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grand nombre de différences dans fes propriétés, fi quelque portion plus ou moins abondante de métal étranger ne s'amalgamoit avec lui, nonobftant la variété de ses mines, de leur matrice, & celle des procédés par lefquels on retire par la fufion ce qu'elles contiennent de métal: il faut cependant être jufte, & avouer que cette inconftance fouvent fi fâcheuse, eft la base & la principale fource d'une infinité d'usages qui n'auroient pas lieu, fi les principales qualités du fer, telles que la dureté, la tenacité, la ductilité & l'élafticité, étoient toujours réunies & foutenues au même degré d'intensité; la propriété du fer feroit alors circonfcrite dans une fphère rétrécie : mais tandis que d'un côté, la réunion de ces quatre propriétés forme une férie de nuances infinies de différentes qualités; de l'autre, diverfes combinaisons de fubftances de différentes natures réunies, offre un vafte champ à l'industrie, pour y déployer toute fa fagacité, & avec tant d'avantages, que l'on peut dire que le fer eft un polymorphe, un Protée qui fe préfente fous tant de formes, que feul il tient lieu de plufieurs métaux (G).

(G) La réflexion de M. Bergman eft fi bien fondée, que je ne puis me dispenser de la développer.

Les fers les plus caffans à froid, font les plus propres à faire le clou à ardoise; tels ceux de Moyeuvre dans le pays Meffin, & ceux de Bretagne.

Les fers de roche de Champagne, font les plus propres aux bandages de voiture, parce qu'ils font fermes & durs, ils réfiftent au choc & au frottement,

Les chevilles de marine exigent un fer qui ne plie ni ne caffe, ainsi que la groffe clouterie; tels ceux du Rouffillon, du Dauphiné & du Limousin.

Les fers de la baffe- Champagne, du Languedoc, de la Nor. mandie, qui font à grain & légèrement caffans, font d'un bon ufage pour la moyenne clouterie, parce qu'ils foudent facilement, & font une belle pointe.

Le fer eft non-feulement précieux par fes éminentes qualités, mais fouvent encore il furpaffe en valeur tous les autres métaux, l'or même qui eft à fi haut prix : une livre de fer fimplement tirée en fil, centuple le prix du fer brut; lorfqu'il eft employé dans le mécanisme des montres, il augmente de plus de 70 mille fois fa valeur ; & il excède fon prix de 1,600,000 fois dans la compofition de ces chefsd'œuvres des Arts qui fixent notre admiration (*). (H).

Les nations civilifées, qui préfèrent souvent l'art & le fini à l'utilité de l'ouvrage, ne font pas les feules qui mettent le fer à fi haut prix; les Sauvages & les Barbares qui manquent de ce précieux métal, le

Il faut des fers nerveux & bien étoffés pour contenir les affemblages de l'Architecture, & former les effieux de voiture; tels ceux d'Alface, de la haute-Lorraine & du Berry.

Les ouvrages d'embelliffement & de luxe, demandent des fers doux, homogènes, d'une pâte bien liée, & d'une étoffe unie; tels que les meilleurs de Franche-Comté, & quelques veines de roche en Champagne.

Les tréfileries ne peuvent employer que des fers doux, & dont l'étoffe foit fupérieure à la pâte ; l'Alface, la FrancheComté & le haut-Langrois, fabriquent des fers de cette qualité, lorsqu'on apporte de l'attention à leur fabrication.

Les armes à feu exigent un fer d'une pâte homogène, & d'une étoffe bien liée, ferme au marteau & à la lime, fans aigreur, un peu de grain avec beaucoup de nerf gris, pour qu'ils foudent bien. Le Luxembourg françois, le Dauphiné, le Limousin, en fourniffent de très-bons à cet ufage; & quelques autres Provinces, lorfque la qualité de la mine & l'attention dans la fabrication concourent de concert à donner au fer cette propiété.

(*) Difcours de M. Ekstrom, à l'Académie royale des fciences de Stockholm.

(H) Cette préexcellence que l'auteur attribue au fer fur tous les autres métaux, & le haut prix auquel il le porte, pourroient paroître exagérés ; cependant je connois des chofes très-approchantes, fans vouloir garantir l'enthousiasme de M. Ekstrom.

préfèrent à tous les autres; ils expofent même fouvent leur vie pour voler, ou enlever de force un clou; ce fait eft confirmé par plufieurs voyageurs (J).

SECTION I I.

De la Recherche des caufes de la variété des Qualités du Fer.

QUOIQU'IL y ait lieu de croire que le fer ait été

connu & travaillé prefque depuis le commencement du monde, cependant rien de plus obfcur encore que nos connoiffances actuelles fur la nature de fes parties intimes; & il nous paroît que l'innombrable variété de fes propriétés tient à des caufes couvertes encore d'un voile très-épais (L).

Il faut d'abord en général chercher les causes des variations du fer, ou dans un corps étranger qui peut n'y pas être, fans avoir égard à l'effence du fer, ou dans la variété des proportions de fes principes conftitutifs.

