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Le fer battu, ou rendu ductile par une feconde opération, corroyé avec art fous le marteau, prend entre les mains des ouvriers, mille formes utiles à nos befoins.

Enfin, le fer fous le nom d'acier, poffede dans un degré éminent, la folidité, l'élafticité & la dureté ; il est doué encore d'autres propriétés qui le rendent plus précieux que les deux variétés précédentes, & fournit aux Arts une matière merveilleuse & propre à exercer la fécondité de leur genie. Au furplus en quelque état que foit le fer, il eft fufceptible d'éprouver des altérations qui en font varier à l'infinì, la qualité & la propriété.

La différence que l'on apperçoit dans la qualité de la fonte de fer, ne dépend pas feulement du caractère des mines dont elle procède la forme

fer cru: cependant nous voyons que tous les auteurs qui en parlent, même l'Academie, donnent à certe fonte le nom très-impropre de fer fondu, ou de fer de fonte, termes qui préfetent des idées oppofées à la nature de la fonte; car‍la fonte de fer n'eft point du fer fondu, il n'en existe point en état métallique; ce n'eft pas du fer de fonte, puifqu'elle est préparée avec la mine, & que le fer ductile qui a été préparé avec de la fonte dans les affineries, pourroit feul porter ce nom, comme on dit acier de fonte, c'eft-à-dire, préparé avec la fonte, ou acier naturel, pour le diftinguer de l'acier préparé avec le fer ductile.

Certains auteurs appellent la fonte de fer, fer de gueufe: ce terme eft auffi impropre, puifque le mot gueule, n'exprime que la forme fous laquelle la fonte eft moulée. C'est un prisme triangulaire : on en moule pour l'ufage des affineries des forges, en gueules, en guifes, en faumons en flof, & pour les arts, fous toutes les formes poffibles: quelqu'un qui diroit, fonte de pilaftre, ne feroit entendu de perfonne; fonte de gueufe, n'eft pas un terme plus propre.

Nous emploierons dans cette traduction le terme de fer cru pour exprimer la fonte de fer, afin de nous rapprocher de M. de Bergman; de celui de fer battu ou ductile, pour le fer proprement dit.

& les dimenfions des fourneaux de fonderie, la quantité & l'effence des charbons que l'on emploie à fa fufion, l'état des foufflets, la force, l'abondance & la direction de leur vent, font autant de causes qui influent fur la qualité de la fonte: les feules proportions différentes du charbon & du minerai que l'on jette enfemble dans le fourneau, produifent des fontes de caractères différens, que l'on diftingue par des termes appropriés qui caractérisent les degrés de leur pureté.

L'on diftingue donc le fer cru qui eft furchargé de phlogistique (en fuédois, Nodfatt); le fer cru qui eft doué d'une jufte proportion de phlogistique, (en fuédois, Fullfatt, Lagom-malmadt); enfin, le fer cru qui manque d'une quantité fuffifante de phlogiftique, (en fuédois, Bardfatt, Sattjarn): nous negligeons d'autres diftinctions plus ou moins effentielles & remarquables, & fans nous y arrêter, nous paffons à d'autres objets (B).

(B) Cette diftinction que fait M. Bergman des différentes fortes de fontes de fer, eft purement phyfique & théorique : il est nécessaire de mettre nos lecteurs à portée de l'entendre par les termes de pratique.

Le fer cru eft le premier produit de la mine de fer, traitée dans les hauts fourneaux de fonderie des forges; c'est ce que l'on appelle fimplement fonte. Cette fonte varie dans fa qualité; fa couleur annonce en général fon caractère ; on la diftingue en fonte noire, grife & blanche.

La fonte furchargée de phlogistique, eft la fonte noire, c'està-dire, celle qui eft d'un gris très-foncé : elle eft fouvent limailleufe; elle procède d'une furabondance du feu, c'està-dire, du charbon employé relativement à la quantité de minerai à fondre.

La fonte douée d'une quantité fuffifante de phlogistique, eft la fonte grife c'eft la plus parfaite, & la plus propre pour fervir dans les Arts, & pour être convertie, foit en fer foit en acier; elle procède de la jufte proportion du charbon, & du minerai introduit dans le fourneau: les parties élémen

Pour que la fonte puiffe devenir malléable, il faut la foumettre de nouveau au feu, l'y affiner, & l'y pétrir avec art, afin d'en obtenir beaucoup de bon fer, avec le moins de frais poffible.

Indépendamment du caractère des fontes, les dimenfions des affineries, la qualité & la quantité des charbons, l'énergie & l'inclinaifon du vent, font des caufes à confidérer, dont chacune produit des variétés infinies dans la qualité du fer; & quand même il n'en réfulteroit pas, le feul régime du feu, & la méthode d'opérer, fuffiroient pour en faire naître un grand nombre.

Les méthodes de fabriquer le fer, qui font le plus en ufage en Suède, fe réduisent à deux; l'une à la vallone ou à la françoise, (en fuédois, Vallonfmide (C), l'autre à l'allemande, ( en fuédois, Tysksmide) (D). Cependant, il y en a une troifième qui par

taires font faturées du phlogistique, au point nécessaire de lui conferver fa fufibilité.

