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Poët.

Chant 1.

reufement, on a beau les retoucher enfuite, le vice de leur origine leur laiffe toujours quelque trace d'imperfection.

Un Vers étoit trop foible & vous le rendez dur.

La foibleffe dans les Vers vient ou d'un défaut de Génie, ou d'une précipitation à écrire fans choix & fans correction tout ce qui s'offre à l'efprit. D'ailleurs il faut juger de la force ou de la foibleffe des Vers, différemment felon les fujets que le Poëte fe propofe, ou proportionnellement aux différens genres de Poëfie. Le ftyle Marotique, par exemple, permet des expreffions & des tours de phrafes, qui pafferoient pour foibles & même pour ridicu les dans une Ode. Le langage de la Tragédie doit être noble & majeftueux, cependant il comporte moins de pompe & d'élévation que celui de l'Epopée. Les ennemis de la rime la regardent comme une des principales caufes de

que

la foibleffe de nos Vers, mais c'eft rejetter fur l'art le défaut de l'artiste.Quant à la dureté des Vers, elle nait de l'affemblage des mots rudes & peu harmonieux. J'ai connu des perfonnes qui prétendoient le choix des mots où fe rencontre la confonne R, contribuoit beaucoup à donner de la force aux Vers. Je penferois au contraire que le retour fréquent de cette lettre ne peut que rendre la Poëfie dure. Ce feul hémistiche de Chapelain,

Durs & roides Rochers, &c.

Suffiroit pour juftifier mon fentiment; mais nous aurons occafion de parler plus au long de l'harmo

nie.

Quand on confidere avec des De la yeux philofophes la différence qui clarté. fe trouve entre la rapidité de la penfée, & la lenteur des moyens que les hommes employent à se la communiquer; on gémit de ce que les fignes inventés pour l'exprimer ne font pas plus fimples.

Les anciens avoient le fecret d'écrire en Notes & de dire en une Lettre ce que nous difons en un mot. Mais quand on fuppoferoit les fignes de nos penfées beaucoup moins compofés qu'ils ne le font ; dès là qu'on penfe & qu'on écrit pour l'amusement ou l'inftruction de la Société, on doit donner à fes idées toute l'étenduë qu'exige le befoin des Lecteurs. Si la prolixité les dégoûte & les ennuye, un ftile concis avec affectation, leur dérobe une partie du plaifir ou de l'utilité qu'ils attendoient. Je ne fçais fi Perfe étoit bien entendu des Romains fes Contemporains; & malgré les Commentaires dont on l'a orné, je penfe que nous l'entendons encore moins qu'eux. Lui même, s'il revenoit parmi nous, ou ne s'entendroit plus, ou feroit étrangement furpris des interprétations qu'on donne à fes Vers obfcurs. C'eft fur-tout dans les maximes que les Poëtes ont coûtume de femer dans leurs Ouvrages, & dans les préceptes qu'ils

donnent, que la briéveté de l'expreffion ne doit rien altérer de la vérité & de l'exactitude de la penfée. La bonne opinion qu'on peut avoir de la fagacité de fes Lecteurs, permet bien qu'on n'épuise point un fujet, mais elle n'autorife jamais l'obfcurité, fous prétexte d'éxercer la pénétration.

Plaire eft un moyen que les Des or Poëtes ne doivent jamais perdre nemens. de vûë. Mais quelles routes doiton prendre pour plaire ? C'eft ici que les opinions fe partagent, & que dans la pratique on differe encore plus que dans la théorie, Certains Auteurs fottement timides, & toujours en défiance fur le nombre ou la quantité des ornemens qu'ils pourroient mettre dans leurs Ouvrages, les rendent fecs & ennuyeux..

L'un n'est point trop fardé, mais fa Mufe Vrt eft trop nue.

D'autres y repandent les fleurs fans difcrétion. D'un côté la fimplicité domine trop; de l'autre, c'eft

Poët. Chant

l'affectation qui régne. Excès également condamnables & dont la fource eft ou une imagination boüillante, ou un Jugement trop froid.

Quel eft donc le milieu qu'on doit tenir entre ces deux Ecueils? C'eft, à mon fens, lorsqu'on traite un fujet, d'examiner quels ornemens il peut comporter.Il en eft qui les excluent prefque entiérement. Il en eft d'autres qui les admettent prefque tous, pourvû que le goût préfide à leur diftribution. Dans ceux qui ne comportent que des beautés tellement identifiées avec leurs fujets, qu'elles femblent ne partir que de la feule nature,le plus grand Art (& ce n'eft pas le moins difficile) c'eft d'être fimple & naïf. De ce genre font les Fables de la Fontaine. Dans les fujets qui permettent, qui exigent même les agrémens, le choix des morceaux faillans n'est gueres moins Mr. de difficile: car comme l'a remarqué Fonte- un Auteur très-ingénieux, ce qui nelle. ne doit être embelli que jufqu'à

une certaine mefure eft fouvent ce

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