Répandoient le fommeil fur le vaste Uni vers. L'Aftre brillant des nuits pourfuivoit fa carriere. Je vois à la faveur de fa douce lumiere altiers, ces tours ces portiques Formidables voifins de mes humbles foyers. Lieux protegez du ciel, féjour de notre Et vous Maître, Divinités qui me plaignez peut-être, Fortunés habitans de ce riche Palais, Temple, Autels, que mes yeux ne rever ront jamais, Toi, fleuve, dont Ovide illuftra les ri vages, Recevez mes adieux, & mes derniers hom mages. Il n'eft plus de remede aux maux que je reffens. J'offrirois à Céfar des régrets impuiffans: Mais vous, Dieux immortels, modérez la vengeance; Qu'il ne confonde point le crime & l'imprudence. Vous le fçavez, grands Dieux, fi j'ai crû le trahir! Qu'il Qu'il me paniffe, hélas! du moins fans me hair. Mon épouse à ces mots, tombe à mes pieds mourante, Elle remplit les airs,de fa voix gémissante; De nos lares facrés embraffant les Autels, Elle implore à la fois les Dieux & les mortels. Inutiles tranfports! c'eft en vain qu'elle efpere D'un malheureux époux, adoucir la mi fére: Mais déja vers le Pole, où l'ont placé les Dieux, L'aftre de Calisto difparoit à nos yeux. Rome, il faut pour jamais renoncer à tes charmes : C'eft le dernir moment qu'on accorde à mes larmes. L'aube éclaire tes murs, le Silence a ceffé, J'entens le Citoyen, l'étranger empreffé. Où courez vous, difois-je, & quel foin vous agite? ,, Arrêtez, Rome feule eft digne qu'on l'habite.. Funefte aveuglement! Je vois naître le jour, Et crois pouvoir encore prolonger mon féjour, Trois fois je veux partir, & trois fois ma foibleffe Malgré moi de mes pas interrompt la viteffes Je fufpends, je finis, je reprends mes dif cours, J'embraffe, je m'éloigne, & je reviens toujours. Eh pourquoi me hâter? je vais dans la Scythie; Sans efpoir de retour je quitte ma patrie: De mon coeur éperdu chere & tendre moitié, Et vous dont mes malheurs excitent la pitié, Seuls amis que le ciel fouffre encor que j'embraffe, C'en eft fait; je jouis de fa derniere grace: Je ne vous verrai plus, vivez heureux, je pars; Cependant l'horifon brille de toutes parts; L'étoile du matin cede au flambeau du monde, Et fes premiers rayons fortent du sein de l'Onde. Je fuis en gémiffant, mais mon cœur déchiré Revole vers les lieux dont il s'eft féparé. De mes triftes amis, de ma femme éperduë, Les cris & les fanglots percent mon ame émuë: Je n'ofe m'arrêter, elle court fur mes pas, Bientôt autour de moi je fens fes foibles bras. Non, cruel, non, ta perte entrainera la mienne, Penfe tu lain de toi que Rome me retienne? Compagne de tes pas comme de tes mal heurs Au bout de l'univers j'irai fecher tes pleurs; Céfar t'a condamné, ton époufe eft prof crite. Céfar veut ton exil, & l'amour veut ma fuite. Je te fuis. . . mais hélas malgré tous fes efforts, Un rigoureux devoir m'arrache à ses trans ports. Défolé, l'œil en pleurs, & la vûë égarée Entre le bras des fiens je la laiffe éplorée, Elle tombe & j'ai fçu qu'en ces affreux inftans, Les ombres de la mort la couvrirent long tems. Elle revoit le jour pour fouffrir davantage, Ses cheveux arrachés, tombent fur fon vilage, Dans fes foyers déferts, elle me cherche en vain, Elle accufe les Dieux, Céfar & le Deftin. L'instant de mon trépas, ou fa fille ex pirée D'un plus vif défespoir, ne l'eût pas péné trée. Sa douleur mille fois auroit tranché fes jours, L'efpoir de m'être utile, en prolongea le cours. Dieux qui nous féparez, prenez foin d'une vie, Qui conferve la mienne au fonds de la Scythie. Je touche enfin la rive, & nous quittons le port, Sous l'afpe&t orageux des étoiles du Nord. J'affronte malgré moi les horreurs du nau frage, Et la néceffité me tient lieu de courage. Mais quel bruit effrayant fort du gouffre mers ! des |