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fujets. La nature encore brûte, mais portant en elle-même, le germe des paffions en exprima les divers mouvemens, avec des couleurs vives & naturelles quoique broyées groffierement, & appliquées fans délicateffe. L'amour auffi ancien que le monde produi→ fit fous cette forme fes transports, fes craintes, fes defirs, & fes inquiétudes. Les Poëmes en ce genre que l'antiquité nous a conservés roulent uniquement fur ces deux points, les troupeaux & l'amour. Le nom de Bucoliques qui leur eft affecté vient de la condition des perfonnages qu'on y faifoit parler. Ce font des Bergers qui s'expriment avec candeur, avec fimpli cité; par-tout, c'est une imitation des moeurs & de la vie champêtre ; imitation cependant qui embellit la nature, en copiant ce qu'elle a de naïf, fans en prendre la rufticité; mais aussi sans lui prêter d'ornemens trop recherchés, comme nous l'examinerons plus à fonds dans la remarque fuivante, Il pas

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Les Bergers, dans vos heureux climats

Bergers Vous vivez fans chagrin, fans crainte, fans

Idille,

manuf

envie,

crite de Vous feuls, heureux Bergers, joüiffez de

M. le C.

la vie,

Pour nous, nous n'en jouiffons pas.
Guidez par d'aveugles caprices,

Nos cœurs fe nourriffans d'orguëil & d'in-
juftices

D'un fordide interêt font toujours enivrés:

Les fleurs qui naiffent dans vos prés Sont de nos faux plaifirs les fragiles images? Vos tranquilles hameaux & vos rians boc

cages

Sont autant de ports affurés

D'où vous contemplez les naufrages,
Et la tempête & les ravages

Des vents contre nous conjurés.
Vous formez un peuple de fages, &c.
Du joug des paffions vos ames dégagées,
Dans le fein du bonheur plongées,
Deteftent ces plaifirs, ces biens pernicieux
Qu'ignoroient comme vous vos innocen

ayeux.

Après une défcription circontanciée des vertus & des amufe

mens

mens de ces Bergers, le Poëte ajoute :

On voit par vos concerts reverdir les buif

fons,

La nature avec vous s'amufe dans les plei

nes:

Défirez vous l'argent? c'est l'argent des

fontaines,

Si vous connoiffez l'or, c'eft l'or de vos moiffons.

Il compare enfuite leur frugalité, avec notre fafte & finit de la forte.

Pour prix de vos vertus les deftins favo

rables,

Vous accordent des jours plus ferains & plus doux :

L'innocence, la paix habitent avec vous, Dans ces bocages délectables.

Vos moutons dans ces lieux ne craignent point les loups:

Pour nous, nous les craignons encore,
Cet interêt qui nous dévore

Eft un loup plus cruel cent fois

Que les loups affamez qui font trembler vos

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De l'E

glogue,

Bergers nos malheurs font extrêmes,
Nos efprits en font terraffés:
Nous chantons vos plaifirs fuprêmes,
Tandis que vous en joüiffez.

Ces Vers n'ont rien de trop pom peux, mais en même tems leur aifance ne dégénére point en baffeffe, l'expreffion en eft pure & coulante, & la morale y est envéloppée fous des images riantes & véritablement Poëtiques.

Et follement pompeux dans fa verve indifcrete,

Au milieu d'une Eglogue entonne la trom→ pette.

Au contraire cet autre abject en fon lan

gage,

Fait parler fes Bergers, comme on parle au village.

La Poëfie paftorale à pris naiffance en Sicile où vivoit Théocrite, vers l'an du monde 3800. Bion & Mofchus qui ont écrit dans le même genre étoient du même païs.

Virgile parmi les Latins a écrit fes Bucoliques à l'imitation de ces Poëtes Grecs: les uns & les autres avoient compris les Idilles & les Eglogues, fous un même titre général, comme nous les réunirions en notre langue fous celui de Bergeries, parcequ'elles font également une peinture & une imitation de la vie champêtre : c'eft pourquoi ce que nous allons dire de l'Eglogue peut s'appliquer facilement à l'Idille,

Si la fimplicité fait le caractere d'une Eglogue (comme il n'eft pas permis d'en douter en confiderant la nature des objets qu'elle embraffe.) Il n'eft pas moins vrai qu'il y faut également éviter l'affectation & la baffeffe; puifqu'entre ces deux extremitez vicieufes

la fimplicité tient le milieu dans lequel confifte la perfection. Par affectation, j'entens non feulement. le ftyle empoulé, mais encore trop de délicateffe dans les penfées, trop de recherches dans les expreffions, des idées trop réfléchies

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