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que nous demeurerions au Château le lendemain. On nous fervit à notre tour des viandes avec profufion, & nous ne fûmes pas plus mal couchez que nous avions été regalez.

Le jour d'après, ma maîtreffe trouva de nouveaux charmes dans l'entretien d'Elvire. Elles dinerent dans une grande falle où il y avoit plufieurs tableanx. On en remarquoit un, entr'autres, dont les figures étoient merveilleufement bien reprefentées; mais il offroit aux yeux un fpectacle bien tragique. Un Cavalier mort, couché à la renverfe & noyé dans fon fang y étoit peint, & tout mort qu'il paroiffoit, il avoit un air menaçant. On voyoit auprès de lui une jeune Dame dans une autre attitude, quoiqu'elle fût auffi étendue par terre. Elle avoit une épée plongée dans fon fein, & rendoit les derniers foupirs, en attachant ses regards mourans fur un jeune homme qui fembloit avoir une douleur mortelle de la perdre. Le Peintre avoit encore chargé fon tableau d'une figure qui n'échappa point à mon attention. C'étoit un vieillard de bonne mine qui vivement touché des objets qui frappoient fa vue, ne s'y montroit pas moins fen

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fible que le jeune homme. On eût dit que ces images fanglantes leur faifoient fentir à tous deux les mêmes atteintes mais qu'ils en recevoient differemment les impreffions. Le vieillard plongé dans une profonde trifteffe, en paroiffoit com me accablé; au lieu qu'il y avoit de la fureur mêlée avec l'affliction du jeune homme. Toutes ces chofes étoient peintes avec des expreffions fi fortes, que nous ne pouvions nous laffer de les regarder. Ma maîtreffe demanda quelle hiftoire ce tableau reprefentoit Madame, lui dit Elvire, c'est une peinture fidelle des malheurs de ma famille. Cette réponse piqua la curiofité d'Aurore, qui témoigna un fi grand defir d'en fçavoir davantage, que la veuve de D. Pedre ne put fe difpenfer de lui promettre la fatisfaction qu'elle fouhaitoit. Cotte promeffe qui fe fit devant Ortiz, fes deux compagnes & moi, nous arrêta tous quatre dans la falle après le repas. Ma maîtreffe voulut nous renvoyer; mais Elvire qui s'apperçut bien que nous mourions d'envie d'entendre l'explica tion du tableau, eut la bonté de nous retenir, en difant que l'hiftoire qu'elle alloit raconter n'étoit pas de celles qui

demandent du fecret. Un moment après, elle commença fon recit dans ces termes.

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NOUVELLE.

Oger Roi de Sicile avoit un frere & une foeur. Ce frere appellé Mainfroi, fe révolta contre lui & alluma dans le Royaume une guerre qui fut dangereufe & fanglante; mais il eut le malheur de perdre deux batailles & de tomber entre les mains du Roi,qui fe conrenta de lui ôter la liberté pour le punir de fa révolte. Cette clemence ne fervit qu'à faire paffer Roger pour un barbare dans l'efprit d'une partie de fes fujets. Ils difoient qu'il n'avoit fauvé la vie à fon frere que pour exercer fur lui une vengeance lente & inhumaine. Tous les autres, avec plus de fondement, n'imputoient les traitemens durs que Mainfroi fouffroit dans fa prifon qu'à fa foeurMathilde. Cette Princeffe avoit en effet toujours haï cePrince,& ne ceffa point de le perfecuter tant qu'il vêcut. Elle mou

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