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DONNA LEONOR, DONNA VIOLANTA,
DON MANUEL, CATALINA.

DONNA LEONOR.

EST-CE bien vrai, Violanta ?

DONNA

VIOLANTA.

Rien de plus vrai. Il peut être ici fous peu de jours. N'eft-il pas vrai, D. Manuel?

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Mais qui vous a donné cette nouvelle ?

D. MANUEL.

Un de nos amis de Lisbonne, très-inftruit de cette affaire. Peut-être même que Diego eft déjà en liberté.

DONNA LEO NO R.

Ne me trompez pas. Vous favez qu'une efpérance fruftrée nous eft plus douloureufe qu'un malheur imprévu. Cet événement eft incroyable. Le faint Tribunal ne renvoie pas fi promptement les prifonniers. Si vous avez reçu des lettres

montrez-les moi.

DONNA VIOLANTA.

Nous allons vous dire la vérité, nous venons d'apprendre qu'il s'eft enfui de fa prifon.

DONNA LEONO R.

Comment? Où eft-il? Il s'eft enfui, & il n'eft pas ici? Et vous reftez-là immobile, D. Manuel! & vous ne volez pas fecourir votre ami! Mais il fe tiendra caché jufqu'à ce qu'il foit en fûreté. En fûreté ? Et où peut-il être plus en fûreté qu'ici? (Elle met la main fur fon cœur.) — Seroit-il déjà forti de cet affreux pays? Qui ! Il faut que je le fuive! il faut que je le suive!

DONNA VIOLANTA.

Non, ma chere Léonor, il n'en fortira pas fans vous voir. ou vous donner au moins de fes nouvelles.

DONNA LEONO R.

Cela eft vrai. Voilà ce que je veux attendre. Oh! Où es-tu mon bien-aimé ? Tu es libre, & tu n'es pas avec Léonor.

SCENE V.

DIEGO ET LES PRECEDENS.

DONNA

LEONO R.

AH! le voilà! (ils tombent dans les bras l'un de l'autre fans pouvoir se parler. ) Que de trifteffe & de joie en un jour ! Mais en ce moment je suis heureuse, parfaitement heureuse. - Vous ne me dites rien?

DIEGO.

Je ne puis. Je fuis hors de moi! Ces événemens fe font suivis fi rapidemment !

DONNA VIOLANTA.

Ecoutez. Tout cela est très-intéressant à savoir; mais il faut fonger à mettre Diego en sûreté.

DONNA LEON o R.

Eft-il réellement vrai que Diego s'est enfui?

DIEGO.

Oui, Léonor. C'eft un Dieu bienfaisant qui m'a

rendu la liberté.

DONNA LEONO R.

Grand Dieu, tu as exaucé mes ardentes prieres, & je t'en remercie du fond de mon cœur!

DIEGO.

Les infpecteurs de la Santa-Cafa étoient tous dans le défordre des affaires, lorfqu'on m'y a conduit. On y a amené, dans la même soirée, plufieurs prifonniers de la premiere diftinction; & voilà pourquoi l'on ne m'a point interrogé fur le champ; auffi m'a-t-on laissé mes cheveux & mes habits. Ils me croyoient tranquille parce que je n'étois point encore revenu de mon étourdissement, & ils m'enfermerent dans une chambre avec un autre prifonnier qui l'occupoit déjà depuis long-temps.

DONNA LEONOR.

O bonheur ! Vous n'étiez pas feul. Cette idée m'étoit affreuse! Mais quel étoit donc cet infor

tuné ?

DIEGO.

Vous avez bien raifon de le nommer infortuné. Dieu ! que fa destinée eft cruelle, elle eft horrible! Quelle destinée! Ce fouvenir amer empoisonnera mes jours.

D. MANUEL.

Que voulez-vous dire, Diego?

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DIEGO.

Ecoutez, & frémiffez. Ce prifonnier étoit enfeveli dans ces affreuses ténebres depuis dix ans. Il étoit affis fur les genoux pliés, tout pâle; plus defléché qu'un spectre, l'œil éteint, & tremblant au moindre bruit. Il ne répondoit à aucune de mes queftions. Je le crus muet. Mais fur le foir, en me parlant à moi même, je prononçai quelques mots Anglois; auffi-tôt il se leve & me demande d'un ton effrayant, fi je fuis Anglois? Je lui racontai mon infortune. Il eft heureux pour toi jeune homme, s'écria-t-il en m'interrompant, que je fois inftruit de tes malheurs ! je t'auroisaffaffiné cette nuit. Alors il me découvre comment il a creusé fa muraille pour pénétrer dans une chambre voifine, & defcendre dans la rue par une fenêtre, en fe laiffant gliffer à des lambeaux de fes draps qu'il avoit déchiré. Et qu'il falloit abfolument que dans la nuit même il exécutât fon projet, parce qu'un Moine, à ce qu'il avoit entendu dire, devoit habiter cette chambre dès le lendemain. Il m'avoua qu'en me voyant arriver, il avoit réfolu de me tuer pendant mon fommeil, de peur que je ne le trahiffe dans fa fuite.

DONNA LEONO R.

Quelle horreur !

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