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DONNA LEONOR.

Il m'en a coûté beaucoup pour écrire ma dettre. Je fuis fi diftraite. (Elle avance fes bras Jous les yeux de Catalina.) Tiens, reconnois-tu fon portrait ? -& voilà celui de fa mere. Quelle reffemblance frappante! Comment l'as-tu trouvé, Catalina, en lui remettant ma lettre ?

CATALINA.

Il n'étoit point gai; mais content.

DONNA

LEONOR.

Oui?

CATALINA.

Il vouloit au moins le paroître. Lorsque je lui parlois il avoit l'air gai; mais on voyoit bien que fa gaieté ne partoit pas du cœur. Son fourire reffembloit à celui d'un ami, que nous arrachons tout-à-coup des bras du fommeil. A mesure qu'il lifoit votre lettre, il oublioit à fe contraindre, & fa gaieté difparoiffoit peu-à-peu.

DONNA

Quelle heure eft-il?

LEONOR.

CATALINA regardant à la montre de Léonor qui eft fur la table.

Ileft dix heures,

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DONNA LEONO R.

Et Diego viendra à dix heures & demie ? N'est-il pas vrai ?

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CATALINA.

Oui. - Oh, c'est un brave homme que le Chevalier Sampajo! L'Alguazil ne vouloit pas y confentir abfolument. Mais comme le Chevalier lui a dit qu'il répondoit de la perfonne de Diego, il a bien fallu qu'il fe rendît. Cependant il fe tiendra, avec les gens, en fentinelle dans cette gallerie & fous la fenêtre, tout le temps que Diego reftera avec vous.

DONNA LEO N o R.

Je ne pense plus du tout à la fuite,

CATALINA.

Vous avez raison, Mademoiselle,

être le mieux, le plus fûr.

DONNA LEONOR.

c'est peut

Le mieux? -Non. Ce n'eft pas le mieux; mais le plus fûr. Oui le plus fûr.

CATALINA.

Le Chevalier m'a paru fermement perfuadé, que la colere de votre Oncle feroit calmée, auffitôt qu'il lui auroit parlé. Mais en ce moment le Patriarche eft dans fon Oratoire, & le Chevalier n'ose le détourner de fes prieres.

E

DONNA LEONOR.

Ah, fi par la priere on pouvoit élancer dans le Ciel toutes les douleurs! Mais cela n'eft pas poffible. Et moi auffi j'ai prié quelquefois, & mon ame a puisé dans mes prieres une force nouvelle. Mais quand il faut se résigner tout entier, & dire: Que ta volonté Joit faite, grand Dieu, & non la mienne; je renonce... Non je n'ai pas la force de le croire: ce n'eft pas là une priere. Il n'y a que des levres glacées qui puiffent renoncer aux doux penchans du cœur. On dit cependant que des hommes en ont été capables !

CATALINA.

Le Chevalier vous rapportera lui-même la réponse de fon Eminence.

DONNA LEONOR.

Il eft fingulier que l'on puiffe fe familiarifer, avec l'idée de fon malheur, au point que l'on en vienne enfin à le cherir. Si mon Oncle entroit tout-à-coup, & qu'il me dit: Ton Diego eft libre, tout eft comme il étoit auparavant, je ne fais fi je m'en réjouirois beaucoup. Il me femble que la nature plante une fleur avec le bonheur de la vie. Il croît avec elle, & comme elle, il n'a qu'un inftant pour exhaler fes parfums les plus fuaves. Je veux faifir ce moment de bonheur qui

paffe, & ne revient plus. J'en vais jouir quand mon œil reverra celui que j'aime; quand je le prefferai doucement contre mon fein, & que mon cœur s'enivrera du plaifir de le voir. Venez doux fentimens qui raviffez mon ame! venez, foulagez ce cœur glacé par la main froide du défespoir! qu'il en foit pénétré, inondé, & que noyé dans leur ivreffe, il oublie à palpiter. Oh! que la fin de mes tourmens me fera douce! Laiffe-moi, laiffe moi feul un moment, ma chere Catalina. Je me croyois tranquille; mais de nouvelles allarmes me font friffonner, & mon cœur fe dé: chire.

CATALINA.

Faut-il appeller, Violanta?

DONNA LEONO R.,

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Garde-toi d'en rien dire à Violanta. Cela me prend quelquefois, cela va se passer. On ne triomphe pas tout de fuite. Mon cœur se calmeroit encore plus difficilement; car je fens qu'il s'émeut en parlant. Varrier Violanta de ne pas venir fitôt, je la ferai appeller quand il fera temps. Je veux que Manuel & Violanta reçoivent les adieux de mon Diego.

CATALINA..

Permettez au moins que je refte ici aux environs, près de vous.

DONNA LEONOR.

Non. Je te remercie. Dès qu'il est avec moi il me ranime de fa force. Si tu veux me rendre service, ma chere enfant, va dans ta chambre te recueillir & prier pour Diego.

CATALINA.

Je ne voudrois pas vous laiffer feule. Vous n'êtes pas bien encore. Et que fera-ce donc quand vous reverrez Diego?

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Non. Je ferai alors beaucoup plus calme. (Elevant fa main vers le Ciel.) Grand Dieu, tout l'Univers eft plein de ta préfence! (à Catalina.) Et puisqu'il eft par-tout, n'eft-il pas avec moi? Va, mon enfant, va, laiffe-moi me recueillir un (Catalina fort un peu inquiete.)

moment.

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