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gonie d'Héfiode, ne laiffent aucun lieu de douter que le premier objet de la Poëfie, n'ait été de célébrer les louanges de la Divinité. Il n'eft pas moins conftant qu'elle a dégéneré depuis; mais fans nous arrêter à confiderer les caufes fi connuës de cette variation, contentons-nous de remarquer que dans tous les âges, chez tous les peuples, on a été sensible à fes charmes, on en a fait un art dont les progrés ont été plus ou moins rapides, felon les diverfes routes qu'ont fuivi ceux qui par un goût particulier, par l'impulfion de leur génie fe font portez à le cultiver.

Je n'ai pas deffein de les détailler ici ces progrés. On sçait la Grece a produit des Ho meres & des Pindares, qu'elle

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a eû fes Anacreons, fes Sophocles & fes Euripides. Que Rome fe glorifie autant d'avoir donné des applaudiffemens à Horace & à Virgile que d'avoir donné le jour aux Scipions & aux Cefars. On n'ignore pas que peu de tems après la mort d'Augufte, la Poëfie qui avoit brillé avec tant d'éclat fous le regne de ce Prince, s'éclipfa peu à peu fous fes fucceffeurs, & demeura enfin comme éteinte dans les ténébres de la Barbarie qu'amena du fond du Nord ce déluge de nations féroces qui des débris de l'Empire Romain forma la plupart des Royaumes qui fubfiftent aujourd'hui dans l'Europe. Copendant parmi ces Barbares mêmes, on voyoit luire quel ques foibles étincelles de gé

nie pour les Vers. Les habitans des côtes de la mer Baltique avoient leurs rimes runiques, & l'on a trouvé desChanfons rimées, & d'autres veftiges de Poësie, chez les Sauvages de l'Amerique, qui ignoroient profondément tous les autres Arts. C'eft une erreur en effet de s'imaginer que la Poëfie, la Mufique & la Peinture n'appartiennent, pour ainfi dire, qu'aux nations policées comme elles ont leur fource dans la nature, elles font de tous les tems & de tous lieux : avec cette différence que ces Arts fontplus cultivés en certains climats que dans d'autres, & plus parfaits dans un fiécle que dans un autre, parce que dans ce fiécle & dans ce climat, la température de l'air, la difpofition

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des organes, l'encouragement donné par les Princes aux Artifans célébres l'emulation excitée entr'eux par des récompenfes glorieufes, le concours en un mot de plusieurs causes tant physiques que morales, ont fait en quelque maniere éclore le génie & l'ont aidé à se livrer à tout fon enthousiasme. On peut dire que ces trois Arts. qui ont ensemble tant de rapports étoient enfevelis dans la nuit la plus obfcure,lorfque les bienfaits de Leon X. & de François Ier. firent luire fur eux. la premiere aurore du grand jour que nous y voyons briller aujourd'hui: Le Taffe & le Camotens furent contemporains de Raphaël & de MichelAnge, mais notre Poëfie ne fe perfectionna pas avec autant

de rapidité que celle de nos voifins. Les meilleurs Poëtes de l'Italie & de l'Espagne, ont paru dans le tems que tous les nôtres étoient médiocres, à l'exception de Marot. Ronfard qui vint enfuite,replongeoit infenfiblement nos Mufes dans une Barbarie pire que celle d'où elles commençoient à peine à fortir, & d'ailleurs les troubles caufés par nos Guerres de Religion ne leur laiffoient point ce loifir, & cette douce tranquillité qui leur font fi neceffaires. La fureur du bel esprit, la manie de l'érudition & le goût des pointes, qui regnerent enfuite pendant près d'un fiécle, fembloient encore. les éloigner pour long-tems de la perfection, lorfqu'on vit en fin commencer ce fiécle com

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