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deviendroit ennuyeux, je me bornerai aux trois Ouvrages les plus connus & les plus eftimés que nous ayons en ce genre. La Poëtique d'Horace, celle de Jerôme Vida & celle de M. Defpréaux.

La Poëtique d'Horace a fes beautés, tout y eft dans le vrai,, dans la nature, cependant tout le monde convient qu'elle n'eft pas exempte de défauts. Outre celui de la méthode, qui n'en eft pas un médiocre, il eft évident que tout ce qu'il dit du Théâtre des Latins, par exem ple, n'eft pas applicable au nô-tre; les mœurs ont changé avec le tems, & ce qui étoit bon à Rome, fous le Regne d'Augufte, eut déplû à Paris fous celui de Louis le Grand, & choqueroit peut-être encore

d'avantage aujourdhui. Il n'eft pas moins certain que la décou-verte de quelques nouveaux genres de Poëfie, la différence de notre langue avec celle des Romains, le Méchanifme de notre Verfification, outre les principes généraux qui fe trouvent dans Horace, exigent encore des regles & des notions particuliéres qui rendent infuffifans des préceptes tracés, y a plus de feize fiécles. Quelqu'admirateur que l'on foit des Anciens, il faut convenir de bonne foi qu'ils ont leurs imperfections. Ils ont écrit pour leur fiecle & pour la poftérité, mais fi celle-ci a ajouté à leurs découvertes, elle peut auffi ajouter aux loix qu'ils ont établies. Je ne dis rien des préceptes qui fe trouvent répan

il

dus dans Quintilien, dans Petrone &c. & qu'on peut rapporter à la Poëfie, ce font des fragmens, des penfées détachées qui ne forment point un corps de Poëtique, & par confequent ils font étrangers à mon fujet.

Jerôme. Vida, Evêque d'Alba, proche de Verône, dans le territoire de la République de Venife, nous a donné auffi une Poëtique en Vers Latins divifée en plufieurs livres ; ce font les idées d'Horace mieux digé rées, expofées avec plus d'étenduë, traitées avec des cou leurs plus riantes, des Tableaux & des ornemens que l'Auteur qui étoit très bon Poëte Latin, a fçû varier & placer à propos.. Par ce moyen l'ouvrage eft é galement inftructif & agréable,

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mais comme l'Auteur n'a pas plus embraffé d'objets que n'avoit fait Horace, il n'eft pas plus exemt que ce dernier du reproche d'infuffifance. Si fon livre intereffe par la forme, il n'inftruit point affez pour le fonds, on n'y trouve pas le moindre veftige des découvertes faites depuis environ un fiécle fur la Comédie & la Tragédie, & pour ce qui concerne le Génie particulier de notre langue, la mesure & l'harmonie de nos Vers, on fent affez que l'Evêque d'Alba qui écrivoit en Latin, dans un fiécle & dans un païs différent de ceux où nous vivons, n'a point eu en vûë notre nation. Il nous falloit donc une Poëtique écrite en notre langue,& qui eût des rapports intimes avec nos

mœurs 3

mœurs, nos ufages, notre goût. M. Defpréaux nous l'a donnée, & perfonne n'étoit plus capable que lui de s'en bien acqui

ter: enrichi des tréfors de l'antiquité, il en a fait un heureux usage par rapport à notre Poëfie,en mettant dans fa Poëtique plus d'agrément que dans celle d'Ariftote, plus d'ordre que dans celle d'Horace,plus de détails, & néanmoins plus de pré

cifion que

dans celle de Vida.

En effet nous n'avons rien en notre langue de plus complet ni de mieux traité: il convenoit fans doute que les regles de la Poëfie, nous fuffent prefcrites par l'homme qui les a le mieux connuës, & qui pour inftruire fes Lecteurs, pouvoit le mieux identifier l'exemple avec le précepte, fans cepen

C

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