La fonte pauvre en phlogistique, eft celle qui eft blanche; elle procède d'une trop foible quantité de charbon, employée relativement à celle du minerai: cette fonte ne peut fe mouler parfaitement; elle donne ordinairement des fers caflans, & de mauvais aciers.

(C) La méthode vallone eft celle par laquelle on affine la fonte dans un feu appelé affinerie plate, pour enfuite le chauffer, & le fuer dans un autre feu appellé chaufferie volante, ou feu extenfeur, parce qu'on tire le fer de ce feu pour le porter au marteau, afin de l'y corroyer & de l'étirer.

(D) Par la méthode allemande, on affine & l'on chauffe le fer dans un même feu que l'on nomme renardière.

Nous avons en France encore deux autres méthodes; l'une à la Catalane, par laquelle on combine dans le même feu les trois opérations de la fabrication du fer, c'est-à-dire, la fufion du minerai, l'affinage de la fonte, & le fuage du fer.

L'autre méthode fe nomme à l'Italienne; l'on en fait usage dans le Dauphiné, où l'on fond le minerai dans de hauts fourneaux : la fonte en provenant, est refondue & réduite en

ticipe plus ou moins des deux autres. L'on a abandonné prefqu'entièrement d'anciens procédés, l'un par lequel on faifoit de petits lopins que l'on nommoit (en fuédois, Ofmundf-fmide), & l'autre ufité par des payfans montagnards qui faifoient de gro es maffes que l'on nommoit (en fuédois, Buth, ButhSmide) & plus ordinairement (Rannfmide), à caufe de la célérité du travail; parce qu'en un jour ou deux au plus, on tiroit le minerai, & on en forgeoit le fer.

Il n'y a plus lieu d'être furpris fi le fer, qui par lui-même étant un métal difpofé à éprouver tant de changemens, paroît différer fi effentiellement par la dureté, la ductilité, la tenacité & l'élafticité; mais l'oppofition de caractère la plus digne d'attention, & que nous devons faire remarquer, eft celle-ci : l'on trouve du fer très-du&ile étant froid; mais lorfqu'il eft chaud, il fe brife fous le marteau; on le nomme fer caffant à chaud, (en fuédois, Rodbrackt): un autre fer étant chauffé à propos, eft très-docile au forgéage, mais, lorfqu'il eft froid, il

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fe gerce, fe fend & fe brife; on le nomme fer caffant à froid, ( en fuédois, Kallbrackt): enfin, une troifième espèce paroît également ductile, foit qu'il foit chaud, foit qu'il foit froid; on l'appelle fer doux ductile, (en fuédois, Smidigt) (E).

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L'acier dans fa préparation, reproduit une nou

mazelle que l'on affine & fait patir dans un autre feu, lequel fert enfuite à avaler, corroyer & fuer le fer, avant de l'étirer. (E) Ces trois variétés ne font pas les feules que le fer préfente; il y en a une quatrième qui eft caffante à chaud & à froid: je connois plufieurs mines en France qui en produifent, elles font rarement exploitées : il y en a en Bourgogne, en Champagne, & dans le Barois; l'acier eft fujet à caffer à froid & à chaud. Il eût été à defirer que M. Bergman eût foumis à fes expériences cette förte de fer dont il parle, ( exp. 208), en citant les fers qui font impregnés d'arfenic.

velle foule de variétés qui procèdent non-feulement de la matière que l'on fe propofe de convertir, & qui eft fufceptible des différences de caractère que nous avons fait obferver plus haut, mais encore des divers procédés que l'on emploie. En général, l'acier fe prépare, ou par la fufion, ou par la cémentation; le premier fe nomme acier naturel, (en fuédois Smelt ftal); l'autre acier artificiel, (en fuédois, Branf tal) mais de quelque espèce qu'il foit, on lui a affigné tant de noms différens qui procèdent de la diverfité de fa matière première, ou du genre de procédé employé à fa préparation, ou de l'ufage auquel une propriété particulière le rend plus propre, que nous croyons pouvoir nous difpenfer de les rapporter ici, avec d'autant plus de raifon que cette longue énumération feroit faftidieufe & inutile, fi nous n'y ajoutions pas la defcription des procédés. Et en effet, à quoi nous ferviroit de rapporter ici des dénominations qui font fi originales, & fouvent fi abfurdes, données à l'acier par le vulgaire des ouvriers, lorfque nous ne faifons encore que d'articuler légèrement fes différentes variétés, & qu'à peine les appercevons-nous au bord de l'horizon (F) & dans le lointain?

Le fer eft ians doute le feul métal dont le caractère foit auffi inconftant: l'on n'apperceveroit pas un fi

(F) L'on ne doit pas toujours rejeter les expreffions triviales & groffières des ouvriers; leurs idées rétrécies dans un petit cercle d'expreffions, les oblige de forger des mots pour exprimer à leur manière, ce qu'ils fentent fous la lime & le marteau, qui font pour eux des organes fecondaires & extérieurs. Ils imitent fouvent les Sauvages qui appellent le fer par un terme qui, en leur langage, fignifie pefant.

Jebalbutie quelquefois avec les ouvriers, pour donner à mes idées une force d'attraction analogue aux leurs, pour pouvoir les faifir & les clarifier enfuite; j'ai plus appris avec eux, en leur fervant de compagnon, que de maître.

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