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être foutenue avec art & fageffe C'est pourquoi la Cantate de Bac cbus de M. Rouffeau, eft moins une Cantate qu'une belle Ode, où l'imagination du Poëte s'égare, revient fur fes pas & peint tous les objets d'une Bacchanale avec les couleurs les plus fortes. Mais foit excès de véhémence de la part de l'Auteur, foit foiblesse de talent de la part du Musicien, on fent en entendant chanter cette piéce, que ce n'eft pas la meilleure de celles de Bernier, & que la Mufique en eft finguliere; mais auffi ne voiton peut être pas quels autres fons on auroit pû affortir mieux aux paroles? La Mufique & la Poëfie font foeurs, mais elles ne vivent pas toujours dans une parfaite union. Il fembloit que Quinault & Lully l'euffent cimentée Four jamais; cependant elles fe font fouvent brouillées pour s'être rencontrées ensemble, depuis la mort de ces deux Grands Hom

-mes.

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Si nous devons à M. Rousseau

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la gloire d'avoir introduit parmi nous la Cantate, qu'il avoit empruntée des Italiens, nous devons auffi à M. Danchet, Fuzelier, & quelques autres, celle de l'avoir égalé en donnant à nos meilleurs Muficiens des fujets gracieux & des paroles harmonieufes propres à faire briller leurs talens. Ces deux Auteurs & M. de la Mothe ont même infiniment mieux réuffi dans le Lirique propre au Théâtre que celui qui leur avoit montré l'Art des Cantates.

Toutefois n'allez pas goguenard dangereux Abus de Faire Dieu le fujet d'un badinage affreux.

Si c'est un abus de ne pas faire fervir un Art à fa véritable fin c'en eft un bien plus criant de le détourner de fon but,& de lui faire oublier fa premiere origine. La Poëfie ne fut dans fa naiffance que l'expreffion vive & naturelle du culte que la Créature devoit à l'Etre fuprême. Pourquoi a-t'elle dégénéré jufqu'à devenir l'organe de

la Poëfie

contre la

Religion,

FIrreligion? Cet excès ne tombe point fur l'Art, mais fur ceux qui l'aviliffent par leur témérité.

Je laiffe à la Religion le foin de fe défendre avec des armes qui lui font propres. Des raisonnemens fondés fur la révélation feroient déplacés dans cet ouvrage, & ce n'est que de la Philofophie morale que je -veux tirer ceux que j'ai à opposer aux prétendus efprits forts.

S'ils affectent de n'avoir point de Religion, au moins fe vantent-ils d'être honnêtes gens. Mais je leur demande comment ils allient la probité, la connoiffance & l'exercice des vertus morales néceffaires à la probité, avec l'opinion fantafque qu'ils ont fur la Divinité ou même contre fon éxiftence. S'il étoit permis de les interroger féparement fur les idées qu'ils ont du bien & du mal, du vice & de la vertu, relativement à la fociété; on ne trouveroit qu'un amas de fentimens oppofés & bifarres, incapables de former jamais un Siftême fenfé. Ou ils pratiquent

les vertus morales avec connoiffance de cause, & dès lors ce font des impofteurs qui fe diffimulent à eux mêmes & aux autres, la liaifon intime que ces vertus ont avec la Religion, & l'infuffifance de ces mêmes vertus pour le bonheur, fi elles ne font perfectionnées par la Religion: ou ils agiffent fans Théorie fixe & certaine, par inf tinct & comme ils s'expriment euxmêmes par fentiment. Or ce fentiment prétendu eft la chofe du monde la plus confufe & la plus arbitraire, rien n'eft moins uniforme. Voilà donc les Sectateurs de la pure raison, fages fans principes, & vertueux au gré de leur caprice. Mais toute fageffe qui ne fe communique pas, toute vertu qui concentrée en elle même ne procure aux autres aucun avantage n'eft ni fageffe, ni vertu. Qu'est-ce donc que celle qui ne fe propofe qu'une fin pernicieuse? Or telle eft celle des prétendus Efprits forts.

On l'a fouvent dit,& jamais ils n'y ontrépondu quelque chofe de foli

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de; la fource de leurs erreurs eft moins dans la révolte de leur efprit que dans la corruption de leur coeur. Le feul avantage qu'ils fe propofent, ou dont ils flattent les autres par cette intempérance de raisonnemens c'eft d'affouvir ou de juftifier les paffions dont ils font efclaves. Le Syftême de l'impiété eft favorable au libertinage, c'en est assez pourqu'il ait des Docteurs & que ceux-ci faffent aisément des profélites. Mais les uns & les autres font injuftes & faux: s'ils rejettent la Religion révélée, ils vous diront que c'eft à caufe de l'obfcurité de fes myftéres & de l'abfurdité de fes dogmes; mais ce n'eft qu'un prétexte comme nous le verrons par la fuite:la véritable raifon, le motif preffant, mais qu'on auroit honte d'avouer ; c'eft que fa morale combat les inclinations vicieuses de l'incrédule, gêne fes défirs,ne s'accommode point à fes paffions & condamne fa dépravation. Voilà le fondement des af fauts qu'on lui livre. Or c'eft en

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