auffi-tôt les autres Moines fe mettent à crier par la fenêtre : Au fecours, au fecours, de Dieu & du Roi ! Le peuple accourt en foule, on s'empare de Diego; les Moines députent vers les Miniftres de la Sainte Inquifition, & les Officiers de la Sainte Hermandad arriverent fi précipitamment qu'il eut à peine le temps de me gliffer fecrettement fes tablettes, & de me dire en François : Partez, confolez ma chere Leonor, Le Comte dans les douleurs de l'agonie, abandonné fans fecours, eft mort défefpéré, témoin. de cette scène affreuse: & l'on a conduit Diego avec fes Domeftiques, à la Santa-Cafa. DONA VIOLANTA. Et vous ne l'avez pas abandonné, fans doute? D'abord je l'ai fuivi, mais voyant que je ne pouvois lui être utile dans cet inftant de tumulte, je fuis revenu fur mes pas, résolu de vous annoncer ce malheur fur le champ ; je fautois déjà fur mon cheval, quand tout-à-coup on m'arrête & me conduit moi-même à la Santa Cafa. J'ai été interrogé hier dans l'après dîner &l'on ne m'a laiffé partir que cette nuit. DONNA VIOLANTA. Cet événement eft affreux, mais, je l'efpere, fitôt l'innocence de Diego fera connue, on lui rendra auffi fa liberté. que DON MANUE L. Je ne vous ai rien caché. Diego eft innocent; cependant fi tous ces Moines l'accufent.... Le Pere Timothée qui m'a interrogé n'a pu me cacher toute la colere contre Diego. Ils affurent tous que Diego eft Juif, & que c'eft lui qui eft l'affaffin du Comte. Les Moines ont tous dépofé que le Comte étoit mort en bon Catholique Romain que probablement il l'avoit toujours été, & que Diego feul eft la caufe qu'il foit forti de ce monde fans les Sacremens. DONNA VIOLANTA. Ce Pere Timothée n'a jamais aimé Diego. Le Patriarche, au contraire, en a toujours jugé favorablement, & souvent même il a souhaité qu'un jeune homme auffi beau, auffi aimable ne fut pas un Héritique. Le Patriarche est un homme jufte, & comme il eft grand Inquifiteur, il ne fouffrira pas qu'on condamne Diego, s'il est innocent. J'ai encore de l'espérance. DON MANUEL. Diego avoit dans fon porte-feuille des effets confidérables, & à toucher à vue; on les a trouvés fur lui, & pour ne pas les rendre... DONNA VIOLANTA l'interrompant. Cherchons plutôt un moyen de le fecourir, de le fauver. DON MANUEL. Je n'en connois aucun. Le Napolitain aura pris la fuite; & quand même Diego ne feroit pas accufé d'être l'affaflin de fon ami, il fera condamné pour lui avoir fervi de fecond; & d'un autre côté, le témoignage des Moines réunis fera plus fort que le mien. DONNA VIOLAN TA. Mais enfin on ne pourra lui reprocher que d'avoir été présent au duel du Comte ; & alors le Tribunal de l'Inquifition n'a pas le droit de pro noncer. DON MANUEL. Vous parlez d'une fin! une fin? Quand arriverat-elle ? Savez-vous qu'un infortuné meurt désespéré dans les horreurs d'un cachot avant qu'on examine s'il eft innocent ou coupable?- Avant que Diego foit renvoyé devant fon Juge, il faudra que ces Moines acharnés perdent toute espérance de le forcer à abjurer la religion de fon pays. D'ailleurs, inalheureusement, l'Ambaffadeur de l'Empereur n'eft point ici; il auroit pu embraffer la défenfe de Diego, comme Allemand. DONNA VIOLANTA. A force d'y réfléchir nous découvrirons peutêtre quelque moyen de le fecourir. Mais à présent une autre crainte me tourmente; aidez-moi de vos confeils. Que dirons-nous à Leonor? DON MANUEL. Que je la plains, la pauvre enfant ! Lui cacherons-nous, ditesmoi, ce qui vient d'arriver? DONNA VIOLANTA. Non, rien; il faut qu'elle fache tout, autrement elle liroit dans nos regards que nous l'avons trompée; & fans nous en faire même un feul reproche, fon imagination lui peindroit fon malheur beaucoup plus affreux encore; & nous effayerions en vain de la confoler. Je crois l'entendre; rentrez dans votre appartement, & fur-tout il faut bien fe garder de vous découvrir à fes yeux. (Don Manuel va pour fortir, & il revient fur Jes pas.) SCENE SCENE V. LES PRÉCÉDENS, POLO. POLO. AH! Mademoiselle, allez au fecours de Donna Leonor, au fecours, au fecours! DONNA VIOLANTA. Et pourquoi ? Que lui eft-il arrivé ? POLO. Elle est tombée évanouie en entrant dans la cour. Elle fait tout. DONNA VIOLANTA fort. SCENE VI DON MANUEL, POLO. ELLE DON MANUEL. LLE fait tout? Comment ? Catalina lui auroit-elle dit que je fuis arriver? POLO. Hélas! non, Monfieur, pardonnez, j'ai été obligé de lui tout avouer. Tome V. B |