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valier, beau, bienfait & d'une naissance illuftre. Il fe nomme Dom Luis Pacheco. Je le voi quelquefois à la promenade & aux fpectacles; mais je ne lui ai jamais parlé. J'ignore même de quel caractere il eft, & s'il n'a point de mauvaises qualitez. C'eft de quoi pourtant je voudrois bien être inftruite. J'aurois befoin d'un hommequi s'enquît foigneufement de fes moeurs & m'en rendît un compte fidele. Je fais choix de vous. Je croi que je ne rifque rien àvous charger decette commiffion. J'efpere que vous vous en acquitterez avec tant d'adreffe & de difcretion, que je ne me repentirai point de vous avoir mis dans ma confidence. Ma maîtreffe ceffa de parler en cet endroit, pour entendre ce que je lui répondrois là-deffus. J'avois d'abord été déconcerté d'avoir pris fi defagréablement le change; mais je me remis promptement l'efprit ; & furmontant la honte que caufe toujours la temerité, quand elle eft malheureufe, je témoignai à la Dame tant de zele pour fes interêts: je me devouai avec tant d'ardeur à fon fervice, que fi je ne lui ôtai pas la penfée que je m'étois follement flatté de lui avoir plû, du moins je lui fis connoître

que je fçavois bien réparer une fottife. Je ne demandai que deux jours pour lui rendre bon compte de D. Luis. Après quoi la Dame Ortiz, que fa maîtreffe rappella, me remena dans le jardin, & me dit en me quittant: Bonfoir, Gil Blas, je ne vous recommande point de vous trouver de bonne heure au premier rendez-vous. Je connois trop votre ponctualité là deffus.

Je retournai dans ma chambre, non fans quelque dépit de voir mon attente trompée. Je fus néanmoins affez raisonnable pour faire reflexion qu'il me convenoit mieux d'être le confident de ma maîtreffe que fon amant. Je fongeai même que cela pourroit me mener à quelque chofe: que les courtiers d'amour étoient ordinairement bien payez de leurs peines; & je me couchaí dans la refolution de faire ce qu'Aurore exi-geoit de moi. Je fortis pour cet effet le lendemain. La demeure d'un Cavalier, tel que Dom Luis, ne fut pas difficile à découvrir. Je m'informai de lui dans le voifinage; mais les perfonnes à qui je m'addreffai ne purent pleinement fatisfaire ma curiofité. Ce qui m'obligea le jour fuivant à recommencer mes perqui

fitions. Je fus plus heureux. Je rencontrai par hafard dans la rue un garçon de ma connoiffance. Nous nous arrêtâmes pour nous parler. Il paffa dans ce moment un de fes amis qui nous aborda, & nous dit qu'il venoit d'être chaflé de chez Dom Jofeph Pacheco, pere de D. Luis, pour un quartaut de vin qu'on l'accufoit d'avoir bû. Je ne perdis pas une fi belle occafion de m'informer de tout ce que je fouhaitois d'apprendre ; & je fis tant par mes queftions, que je m'en retournai au logis fort content d'être en état de tenir parole à ma maîtreffe. C'étoit la nuit prochaine que je devois la revoir à la même heure & de la même maniere que la premiere fois. Je n'avois pas ce foir-là tant d'inquietude, & bien loin de fouffrir impatiemment les difcours de mon vieux patron, je le remis fur fes campagnes. J'attendis minuit avec la plus grande tranquilité du monde, & ce ne fut qu'après l'avoir entendu fonner à plufieurs horloges, que je defcendis dans le jardin, fans me pommader & me parfumer, je me corrigeai encore de cela.

Je trouvai au rendez-vous la trèsfidelle Duegne, qui me reprocha mali

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