique Septentrionale, les Pronoms fe confondent dans les noms & les précédent. La labiale ME, & quelquefois BE qui la remplace, marque la premiere Perfonne au fingulier: M-APA, mon front; ET-apa, ton front; T-apa, fon front: ici T eft l'Article commun à tant de Langues Orientales & Occidentales.

A.

Ara, front, tient au primitif Ar, Ur, élevé.

ARe, fignifie Pere pour les hommes: c'eft le primitif AR, HER, maître. Cue, fignifie Pere pour les femmes, fi j'entends bien mon Auteur: c'eft le prim. Cuн, produire, mettre au monde.

ATEMBA, & D-ATEмBa, terre; du primitif ADaM, la terre: joint à l'Art. T. ATUKiara, mal; en Oriental yo, Toh, Coc'h, faire mal, faillir. APANNE, grand; du primitif PAN, grand.

B, D, E, I.

BARRAK, obéir: en Oriental BaRak, être à

genoux, fervir.

D-AI, tu es: on retrouve donc ici le primitif E.

Ere, homme ils difent auffi Ti; le premier peut tenir à Is, homme en

Oriental, prononcé Ess, ET. Le fecond au primitif Ti, élevé.

Ie-BITSCHеne, qui commande: en Oriental Bash, Bach.

K, N, P.

KERITSheu, defcendu ; il paroît tenir à l'Oriental P, QaRax, s'iucliner, fe baiffer,

KUITscherraka, pardonner: on ne peut méconnoître ici le Di Kux des Orientaux qui fignifie également pardonner.

NAMU, nez, C'eft donc une onomatopée comme chez nous, où le nom du nez dérive du fon même nafal que rend cette touche de l'inftrument vocal.

PuDuenne, pouvant. C'eft la grande Famille PUD, POD, puissant, de tous les Peuples.

PE, en: 2. par, &c. C'eft le be des Orientaux, en, par : & le by des Sep

tentrionaux.

R, S, T, U.

RIMAN, croire: I-RI-MAN-Jure, je crois: de RI, regarder, & Man, Mun; affuré, certain.

SCHANU, fils: ce mot tient au Theut. Son, San, fils.

TAU, ce ; Tau-pe, celui-ci : mots qui tiennent au primitif TE, ce; TAU, cela, ce ligne.

TE-KEREKA-Datemba, terre courbée, c'est-à-dire le Ciel, la voute célefte: de Datemba, terre, & KER, KERK, cercle.

T-Iré, vivant; du primitif Ir, Iv, Ev, vie : & avec la négation T-IBI Kin, mort.

TSCHаKARR, louer : c'est l'Oriental, SchaKaR, évaluer, mettre un prix à une chofe, la louer.

TSCHUкeta, la droite: TSCHUкeti, monté. Ces mots tiennent à l'Oriental Pi, Shuq, l'épaule : la cuiffe.

UN-TAIRI, jour : ce mot pourroit tenir à Day, jour, prononcé Dair: le R fe joint fans ceffe en terminaison: auffi difent-ils:

Dêi, toujours.

Ces mots font presque tous tirés du Pater & du Credo: il eft fâcheux que l'Auteur n'ait pas joint à fon Ouvrage quelque Vocabulaire : on en auroit pu tirer plus de lumiere. Il n'eft pas moins à défirer qu'on recueille les mots nonfeulement de cette Langue, mais auffi de tous les autres idiomes qu'on parle dans cette Contrée, la moins connue de toutes. Les Ruffes qui font de fi des découvertes de ce côté-là, fuppléeront fans doute quelque jour à tout ce qui nous manque à cet égard.

gran

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