Le nombre des corps hétérogènes qui peuvent être combinés avec notre métal, eft immense; mais ce n'eft pas une raison de leur attribuer à chacun en par

(J) Le célèbre & malheureux capitaine Cook nous affure que les Sauvages fe précipitoient à l'envi dans la mer, pour aller chercher au fond de fes abymes quelques vieux cloux qu'il y jettoit; quelquefois il en diftribuoit avec économie pour cimenter des traités d'alliance, & pour procurer des rafraichiffemens à fon équipage, parce que le fer n'eft point encore forti du fein de la nature, dans ces régions fauvages où il a eu l'art & la noble hardieffe de pénétrer.

(L) Les Marbres d'Oxford fixent à l'an 1432 avant l'ère chrétienne, les premiers rudimens de l'art de fabriquer le fer, d'après Eusèbe, Clément d'Alexandrie, Strabon, Diodore de Sicile, Héfiode & Pline ; il y a lieu de croire qu'il remonte plus haut.

ticulier l'effet des caufes que nous cherchons : l'on doit plus particulièrement fufpe&ter ceux qui fe trouvent fouvent combinés avec les minerais; du nombre de ces derniers font le foufre & la plombagine qui lui eft analogue; parmi les métaux, l'arfenic, quelquefois le zinc, & prefque toujours la manganaise (M): n'eft-il pas à propos par des expériences convenables de tenter à découvrir, s'il y a une ou plufieurs de ces fubftances combinées dans le fer, & enfuite rechercher quels effets il en peut réfulter (N)?

La compofition intime du fer n'a pas encore été mise en évidence: nous fommes donc obligés de recourir à l'analogie pour diriger nos nouvelles tentatives. Nous favons que l'arfenic eft composé d'un acide particulier qui lui eft propre, lequel combiné avec une certaine dofe de phlogiftique, forme une maffe concrète qui eft l'arfenic blanc. Or, fi l'on unit à cette fubftance coagulée, une portion déterminée du principe inflammable, on la réduira en un régule qui aura toutes les propriétés d'un demi-métal (Ŏ). Des

(M) Je me fers ici du terme de manganaise, au lieu de magnéfie, pour éviter l'équivoque de dénomination, avec la magnéfie, ou terre magnéfienne qui n'a aucun rapport avec le fer, ni avec la manganaise ou savon des verreries, en latin magnefia.

(N) Il y a plufieurs autres métaux combinés avec les mines de fer, & qui peuvent contribuer à fon altération : le cuivre est abondant dans certaines mines de fer fpathique des Alpes & des Pyrénées; le plomb, dans une mine de Cooatnoz en Bretagne; quelques veines de Berry, de Pontoife, contiennent de l'or. L'argent & le plomb fe trouvent combinés avec le fer à Houelgouate en Bretagne. L'on foupçonne des mines de fer antimoniales dans l'Auvergne, le Limoufin & le Nivernois prefque toutes les mines de fer de France, contiennent du zinc, fur-tout les mines fecondaires & d'alluvion.

(O) Puifque M. Bergman tire une induction par analogie, qu'il me foit permis d'en tirer une autre. Si l'arfenic blanc eft une concrétion réfultante de l'union d'un acide avec le phlo

expériences, tant d'analyse que de fynthèse, ont fait connoître la réunion de ces principes de l'arfenic: il ne réfulte pas de-là, que l'on doive conclure avec exactitude, que chaque espèce de métal foit le réfultat d'un acide radical uni au phlogistique, ou pour mieux dire, que les chaux des métaux foient des acides particuliers concrets par l'effet du phlogistique; cette manière de raifonner feroit très-dangereufe: il faut donc apporter la plus grande circonspection dans la recherche des opérations de la nature, & ne s'expofer dans les fentiers obfcurs qui conduisent à fon fan&tuaire, qu'avec le fil d'Ariane, jufqu'à ce que les conjectures que l'on peut faire, puiffent être detruites ou confirmées par des expériences exactes & précises. Cependant dans le cas préfent, il se préfente à l'idée une probabilité fingulière; les métaux en perdant leur phlogistique, fe réduifent tous en une poudre femblable qui eft une terre fufible & très-péfante; s'ils recouvrent par quelques moyens leur phlogistique, ils reparoiffent de nouveau avec toutes leurs propriétés métalliques antécédentes. Eft-ce que l'on

giftique, ayant la propriété de fe fublimer, l'arfenic a jusqu'alors une parfaite analogie avec le foufre commun, tant par fa conftitution, que par fa propriété volatile : mais l'arfenic blanc traité par le feu avec le phlogistique réducteur, donne un régule métallique; ce que l'on n'a pu encore tirer du foufre; voilà une différence: il y en a encore une autre qui eft que le foufre fe diffout dans les huiles, c'est un sel bitumineux: l'arfenic fe diffout dans l'eau, c'eft un fel, & un fel métallique: il faut donc qu'il entre dans la compofition de l'arfenic, une terre métallique qui eft l'excipient de l'acide & du phlogistique.

Le foufre laiffe après fa combuftion, une matière brune & noirâtre peu abondante: ce réfidu pourroit être une terre ferrugineufe; on pourroit s'en affurer, en traitant en grand cette matière que l'on trouveroit abondamment dans les manufactures d'huile de vitriol, dans lefquelles on prépare cet acide avec le foufre. Que l'on me paffe ces doutes, jufqu'après

la démonftration.

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