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DIEGO.

Mais puifque vous êtes Allemand & Proteftant, ajouta-t-il, en foupirant, je me confie à vous. La nuit arrive. Et après nous êtres gliffés tous les deux dans la chambre voifine, nous attachons, fans bruit, nos draps à la fenêtre. Cet infortuné avide de fa liberté voulut abfolument defcendre le premier; mais il étoit fi peu agile, ou plutôt fi foible, que je l'entendis tomber par terre, en jettant un cri terrible. Je n'héfitai pas un moment de le fuivre, & j'ai été plus heureux. Il s'étoit rompu une jambe, & me conjuroit d'une voix déchirante de me fauver feul. Enfin je m'en allai, & tu le fais, grand Dieu, tout ce que j'ai fouffert! Certainement, il eft retombé fous les ferrescruelles de ces vautours affamés. Ah!

DONNA LEONO R.

L'infortuné. Mais vous fouffrez peut-être plus que lui de fes malheurs.

DONNA VIOLAN TA.

Ecartez ces idées affreufes. Et qui fait s'il n'est pas déja heureux en ce moment, s'il ne jouit pas de fa liberté dans un féjour de paix ?

DIEGO.

Où ces monftres n'ont jamais pénétré. Je l'efpere. Je n'aurois jamais eu affez de force pour

m'en éloigner, fi le fouvenir de Léonor ne m'eût tout-à-coup rappellé à moi-même. Je fuis forti de la Ville, je ne fais comment; & par mille & mille détours je fuis enfin arrivé dans ces environs. A la pointe du jour j'ai rencontré Mylord Edouard, un Anglois qui demeure ici près, & qui partoit pour la chaffe. Sans lui avoir jamais parlé qu'une feule fois, j'ai ofe l'aborder, & me découvrir à ses yeux. L'on m'avoit coupé en entrant à la SantaCafa tous les boutons de mon habit; & dans l'état de défordre où j'étois alors, je ne pouvois continuer de marcher plus avant, fans être sûr d'être reconnu. Nous avons changé d'habit, & il m'a promis de me faire embarquer ce foir sur un vaiffeau Anglois qui defcend aujourd'hui le Tage, & doit repartir fur le champ.

DONNA LEONO r.

Non Diego, c'est impossible! Vous ? me quitter? -Dès aujourd'hui? - Hélas! oui, il le faut bien. Partez.

DONNA VIOLAN TA.

Armez-vous de conftance, ma chere amie..

DIEGO.

Ah! Léonor, cela ne fe fera pas fi promp

tement.

DON MANUEL.

Je le fouhaiterois : mais j'ai les mêmes craintes

que Diego.

DIEGO.

Mylord Edouard ira trouver fon ami fur fon bord, & ce foir il me donnera des nouvelles à l'adreffe de Violanta.

DONNA VIOLAN TA.

Vous avez bien fait. Ainfi jufqu'à ce moment vous refterez avec nous?

DIEGO.

Me le permettez-vous, chere Léonor?

Léonor fe jette dans les bras de Diego.

DONNA VIOLANTA à Diego.

pas

Je n'ai besoin de vous dire le danger que Vous courez en ce moment. Et fi l'on vous arrêtoit une feconde fois, vous favez quel feroit votre fort & le nôtre !

(Léonor s'affied & fe met à réfléchir.) Il eft impoffible que vous reftiez ici dans cette maison, fi vous ne voulez pas être découvert. Je crois qu'il feroit plus prudent de vous enfermer aujourd'hui dans ce petit pavillon du jardin, où perfonne n'entre jamais. Quand les nouvelles de Mylord Edouard arriveront, vous en ferez

inftruit. Et ce foir vous partirez à la faveur des ténebres. Il faut abfolument que vous partiez. DONNA LEO NO R.

Violanta !

DONNA VIOLANTA.

Paix ! Il faut à préfent que je penfe ici pour vous. (à Diego.) Auffi-tôt que vous ferez en sûreté vous nous en inftruirez, & nous verrons alors ce que nous aurons à faire. Il me femble que vous pouvez tout attendre de Léonor. Et cette courte féparation eft néceffaire pour que vous puiffiez un jour vous réunir fans aucun danger. Venez avec moi, D. Manuel. Voyons fi perfonne ne feroit dans le jardin. Je vais éloigner tous les domeftiques. Enfuite Diego pourra fe rendre dans le petit pavillon par l'escalier dérobé, par l'allée couverte & le corridor fans être apperçu. Nous allons revenir. (en fortant) Diego, fi vous êtes bien obéiffant nous irons nous promener dans le jardin; mais fur-tout à condition que vous n'oferez pas vous approcher de la fenêtre.

(Donna Violanta & D. Manuel fortent ).

SCENE VI.

DIEGO, DONNA LEONOR, CATALINA.

DONNA LEONOR. après un long filence.

LAISSE-NOUS feuls,

AISSE-NOUS feuls, chere Catalina.

DONNA LEO NO R. (Catalina fort. )
Eh bien, Diego?

DIEGO.

Eh bien, Léonor? (Il la regarde fans parler ; Léonor Je cache le vifage dans fon mouchoir.) Léonor! Je le vois, je le fens tout ce que vous éprouvez de peine en cet affreux moment. Mais remettez-vous, Léonor; ce n'eft pas ma faute, ce n'est pas la vôtre. C'est la volonté du Ciel. Vous ne répondez rien? De grace, parlez à Diego. -Ne perdez pas courage ma fidele amie.

Nous avons encore fi peu de minutes à refter ensemble! (Avec douleur) Votre filence m'accable, me rend infenfible. Au moins regardez moi, je vous en prie. Dieu! que fera-ce donc quand il faudra nous féparer ?

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Nous féparer ? Viens ici à côté de moi.

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