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tel qui repréfentera noblement Achilles ou Alexandre échouëra dans le portrait d'un Prince encore vivant. De même, rien n'est moins difficile en Poëfie, que de • réunir des idées fubtiles & déliées mais affortir les pensées & le style aux fentimens des perfonnages que l'on introduit, c'eft la perfection, c'est l'effort de l'art. Auffi dans les exemples cités, le Poëte moderne donne à fes Bergers le bel efprit qui devient faux & ridicule par l'attribution qu'il en fait. Segrais au contraire ne leur prête que les expreffions fimples, d'un coeur vraiment paffionné. Des Bergers dans le vrai, n'ont pas l'efprit fi délicat & fi orné que les Courtifans, mais ils n'ont pas le coeur moins fenfible puifqu'ils font hommes. Le langage des paffions, s'il n'eft pas par-tout uniforme, doit au moins être naturel. Mais aimeriez-vous mieux, dirat'on, la nature toute unie qui dégénére en groffiéreté? car enfin des Bergers ne font dans le vrai,

Tome I.

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L

& tels que nous les voyons aujour d'hui, que des païfans auffi groffiers dans leurs moeurs que dans leur langage, occupés de foins bas, & menans une vie dure & miférable. Non; la rusticité ne • plaira jamais, je ne voudrois pas même qu'un Poëte entrât dans certains détails de la vie champêtre, tels qu'on en trouve dans les anciens, ni qu'il exprimât des chofes qui choquent les bienféances; je ne fouffrirois point dans nos Bergers, cette rudreffe que je ne fçaurois même approuver dans ceux de Mofchus, quoiqu'autorisés peutêtre par l'usage de leur fiécle, à traiter un peu brufquement la galan

terie.

Idilles Pour moi que tu connois, foudain faifi de rage,

de Mof

chus,

traduites De deux pefans fouflets je couvris fon

par Mr.

vifage,

de LonEt comme pour me fuir retrouffant fes habits, gepierre. Elle gagnoit la porte & quittoit le logis. Ah! je te déplais donc, m'écriai-je trai

treffe?

En un mot j'en écarterois tout ce qui fent trop la campagne, tout ce qui ne convient qu'à de vrais païfans, parce que cette groffiereté par elle même est choquante: mais en choififfant ce que les moeurs des Bergers ont de fupportable, je l'embellirois par des images riantes en me gardant de le défigurer par des pensées trop recherchées & trop peu naturelles. S'ils parloient d'amour, ce ne feroit point avec ces tours étudiés propres à débiter les maximes doucereufes de Quinault, mais avec une fimplicité convenable à leur caractere. L'Auteur de l'Idille que j'ai citée dans la remarque précédente, a fait un Eglogue qui me paroît également éloignée du rafinement & de la rufticité, que condamne Mr. Defpréaux. On peut juger du refte de la piéce par cet endroit:

DAPHNI S.

Coridon? Quoi l'amour ne vous touche

t'il pas ?

Eglogue manuf

crite de

M.le C..

Eglé, la jeune Eglé, n'a t'elle plus d'ap

pas?

Eglé qui près de vous affife au pied des hétres,

Partageoit votre encens, avec les Dieux champêtres ;

Qu'eft devenu ce tems, où vos tendres sou

pirs

Voloient jufqu'à l'Echo, fur l'aifle des Zéphirs?

L'Echo les repétoit ; Eglé vous étoit chere; Alors à fes genoux, fur la verte fougere Vous lifiez dans fes yeux, que d'un justę

retour

Le cœur d'Eglé, Berger, payeroit votre

amour.

Vous cueilliez dans nos champs, au lever de l'aurore

Les fragiles tréfors que fes pleurs font

éclore.

Eglé vous permettoit, d'en orner fes cheveux,

D'en placer fur fon fein. .,, Vous étiez trop heureux!

CORYDON.

Hélas! Daphnis, pourquoi rallumer dans

mon ame,

De mon amour paffé la dangereufe flamme ?

J'aimois Eglé, mon cœur eft las de foupirer, D'une gloire plus belle, il cherche à s'ho

norer.

La gloire dont parle ici Coridon, celle qu'il envisage eft le prix des jeux floraux, pour lesquels cette piéce fut d'abord deftinée & où l'on donne une Amaranthe une Violette & un Souci. Il ajoûte:

O fi de quelques fleurs, on couronnoit ma tête !

Qu'avec plaifir, Berger, je verrois ma conquête !

Ce jour-là, mes moutons brouteroient plus long-tems,

Ils fe reffentiroient de mes plaifirs naiffans; J'irois les raconter aux Nimphes des mon

tagnes,

Bientôt j'en inftruirois les Echos des cam

pagnes.

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