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d'une même tige, c'eft une vérité que la Religion nous oblige de croire que quelques uns d'eux ayent confervé, même après une longue féparation, le fouvenir de ces fortes d'évenemens, qui ne font pas de nature à être oubliés, comme le Déluge, c'eft une autre vérité qu'on ne fçauroit gueres contefter, malgré la maniere différente dont les Peuples les plus éloignés de nous, en ont raconté l'hiftoire à ceux qui

ont découverts; mais vouloir trouver parmi eux des reftes de nos mystéres ; une conformité marquée entre leurs mœurs & celles de nos premiers Patriarches; leur fuppofer une notion, même assez exacte, des Orgyes de Bacchus, des myftéres d'Ifis & d'Ofiris, de la Fable de Jafon & de Medée, &c. c'est un de ces excès où ne manquent gueres de tomber ceux qui, frappés d'abord par quelques traits de vraisemblance, commencent par former un fyftême, qu'ils cherchent enfuite à juftifier par des paralleles forcés.

Le fyftême de ceux qui rapportent les Fables à l'Hiftoire ancienne, mais défigurée par les Poëtes, qui ont été les premiers Hiftoriens; fyftême qui paroît aujourd'hui le plus goûté, & que j'ai fuivi, encouragé par le fuccès de quelques Sçavans du dernier fiécle, qui ont fi heureusement expliqué quelques Fables particulieres, auroit auffi fes inconveniens, fi on vouloit généralement tout rapporter à l'Hiftoire; puisqu'il eft für qu'il y a des Fables qui ne font que de pures allégories, ou à quelque vertu, ou à quelque vice, ou enfin aux productions de la nature; d'autres dont le fond eft hifto rique, quoique pour nous les débiter, on se foit fervi de l'allégorie: comme dans la Fable des enfans de Niobé, qui périrent dans la contagion qui affligea la ville de Thebes, & qu'on dit poëtiquement avoir été tués par Apollon & par Diane, parce qu'on attribuoit les morts fubites & celles que caufost la pefte, à Apollon pour les hommes, & à Diane pour les femmes, ainfi qu'on le voit en cent endroits d'Homere; & cela parce qu'on croyoit que la contagion étoit l'effet des influences du Soleil & de la Lune, marquées par les fléches de ces deux Divinités.

Ce fyftême pris avec ces modifications & quelques autres encore, eft le plus raisonnable, & celui qui fatisfait le mieux

dans les détails: bien entendu qu'on ne doit point entreprendre
d'expliquer toutes les circonfiances de chaque Fable, & que
pour bien réüffir à les expliquer, il faut les prendre dans les
Poëtes les plus anciens, dans Homere, par exemple, & dar-
e fous
Heliode, où elles font beaucoup plus fimples, & anr:
que ce Palémon
plus naturellement les faits aufquels elles fe ranr ve Selden (1), eft le (1) Sint. De
cela quelquefois, fans tous ces ornemens ainfi qu'on peut découvrir Diis Syriis.
dans la fuite, ou pour les rendre pics, & leur tranfport de l'Egypte
qu'elles faifoient partie de la Reus la Grece & l'Italie, & dans d'autres
parce que l'homme aime ri n'y en a peut-être aucun, où l'on n'en
pourrois en rapporter pluf

