Epitre n'a pas moins de délicatef fe, que ce que vous venez de lire, Ibid. Roi, amoureux des neuf Mules, Roi en qui font leurs fciences infuses, Roi plus que Mars d'honneurs environné Roi, le plus Roi qui fut onc couronné, Dieu tout-puiffant te doint pour t'eftrenner Les quatre coins du monde à gouverner. Cette aimable fimplicité eft bien au-deffus des preftiges de l'Art & des vaines fubtilités du bel efprit. Depuis deux fiécles,à peine compte t'on trois ou quatre perfonnes qui ayent excellé dans ce genre, tant il eft difficile d'y réuffir: l'exemple de la Fontaine & de Rouffeau, montre cependant qu'il n'eft point inimitable; on en jugera mieux par la comparaifon. Le premier dans le conte intitulé Belphegor décrit de la forte ce que c'eft qu'un Intendant ou un Maître d'Hôtel : Belpheg. Et j'oubliois qu'il eut un Intendant, Un Intendant? Qu'est ce que cette chofe? Qui comme on dit, fçait pêfcher en eau Et plus le bien de fon Maître va mal, Je m'abftiens de faire des réfléxions fur la reffemblance parfaite de ce ftyle avec celui de Marot pour citer un Poëte plus moderne héritier des graces de ces deux -prédéceffeurs. C'eft M. Rouffeau connu par fes malheurs autant que par fon génie. Voici comme il commence fon Epitre à Marot. > 'Ami Marot l'honneur de mon Pupitre, Epitre 3. Vint chez vous feul étudier la rime. Il eft fâcheux que ces trois Poëtes ayent fouillé par des obfcenités une plume qu'ils fembloient tenir de la main des graces: mais en condamnant l'abus qu'ils ont fait de leurs talens; il faut convenir que perfonne ne les a égalé en fineffe & en légéreté, fi ce n'eft peut-être Mr. de Voltaire dans quelques-unes de ces piéces fugitives. Des perfonnes d'un mérite reconnu n'ont pas difcerné précifément, comme nous l'avons déja vû, le ftyle Marotique du genre burlesque. On en prodigue encore tous les jours le nom à des ouvrages qui ne le méritent nullement. Des Auteurs s'imaginent avoir écrit dans le goût de Marot, lorfqu'ils ont fait des Vers de dix fillabes parfemés de quelques expreffions Gauloifes qui ne font plus d'ufage dans la langue, fous prétexte qu'elles fe rencontrent dans Marot lui-même, dans S. Gelais & quelques autres Poëtes de ce tems-là, mais ils ne font pas attention. 1°. Que ce langage furanné ne fçauroit par lui-même prêter des graces au style, & qu'elles dépendent uniquement de l'ufage heureux & de l'application qu'en fait le Poëte. 2°. Que Marot parloit très-purement pour fon fiécle, & qu'il n'a point employé d'expreffions vieilles, rélativement au tems où il écrivoit, que par conféquent fi fes Poëfies ont charmé la Cour de François I. ce n'eft pas par cet endroit, mais par leur tour aifé & naturel. 3°. Qu'un méchanisme arbitraire, une forme extérieure ne font point ce qui caractérife un genre de Poëfie, & qu'elle doit être marquée par une forte de fceau dépendant du fonds même peut des fujets qu'elle embraffe, ou de la maniere dont elle les traite. De ces trois Obfervations dont on ne contefter la vérité, il refulte que l'éloquence du ftyle Marotique ne dépend ni de la structure des Vers, ni du vieux jargon mêlé fouvent avec affectation à la langue ordinaire, mais de la naïveté du génie, & de l'art d'affortir des idées riantes avec fimplicité. En effet, dans l'exemple que j'ai cité de la Fontaine, il n'y a pas une expreffion qui ne foit aujourd'hui fort en ufage, & fi Rouffeau femble copier de plus près le langage & les tours de phrafes de Marot c'eft dans une piéce qu'il feint d'écrire à ce Poëte; mais dans fes allégories, & dans la plupart de fes Epîtres, il parle un langage très-pur & très-correct. Je ne nie pas cependant que le vieux ftyle n'ait fon agrément, quand on fçait l'employer à propos: notre langue en fe poliffant s'eft appauvrie, à peu près comme certains corps que l'on ne rend Diaphanes qu'en |