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corriger, fans affecter de les affu jettir brufquement à notre façon de penfer. Là tyrannie eft toujours odieufe. J'ajoûte une troifiéme condition fi effentielle à la critique, que fans elle, le jugement le plus fenfé, dégénére ordinairement en amertume & en fiel, c'eft la politeffe. Tout écrit Polémique qui n'en eft point affaifonné devient fatyre & perfonnalité.. la fameufe querelle de la préférence des anciens fur les modernes n'en a que trop fourni d'exemples. La paffion & le caprice fe mirent de la partie, & l'on fe chargea réciproquement de reproches groffiers dans des livres deftinés à inftruire l'Uniyers, comme fi les quérelles perfonnelles de deux François devoient beaucoup influer fur le jugement qu'on doit faire des beautés & des imperfections de Virgile & d'Homere. Qu'arrive t'il dans ces fortes de démêlés ! C'est que les combattans perdent également de vûë le point de la queftion pour s'acharner fur leur adverfaire; les

Spectateurs s'ennuyent, & la vérité n'en eft pas mieux éclaircie. L'antiquité à encore parmi nous fes Partifans & fes Détracteurs, nonobftant les écrits de Perrault, & de Defpréaux: ceux de Madame Dacier contre M. de la Mothe ont montré que le fexe fçavant peut avoir toute la groffiéreté du pédantifme. Et fi M. de la Mothe n'avoit pas raifon dans le fonds (ce que je n'examine point ici) il avoit au moins en fa faveur le préjugé de fe défendre en Philofophe, & d'attaquer avec décence une femme prefque furieufe. Je ne vois point au refte de modele de critique, plus parfait dans le genre dont je parle que les divers écrits de M. de Voltaire, contre le même M. de la Mothe. L'un & l'autre, en observant les bienféances, ont également fait honneur à leurs lumieres; on admire leur modération, on loue leur politeffe.Les railleries mordantes, & les injures groffieres auroient dejà plongé dans l'oubli leurs écrits, fi juftement applaudis.

Art

Poët.

La critique qu'on fe doit à foimême, outre un jugement perfectionné par la Lecture, & par là réfléxion, demande une févérité infléxible aux fuggeftions de l'amour propre, toujours prêt à s'admirer, & prompt à parer les coups que la raifon veut lui porter. Je n'ignore pas que cette victoire exige des combats longs & fréquens, mais dèfqu'on s'expofe à communiquer fes productions, à donner des ouvrages au public, il faut fe rendre à foi-même une juftice exacte, fi l'on n'aime mieux être jugé par les autres avec plus de rigueur.

Craignez vous pour vos Vers, la censure publique,

Chant 1. Soyez vous à vous-même un févére critis

que.

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PRINCIPES

POUR

LA LECTURE

DES POËTES.

SECONDE PARTIE.
Des petits Poëmes.

M

ONSIEUR Defpréaux De r
en décrivant les princi- dille.

paux caracteres de l'I-
dille, s'eft fervi d'u-

ne comparaison toutà-fait propre à ce genre de Poëfie.

Telle aimable en fon air (dit-il) mais hum- Art

ble dans fon ftyle

Doit éclater fans pompe une élegante Idille,

Poët.
Chant 2:

La parure d'une Bergere con fiste en des graces naïves & non en des ornemens précieux. L'Idille évite les grands mots, le style brillanté, le tours étudiés, & se renferme dans une aimable fimplicité; fille de la nature, elle doit tout tenir d'elle & paroître ne rien emprunter de l'art. La Poëfie pastorale, dont l'Idille eft une espece, doit comme tous les arts fon origine au befoin, & ce befoin fût le plaifir. Car en rémontant aux premiers âges du monde, on se repréfente les hommes menant une vie fimple & frugale, principalement occupés de la culture des terres, & du foin de leurs troupeaux. Il eft à croire qu'en vivant épars dans des campagnes,ils chercherent à charmer l'ennui inféparable de la folitude, & que leurs réflexions bornées aux objets qui leur étoient les plus familiers devinrent la matière de leurs chanfons: les developpemens fucceffifs de l'efprit humain, firent qu'in fenfiblement on embraffa plus de

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