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s'en mêlent & pour la société; pour eux-mêmes, parce qu'en fe mettant fouvent à la place des hommes vicieux, dont ils veulent exprimer les fentimens, ils contractent à la fin les moeurs vicieuses, dont ils font tous les jours des imitations. Il eft trop à craindre que leur efprit ne fe corrompe à force de s'entretenir des idées qui occupent les hommes corrompus: Pour la fociété, parcequ'ils ne contrac tent que trop fouvent un caractére d'efprit mordant & cauf tique, un penchant pour la Satire qui devient tôt ou tard infupportable à ceux fur lefquels il tombe, & prefque toujours funefte à l'Ecrivain qui s'y livre. On appuye ce raifonnement d'exemples fans nombre & de l'expérience. Un

pere fage, un inftiteur éclairé répriment ce talent dangereux dans un jeune homme. Ils aiment mieux étouffer fon génie au berceau, pour ainfi dire que de le laiffer croitre: c'eft une espece de fléau qu'on cherche à détourner. J'avoue qu'il eftdes monftres dans la fociété, qu'on n'y voit que trop souvent des hommes abufer des meilleures chofes pour en faire l'inftrument de leurs paffions; je conviens encore qu'on ne fçauroit prendre à cet égard des précautions trop fages avec les jeunes gens, dans lesquels on voit briller les premieres étincelles du feu Poëtique; qu'un talent qui ne fe fignale que par des traits empoisonnés eft un glaive dans les mains d'un furieux, dont l'audace doit être

Refle

xions

Tom. I.

pag. 47.

non-feulement en exécration au public, mais encore réprimée par la fageffe & la févérité des loix ; j'ofe même avancer que de toutes les difpofftions d'efprit, l'humeur cauftique eft la plus propre à faire détefter un homme dans la fociété, & par ceux qui l'éprouvent & par ceux qui ne feignent de l'admirer que pour en éviter plus fûrement les atteintes, mais il n'en eft pas moins vrai qu'un art néceffaire & même fimplement utile dans la fo

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critiques ciété n'en doit pas être banni, parce qu'il peut devenir un » art nuifible entre les mains » de ceux qui en abuferoient. » On ne doit profcrire dans un état que les arts fuperflus & dangereux en même tems, & fe contenter de prendre

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des précautions pour empê» cher les arts utiles d'y faire du dommage. Les armes qui fervent à la défense d'un état, à répouffer la violence »d'un aggreffeur injufte font em"ployées par les voleurs & les af"fafins à troubler l'ordre public, » à ménacer & mettre en peril

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la vie des Particuliers; cepen»dant il feroit insensé de bannir »lesArtifans qui les fabriquent, »& d'interdire le commerce de >>la matiere, dont on les forme; mais pour donner un exemple plus jufte,Platon de qui cette "objection eft empruntée, Pla» ton lui-même ne défend pas de cultiver la vigne fur les côteaux de fa Republique quoique les excès du vin fas fent commettre de grands défordres, & quoique les

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attraits de cette liqueur en»gagent fouvent d'en prendre au-delà du befoin. Enfin les excellens Poëtes font auffi rares que les Poëtes médiocres font communs. Si un homme de cette derniere claffe ne peut refifter à la démangeaifon de faire des Vers, ce mépris dont fes Ouvrages font payez, doit bien le guerir de fa folie: que fi ce rémede n'opere pas, & qu'il veuille à la faveur de la Satire exercer fon peu de génie, les affaires fâcheufes qu'il s'attire, les répentirs amers qu'il moiffonne doivent empoifonner la douceur préten duë de fes amufemens, & les lui faire abandonner.

Auffi pour peu qu'un homme tint de la nature une certaine acreté d'humeur, un tem

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