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parable, & peut-être fuperieur à celui d'Augufte, le siècle de Louis le Grand. Sous le Regne de ce Prince, tous les Arts excités par fes libéralités firent des progrés que nous aurions peine à croire, s'ils ne nous étoient connus par une foule de monumens qui font tous les jours notre admiration. Ce fut alors que la Poëfie, pour me borner à ce qui eft de mon fujet, vit luire fes plus beaux jours. Defpréaux, Racine Corneille, Moliere, la Fontaine, Mad. des Houlieres Pavillon, Chaulieu, la Fare, Rouffeau, la Mothe, & tant d'autres génies fameux écrivoient,tandis que le Brun & Mignard tenoient lespinceaux,que Nanteuil & Edelink dirigeoient le burin,que Girardon & Coyse

vaux manioient le Cifeau, que les Fléchiers, les Bourdalouës, les Boffuets faifoient triompher l'éloquence. Revenons à la Poëfie en général. Le vulgaire ignorant la regarde comme un amusement frivole, inutile à la fociété, dangereux pour ceux qui le cultivent. Des Philofophes trop aufteres la traitent de bagatelle, & le plaifir qu'elle caufe,d'illufion. Les uns & les autres n'en jugent que par les abus. Ils fe retracteroient fans doute s'ils vouloient l'envifager par d'autres faces, la confiderer fans prévention, & pour en mieux ap précier la mérite ne confulter que la raifon; c'eft d'elle feule que je veux emprunter ici des armes pour juftifier la Poëfie, & non pour en faire le pané

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girique avec affectation. Je laiffe aux Poëtes de profeffion le foin de donner à leur Art des loüanges qui peuvent paroître fufpectes, & de l'embellir par des traits de leur imagination, je n'ai besoin pour la défendre que de ceux de la vérité. La Poëfie dans fon origine a été confacrée à la Religion, elle a fait partie du culte & des céremonies publiques, elle s'eft donc occupée d'abord à chanter les louanges du Créateur, à relever fes divins attributs, à célébrer fes bienfaits, & par conféquent à marquer les hommages de l'homme & fa reconnoiffance pour la Divinité. Quel emploi peut être plus noble, & quel objet plus refpectacle peut-on fe propofer? Dans le Paganisme mê-

me

me, dans le fein des ténébres & de l'erreur, par une fuite néceffaire des idées de puiffance, de bonté, de force de grandeur que les peuples idolâtres attachoient aux noms de Jupiter, de Mars, de Neptune, elle ne célébroit fous ces noms que des attributs relatifs aux befoins des hommes: fon fyfteme étoit celui de la Théologie Payenne: que fi elle divinifa le vice, la débauche & l'infamie, c'est moins fur elle qu'en tombe le blâme que fur les paffions dont les Poëtes entrainés par le torrent de la coûtume, étoient aveuglés. Jufques-là, la Poëfie ne fe trompoit point dans le principe, elle n'erroit que dans l'application, & par inconféquence, fi depuis elle defcen

dit aux demi-Dieux, aux Héros, aux fondateurs des Villes, aux libérateurs de la Patrie, & pour ne rien déguiser, jufqu'aux Athletes vainqueurs dans les jeux olimpiques, pourrions-nous diffimuler que les actions des premiers étoient, moralement parlant, utiles la fociété, que celles des derniers relativement aux mœurs de l'Antiquité étoient glorieufes pour ceux qui les avoient exécutées. Cen'étoit donc point pécher contre les regles de l'équité que de les célébrer : la louange eft un tribut qui n'est dû qu'à la vertu, les actions que je viens de détailler en avoient au moins tous les déhors; fi elles étoient intérieurement viciées par quelque principe fecret & impercepti

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