de celui de Bellerophs s'imaginer cependant que les Peuples que
long dans l'Iliade, nommer, les ayent toutes inventées : l'Afie mi-
gafe, qu'on dit dans fles, la Grece, les Gaules & l'Efpagne, étoient
le donner à ce Her habitées par les defcendans de Japhet, dès les
des Centaures, fele mps, & ces Peuples avoient comme les autres
les repréfente com ir Religion & leurs Fables, lorfque les premieres
lement comme des Egypte & de Phenicie y arriverent; & fi elles
& je crois que cat dans ces differens pays leurs Dieux & leur culte,
la forte.
etournerent en Egypte & en Phenicie, & ceux
Je ne dis pas qu ples que je viens de nommer qui y voyagerent,
de ces anciens Poerent pas à leur tour d'y communiquer la connoif-
pas eu occafion ni Divinités qu'ils honoroient avant que des étrangers
voici comme je l'enhez eux. Hammon & Belus, par exemple, étoient
ce qu'ils n'en emieres Divinités de l'Egypte & de la Phenicie,
près eux : ainfi, par epiter étoit le plus grand des Dieux des Grecs.
Medée, Medus, & nous trouvons dans l'Antiquité la plus reculée
ce n'eft qu'après lui qu
Hammon étoient aufli appellés Jupiter; ce qui
dus étoit pere des Me que l'effet de ce commerce de Religion dont
puifque les Medes, q'es qui recevoient les Divinités étrangeres, fai-
d'un Poëte qui vivoit is leur rendoient, & même dans leurs noms,
fuite des temps de fi grands changemens dans
Quand le même Poëte
mere de Mercure, il
on n'en pouvoit plus reconnoître la véritable
avec elle avoient formés Dieux avoit été apporté par celles qui les
es Colonies qui arrivoient dans les pays, où le
moins de la feptiéme dées, n'y connoiffoient plus rien, ou croyoient
fe cache, difent les Puit des Dieux différens des leurs : ce qui fans
été la feule qui eût é

rapport

viron 750. ans avant Je

arler.

's

ayant été mariées avec des Dieux. Cette Fable phyfique qui nous apprend que depuis long-temps cette étoile s'enfonce dans la profondeur immenfe du ciel, & qui eft rapportée dans Ovide & dans Hygin, n'étoit pas connue fans doute, le Homere ni d'Hefiode.

contefter," régle qu'il faut fuivre lorsqu'on veut adopter le plus éloignés que, c'eft qu'il faut bien fe convaincre que les les ont découverts ;nal assorti, qui ne fut jamais un ouvrage de nos mystéres ; une cont même pays, ni dans un même & celles de nos premiers Patones. J'avois fait cette réfléxion tion, même affez exacte, des O des Métamorphofes d'Ovitéres d'Ifis & d'Ofiris, de la Fable delication des Fables, que c'est un de ces excès où ne manquent pas vû naître toutes, qui, frappés d'abord par quelques trarti; que la Grece & commencent par former un fyftême, qu'il y en avoit d'affez à juftifier par des paralleles forcés. x d'Enée, changés

Le fyftême de ceux qui rapportent fe qu'Ovide a copiée ancienne, mais défigurée par les Poëte on puiffe remonter miers Hiftoriens; fyftême qui paroît aujo

& que j'ai fuivi, encouragé par le fucs que quelquefois on vans du dernier fiécle, qui ont fi he quoiquelle foit fort quelques Fables particulieres, auroit aer à y être trompé, fi on vouloit généralement tout rapproit pas poffible d'en qu'il eft für qu'il y a des Fables quiis qu'on peut avancer allégories, ou à quelque vertu, ou à Fables, font très-proaux productions de la nature; d'autreris naiffance. Lorfque rique, quoique pour nous les débites de l'Orient, comme gorie: comme dans la Fable des erpeut affurer qu'ils tirent rent dans la contagion qui affligea la e. Quand ces noms font dit poëtiquement avoir été tués paes Eliades, des Myrmiparce qu'on attribuoit les morts fut on doit croire que les la pefte, à Apollon pour les homrs, font d'origine Grecfemmes, ainfi qu'on le voit en cent Latins, tels que ceux cela parce qu'on croyoit que la cerenna, on peut penfer influences du Soleil & de la Lune été inventées en Italie. de ces deux Divinités. c'eft qu'on ne trouve

Ce fyftême pris avec ces modi pays Latin, ni les autres encore, eft le plus raïfonnable, &

Mais cette régle a encore fon inconvenient; car fi, parce que les noms de Matuta & de Portumnus font Latins, on vouloit affùrer que leur Fable a pris naiffance en Italie, on fe tromperoit, puifque nous la trouvons dans la Grece fous les noms de Leucothoé & de Palémon, & que ce Palémon lui-même, ainsi que l'a très-bien prouvé Selden (1), eft le (1) Sint. De Melicerte des Pheniciens. C'eft ainfi qu'on peut découvrir Diis Syriis. quelquefois l'origine des Fables, & leur tranfport de l'Egypte

ou de la Phenicie, dans la Grece & l'Italie, & dans d'autres pays encore; car il n'y en a peut-être aucun, où l'on n'en ait trouvé.

