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métaphore mal foutenue devient ridicule, telle qu'eft celle-ci d'un grand Poëte dans le portrait de Midas:

Tel, en un mot que la nature & l'art
En maffonnant les remparts de fon ame,
Songerent plus au four eau qu'à la lame.

L'idée de maffonner n'a point de liaison avec celle d'un foureau, & le fonds de la métaphore n'eft point jufte, parce que les termes n'en font point relatifs.Il ne fuffit pas que l'efprit veuille établir des rapports entre les chofes, fi la nature n'en a pofé les premiers fonde

mens.

L'invention des termes nouveaux n'exige pas moins de difcretion: la gloire de paffer pour créateur en ce genre, comme dans tout autre eft éblouiffante, & c'eft contre elle qu'il faut être principalement en garde. Sous prétexte d'enrichir la langue, on la charge d'expreffions extraordinaires, dont là durée eft auffi paffagere, que l'origi

Tome I.

H

Allegor; Liv. I. Alleg, S

ne en eft peu folide. Ronfard avoit crû rendre un important fervice à la nôtre en y inférant un grand nombre de termes inouis, bifarrement mélangés de Grec & de Latin. Il fe trompa ; ce langage pédantefque n'eut pas aux yeux de tout le monde les mêmes graces qu'il avoit à ceux de l'Inventeur. La force & Ténergie qu'il prétendoit introduire par là, dans notre langue, dégénérerent en barbarie. Ce n'eft pas que des mots Grecs & Latins, on n'en puisse bien faire des mots françois ; mais outre qu'il faudroit être extrêmement précautionné à cet égard, c'eft moins à l'énergie qu'on devroit s'attacher, qu'à l'élégance & à la douceur, qui, comme je l'ai remarqué ailleurs, font les plus folides beautés de notre langue. Le goût d'un particulier ne détermine point celui du Public en faveur d'un mot nouveau: celui même d'une Académie ne fuffiroit pas pour en faire la fortune, parce que tout arbitraires que foient les

paroles, il ne dépend pas néanmoins du caprice des particuliers de les établir, ou de les changer à leur gré.La raifon d'utilité doit toujours être la premiere bafe de ces innovations; elle feule a pû introduire dans les Arts & dans les Sciences tant de termes nouveaux

qui leur font propres, elle feule peut en faire paffer de femblables dans le langage ordinaire, pourvû que cette utilité foit réelle, & qu'il en refulte pour la langue une acquifition avantageufe, & non pas une fuperfluité qui l'appauvrit, bien loin de l'enrichir.

J'ai ajoûté que pour écrire purement, il ne falloit pas reffufciter de vieilles expreffions; j'en excepte le ftyle Marotique qui les admet quoiqu'avec retenue:dans tout autre ouvrage elles formeroient une bigarrure ridicule avec les expreffions qui font en ufage, telle la pourpre fi eftimée des anciens fi l'on en coufoit quelques lambeaux avec des piéces de notre écarlate,

que

Etude

De toutes ces obfervations, il de la eft aifé de conclure qu'une étude Langue, réfléchie de la langueeft indifpenfable à quiconque s'adonne à la Poëfie, comme auffi rien ne contribue davantage à l'étude de la langue qu'une teinture de Poëfie. On peut appliquer aux rapports étroits que ces deux connoiffances ont entr'elles, ce qu'Horace a dit de la nature & de l ́art :

Art

Poët.

.410.

alterius fic Altera pofcit opem res & conjurat amicè.

En effet, le choix des expreffions, la variété des tours, la force des épithetes qu'exige la Poëfie françoife, accoutume de bonne heure un Ecrivain à s'exprimer avec précifion, à rejetter les termes parafites, à chercher avec foin ce qu'il y a de plus convenable, & en même-tems de plus harmonieux dans le langage pour peindre fes idées foit fimples, foit acceffoires: il n'y a pas même jufqu'à la gêne & à la contrainte de la rime qui ne devienne utile en

cette occafion par la néceffité où elle met de chercher des expreffions fortes ou brillantes, d'en faire la comparaison, d'en pénétrer le vrai fens, d'en fentir les différences, & de les appliquer avec difcernement. Les grands Orateurs de l'antiquité n'ont pas négligé cette méthode; & parmi nous, M. Racine a montré, par le peu d'ouvrages en Profe qui nous reftent de lui, que celle-ci tire fouvent fes plus grandes beautés du fein même de la Poëfie. Ne feroitce point auffi à elle que M. de Voltaire devroit cette force & cette élévation de ftyle qui brillent dans fon Hiftoire de Charles XII. & dans fon effai fur le régne de Louis XIV ?

Il faut que chaque chofe y foit mise en fon

lieu :

Que le début, la fin répondent au milieu.

l'ouvra

Il n'y a point d'ouvrage en Poë- Qué fie qui ne foit fujet à cette régle, , ge foit de quelque étendue qu'on le fup- un

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