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Daphnis, mon cher Daphnis, la gloire eft à nos fens

Comme une douce pluye à nos près languiffans;

Quand pourra donc ma main fur l'écorce fidelle,

Graver ces vers témoins de ma gloire nouvelle.

Bergers, tournez les yeux fur ces tendres

ormeaux,

Et chantez Corydon vainqueur de ses ri

vaux.

DAPHNI S.

Ah! fi fur votre cœur la gloire a tant d'empire,

Quittez nos près, ici la gloire où l'on

afpire,

C'eft de tailler le mieux de jeunes arbrif

feaux,

C'eft de tracer le mieux des routes aux ruif

feaux ;

Enfin c'eft à la Cour qu'il faut chercher la gloire,

Et c'eft-là qu'elle brille auprès de la victoire ;

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'A la Cour, cher Daphnis, on vit dans l'abondance:

Dans nos champs fortunés, on vit dans l'innocence:

Tout m'y plaît, tout m'enchante, enfin j'y vis en paix;

Ï'y fuis Roi, chers moutons, vous êtes mes fujets.

J'ai crû faire plus de plaifir au Lecteur en citant ces Vers, que la modeftie de leur Auteur a empêché de donner au public, qu'en apportant de longs exemples de M de Racan & de Ségrais, dont les Oeuvres font entre les mains de tout le monde.

Quoiqu'il en foit de la difficulté de réuffir dans la Poëfie paftorale; je pense qu'elle naît encore moins.

des deux extrémités que je viens de décrire, & dans lefquelles on tombe communément, que de ce que ce genre eft tout-à-fait hors de nos moeurs. Du tems de Théocrite, & même de Virgile, on pouvoit fans crainte de choquer la vraisemblance, prêter à des Bergers une forte d'élévation d'efprit, une délicateffe de fentimens qui ne leur étoient peut-être pas entierement étrangères: Ils poffédoient des terres & des troupeaux nombreux, s'ils étoient libres; s'ils étoient Efclaves ils avoient un pécule; enfin c'étoient des perfonnages tout autrement confidérables, que ne font parmi nous les hommes adonnés à la même profeffion, puifqu'en remontant à une antiquité plus reculée, on trouvera des Princes & des Chefs de famille occupés à cet emploi. Depuis que les grandes fociétés fe font formées, les chofes ont bien changé de face, & fur le pied où elles font aujourd'hui, un Berger n'eft qu'un Pâtre igno

rant, oifif & groffier. Les Amarillis & les Gliceres ne font que de petites Villageoifes mal propres & hâlées par le foleil, prefqu'auffi imbéciles, que les animaux qu'elles conduifent. Cette idée revient toujours malgré le foin qu'on prend de la bannir. Ainfi les difcpurs qu'on leur prête, & la peinture de leurs moeurs n'étant que de pures fictions, ne peuvent guéres manquer d'ennuyer un fiécle éclairé qui n'aime point à fe repaître de chiméres.

De l'E

Le nom feul de l'Elégie fait connoître que les plaintes & la dou- legie. leur en font le principal carac

tere.

Art

La plaintive Elegie en longs habits de deüil,
Sçait, les cheveux épars, gémir fur un Poët.

cercueil.

car

Je dis le principal caractere bien que l'amour & le trépas foient les objets auxquels ce genre de Poëme fe fixe ordinairement, il en embraffe cependant d'autres moins

Chant 1

lugubres. Dans fon origine il fut borné aux larmes, depuis on l'employa pour exprimer des fentimens de tendreffe & même de joye comme nous l'apprennent Horace & Defpréaux.

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Art Verfibus impariter junctis quærimonia pri

Poët.

N. 75.

Art

Poët.

Chant 2.

mum,

Poft etiam inclufa eft voti fententia compos.

Elle peint des amans la joye & la tristesse, Flatte, menace, irrite, appaife une maî treffe.

Si ce n'eft qu'on doive entendre cet endroit de la mefure du Vers élégiaque que les anciens adopterent en écrivant fur des fujets plus badins que triftes. Et en effet, Ovide, à l'exception de fes Métamorphofes, a toujours écrit dans cette forme, & traité des matiéres qui ne refpirent que l'enjouement & la gayeté. On trouve dans Tibulle & dans Properce un grand nombrede piéces qui ne roulent ni fur la tendreffe, ni fur la mort. Auffi ferois-je très-porté à refuser le nom

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