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plus cette diftinction de longue & de breves qui rendoit les langues mortes incomparablement plus mélodieufes que ne le font les langues vivantes. Indépendamment de ces obftacles, elle n'eft pas abfolument deftituée de reffources. Le choix, l'arrangement, la liaison, l'assortiment des mots peuvent produire des effets agréables: or c'eft furtout en Poësie qu'on doit être attentif à raffembler toutes ces parties, & l'oreille eft juge naturel & compétent en cette matiere, comme l'oeil l'eft en fait de couleurs. Le mélange bifarre & peu ménagé de celles-ci bleffe l'économie des organes; il est un art de les nuancer, de les afforur, de les relever ou de les adoucir les unes par les autres,& de ne point rapprocher celles qui tranchent trop. De même dans l'harmonie du langage, l'union de certaines expreffions, le concours de certaines voyelles, le retour trop fréquent & trop marqué de certaines lettres, produiroit infailliblement ou des diffonances

diffonances barbares, ou une monotomie ennuyeufe, comme dans la mufique un air filé fur les mêmes tons endort, & un mauvais coup d'archet cause une diffonance phifique qui choque la délicateffe des organes. Je dis la délicateffe; car quoiqu'il y ait des beautés de fentiment, ou des défauts dans le même genre, qui n'échappent point aux oreilles les plus vulgaires, je penfe néanmoins que l'habitude & la réflexion doivent être jointes à la nature pour former une oreille fine qui faififfe en détail les beautés ou les défauts que le commun des hommes n'apperçoit que par un fentiment confus. La certitude du jugement en cette matiere comme en toute autre dépend des connoiffances claires que l'on a pris foin d'acquérir & de perfectionner: il ne fuffit pas que l'oreille foit fenfible, il faut que la tête le foit auffi, ou pour parler plus exactement l'organe le mieux difpofé doit être accompagné d'un jugement fain & lumineux. Au refte, Tome 1.

F

il eft plus aifé de marquer les vices en ce genre, que de prefcrire les moyens qui conduisent à la perfection.Les fentimens font partagés fur nos Vers Alexandrins; quelques Auteurs les trouvent pleins d'harmonie & de majefté, d'autant plus que l'hémiftiche y marque un repos qui foulage la poitrine dans la prononciation; d'autres au contraire y trouvent trop d'uni-formité par la chûte toujours égale

de deux rimes mafculines fuivies de deux féminines, & ainfi de fuite dans tout le cours d'une piéce de Théâtre ou d'un Poëme épique, & prétendentque les Stances & les Odes dans lefquelles les rimes font entrelaffées, ont plus de cadence & de variété. J'inclinerois volontiers pour ce dernier parti qui tend à nous affranchir d'une contrainte très-génante, pour rendre à la Poëfie cet air d'aifance & de liberté qui lui convient & que lui donnent l'inégalité des Vers & le mélange des rimes, en confervant néanmoins à chaque genre ce qui

lui eft propre. Car les Vers Alexandrins paroiffent tellement affectés au tragique, que toute autre mefure en dégraderoit la nobleffe & la dignité. Les Vers irréguliers & croifés qui ont tant de graces dans les Opéra de Quinault déplaifent dans l'Agefilas de Corneille. Ce feroit perdre beaucoup que de confondre les genres, fous prétexte de les embellir; en commençant par éviter les défauts, nous ne tarderons pas à trouver les graces. Si les rimes croifées plaifent par la variété, les rimes redoublées choquent par l'uniformité. C'eft ce qui rend infipides quelques piéces de Madame des Houlieres & du P. du Cerceau qui ne font poëtiques ni par le fonds du fujet, ni par le tour des expreffions. Il faut un grand Art pour entre-mêler les rimes avec grace, & je l'ai déja dit ailleurs, M. Greffet eft un modéle parfait en ce genre pour les Poëffes légeres, comme Rouffeau pour la Poëfie lirique. J'ai dit auffi que le retour trop fréquent

de certaines lettres rendoit les Vers durs, fecs ou mal fonnans, quelques exemples le démontreront:

Greffer Toi, qui malgré la mort cruelle, Epitre Refpire encor dans mon cœur,

au Pere

Bougeant.

Ode de

Illuftre, Arifte, ombre immortelle.

Ce dernier Vers fur-tout imite -le bruit d'un triêtrac, les deux autres ne font gueres plus mélodieux. L'oreille eft également choquée -des mauvaises confonances.

Forcé de célébrer fans ceffe

M. de la Même vertu, pareille adreffe.

Mothe

fur l'En

même

thouf. Qui condamne fes phrafes baffes
Mêconnoît les naïves graces;
Ode du Qui le trouve obfcur eft pefant;
fur la Au gré de sa fierté groffiere,
loüange. Qui le critique, eft fans lumiere,
Qui le raille eft mauvais plaifant.

Une oreille délicate ne prendra jamais ces Vers pour des Vers liriques, quoique leur Auteur les ait honoré de ce nom. Souvent la répétition d'un même mot produit

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