d'Elégies à ces fortes d'ouvrages pour ne l'accorder qu'à ceux qui fe propofent l'un & l'autre des objets dont je viens de parler, ou l'un des deux feulement, en déterminant encore quelle forte de tendreffe doit y dominer: il en faudroit exclure l'amour tranquile & fatisfait pour n'y donner place qu'à l'amour inquiet, impatient, jaloux, furieux, ce qui reftreindroit l'Elégie à fon véritable genre. Ce principe fuppofé, on fentira fans peine que le ftyle propre à l'Elégie demande une forte d'élévation & de nobleffe, pour avoir quelque proportion avec le fonds du fujet, & qu'en même-tems il doit être animé puifque de toutes les paffions qui ébranlent l'ame, l'amour eft peut-être la plus vive, & que de tous les fentimens qui l'affectent, la trifteffe caufée par la perte d'une perfonne qui nous étoit chere, fait des impreffions fortes & durables. Pour bien écrire en ce genre, il faudroit donc fentir: toute Elégie dictée par l'ef 2 prit fera froide, fi le coeur n'eft intéreffé ou du moins s'il ne tire de fon propre fonds les fentimens & les paffions dont le ftyle après tout n'eft que le coloris. Voiture & Sarrazin, n'auroient pas fi bien réuffi, s'ils n'euffent été que beaux efprits un penchant naturel à la galanterie, étoit leur Apollon, & c'est par la même raison que les femmes font plus capables encore que nous de faifir le vrai de l'Elégie. Leur coeur fenfible se paffionne vivement, fe remplit plus fortement que le nôtre des objets qui le portent à l'amour & à la pitié. Or rien n'influe tant fur le langage de l'efprit que la difpofition du coeur: s'il eft une fois bien pénétré,il fuggérera infailliblement à l'efprit des pensées proportionnées au fentiment, & l'efprit infpiré de la forte ne tâtonnera pas fur le choix des expreffions: les plus énergiques lui deviendront naturelles. Tel eft le fentiment de M. Defpréaux; & j'ajoûte pour l'éclaircir que la fenfibilité du coeur toute feule, ne fçauroit produire les citer ici;le morceau qu'on va lire en donnant une jufte idée de l'Elégie, fera connoître & le génie d'Ovide & celui du Poëte qui l'a traduit. On y verra que les Anciens ne perdent rien de leurs graces quand des Modernes tels que M. le Franc les font paffer en notre langue : Toi qui vis mes beaux jours s'éclipfer dans tes ombres, Toi qui couvris mes pleurs de tes nuages fombres, O nuit, cruelle nuit, témoin de mes adieux, Sans ceffe ma douleur te retrace à mes yeux. Bientôt du haut des airs l'Amante de Céphale 'Alloit de mon départ fixer l'heure fatale, L'ufage de mes fens, tout à coup fufpendu, Dérobe à mes apprêts le tems qui leur est dû. Mon cœur ne peut gémir, ordonner, ni réfoudre, Semblable à ce mortel qui voit tomber la foudre, Et qui frappé du bruit, environné d'éclairs, Doute encore de fa vie & croit voir les enfers. J'ouvre les yeux enfin ; mon trouble diminue: Deux amis feulement frapent alors ma vuë, Tous les autres fuyoient un ami condamné: Le fort d'un malheureux eft d'être aban donné. Dans ce cruel moment je fens couler mes larmes ; Mon époufe éplorée augmente mes allar mes. Ma fille loin de nous ignoroit mon mal heur, De ce fpectacle affreux elle évita l'hor reur. Hélas! tout nous offroit la douloureufe image D'une famille en pleurs que la Parque ravage. Si d'un fimple mortel les deftins rigoureux Pouvoient le comparer à des revers fameux: Tel fut le défefpoir des habitans de Troye, Lorsque du fils d'Achille ils devinrent la proye. Cependant la fraîcheur & le calme des airs |