Il ne faut pas s'imaginer cependant que les Peuples que je viens de nommer, les ayent toutes inventées : l'Afie mineure, les Ifles, la Grece, les Gaules & l'Efpagne, étoient fans doute habitées par les defcendans de Japhet, dès les premiers temps, & ces Peuples avoient comme les autres Nations leur Religion & leurs Fables, lorfque les premieres Colonies d'Egypte & de Phenicie y arriverent; & fi elles apporterent dans ces differens pays leurs Dieux & leur culte, ceux qui retournerent en Egypte & en Phenicie, & ceux de ces Peuples que je viens de nommer qui y voyagerent, ne manquerent pas à leur tour d'y communiquer la connoiffance des Divinités qu'ils honoroient avant que des étrangers arrivaffent chez eux. Hammon & Belus, par exemple, étoient les deux premieres Divinités de l'Egypte & de la Phenicie, comme Jupiter étoit le plus grand des Dieux des Grecs. Cependant nous trouvons dans l'Antiquité la plus reculée, que Belus & Hammon étoient aufli appellés Jupiter; ce qui ne peut être que l'effet de ce commerce de Religion dont je viens de parler.

Les Peuples qui recevoient les Divinités étrangeres, faifoient dans la fuite des temps de fi grands changemens dans le culte qu'ils leur rendoient, & même dans leurs noms, que fouvent on n'en pouvoit plus reconnoître la véritable origine; & les Colonies qui arrivoient dans les pays, où le culte de leurs Dieux avoit été apporté par celles qui les avoient précédées, n'y connoiffoient plus rien, ou croyoient

(1) Bochart,

Lieurs autres.

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doute a dû porter beaucoup de confulion dans l'ancienne Selden, M.Te Mythologie. Quelques Sçavans des derniers fiécles (1), ont Clerc, Peri- eu affez de fagacité pour éclaircir en partie un article fi effenzonius,& plu- tiel. Ils ont reconnu, par exemple, que le Theutat des Gaulois, l'Hermès des Grecs, & le Mercure des Latins, étoient 、、 les mêmes que Thot ou Thaut des Egyptiens; que le Belenus des Celtes, l'Apollon des Grecs, & le Mythras des Perfes, étoient l'Ofiris & l'Orus de ces mêmes Egyptiens; que Diane & Lucine, étoient Ifis ; & que l'Alilat des Arabes, l'Aftarté des Syriens, & la Venus célefte des Grecs, étoient la Planette que nous appellons la belle étoile ou Vesper. ×× Quelques Sçavans même, parmi lefquels on peut nommer Bochart, le Pere Thomaflin, Cumberland, Voffius, M. Huet, M. Fourmont, & plufieurs autres, ont cru trouver ces ✰✰ anciens Dieux dans les premiers Patriarches; Saturne dans Noé ou dans Abraham; Jupiter, Neptune & Pluton dans Sem, Cham & Japhet, ainfi des autres ; mais cet article mérite encore de nouvelles réfléxions, & peut-être qu'il ne nous fera pas impoffible de trouver dans la fuite de cet ouvrage, la reffemblance, ou plutot l'identité des huit ou des douze grands Dieux, dont parle Herodote, avec les Dieux des Grecs & des autres Peuples.

ARTICLE III.

De quelle maniere on doit fe conduire dans l'explication
des Fables.

AVANT que de finir ces réfléxions, je crois devoir montrer à ceux à qui elles pourront être de quelque utilité, de quelle maniere ils doivent fe conduire dans l'explication des Fables. Pour les bien entendre, il faut d'abord voir par la maniere dont une Fable eft compofée, fi elle préfente l'idée de quelque fait hiftorique, ou fi elle ne fait qu'allufion à quelque effet de la nature, ou à quelque vertu ; & fouvent la plus fimple réfléxion fuffit pour en pénétrer le mystére. Lorsque la Fable paroît hiftorique, il faut en écarter le furnaturel qui l'accompagne un Poëte qui a des événemens à décrire, ne les

raconte

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