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du Dragon de Cadmus. Cependant comme ils vouloient paffer pour anciens, ainfi que la plupart des autres peuples, ils fe forgeoient une Hiftoire fabuleufe, des Rois imaginaires, des Dieux, & des Heros qui ne furent jamais : & lors qu'ils vouloient parler des premiers temps dont il avoient reçû quelque connoiffance des Colories qui étoient venues s'établir dans leur pays, ils ne faifoient que fubftituer des Fables à la verité. S'il étoit queftion de la création du monde, ils debitoient celle du Cahos s'agiffoit il des premiers inventeurs des Arts, au lieu d'Adam & de Cain, qui ont les premiers cultivé la terre, ils en donnoient tout l'honneur à Cerès & à Triptoléme. Pan, felon eux, au lieu d'Abel, étoit le premier qui avoit mené la vie pastorale: Apollon étoit l'inven-teur de la Mufique, qu'on doit attribuer à Jubal: Vulcain avec fes Cyclopes, paffa pour celui qui avoit appris à forger de fer & les métaux, au lieu de Tubulcaïn : Bacchus fut -chez eux le Dieu de la Vigne, que Noé cultiva: substituant ainfi à tous propos leurs Divinités modernes, à la place des anciens Patriarches, que l'Ecriture Sainte nous apprend avoir été les premiers & les veritables inventeurs des Arts. Ils étoient de vrais enfans, comme le leur reproche Ariftote, lors qu'il s'agiffoit de parler des temps éloignés. Ils avoient même la folie de croire que c'étoient leurs colonies qui avoient peuplé tous les autres pays, & ils tiroient les noms des differents pays qu'ils connoiffoient, de ceux de leurs Heros. Ainfi l'Europe prenoit le fien d'Europe, foeur de Cadmus; l'Afie, de la mere de Promethée; la Libye, de la fille d'Epaphe; l'Arménie, d'Arménus; la Medie, de Medus; las Perfes, de Perfée; ainfi des autres, ne fçachant pas que les premiers noms étoient donnés aux lieux où l'on venoit habiter, conformément aux qualités du pays, ou aux mœurs & coûtumes de ceux qui y arrivoient, comme le prouve le fçavant Bochart (1) Ainfi l'Europe, prit ceinom de la blan- (1) Dans for cheur de fes habitans; les Celtes furent ainfi nommés à caufe de leur cheveux blonds; les Latins, parce qu'ils étoient adonnés à la magie; les Leftrigons, à caufe de leur ferocité ; les Cretois, par leur adreffe à tirer de l'Arc; les Thra

Chan,

d'animaux qu'on trouvoit dans un pays, lui faifoit donner un nom qui y faifoit allusion. Ainfi l'Espagne prit le fien des lapins dont elle étoit remplie ; l'Ile de Rhodes, des ferpens; la ville de Lyon, des corbeaux ; l'Ile d'Icare, des poiffons quelquefois auffi ces noms provenoient des bois & des forêts dont un pays étoit couvert, comme les Pyrenées; ou des pâturages, comme le Parnaffe: enfin des fruits qu'on y trouvoit, comme Saïs en Egypte, des oliviers qui y venoient en abondance: : le Portugal, de fon grand nombre d'amandiers; ou quelque fois des Volcans qui fortoient des montagnes, comme le Mont - Etna; ainsi des

autres.

Les moindres équivoques donnoient lieu à une Fable. Plutarque dans la vie de Licurgue, dit fur la foi d'un Ancien, qu'Apollon ayant donné à quelques Cretois un Dauphin pour conducteur, ils allerent dans la Phocide, où ils bâtirent la ville de Cyrrha on voit bien qu'ils y furent conduits fur un Vaiffeau nommé le Dauphin. Ce n'est donc pas parmi les Ecrivains Grecs, qu'il faut chercher l'origine des anciens Peuples, ni des autres monumens de l'Antiquité; ils n'ont fait que copier les Egyptiens & les autres peuples d'Orient, qui eux mêmes avoient rempli de Fables leur an cienne Hiftoire.

Lorfqu'il s'agiffoit de chercher l'origine des Villes & de leurs Fondateurs, c'étoit toûjours quelque Heros, quelque fils de leurs Dieux qui les avoit bâties. La ville de Cyparisse dans la Phocide, étoit environnée de cyprès qui lui avoient fait donner ce nom; & celle de Daulis dans le même Pays, (1) Eufth. étoit entourée d'arbres (1), dont elle avoit pris le fien. Ces fur le deuxié- origines étoient trop fimples, ils aimoient mieux avoir recours à un certain Cypariffus, & au prétendu Tyran Daulis, qui donnerent leur nom à ces deux Villes. Lycoreus avoir bâti celle de Lycorée fur le Parnaffe, qui avoit pris fon nom de la quantité de loups qui y étoient. On pourroit joindre ici un nombre infini d'autres exemples, mais ceux-là fuffifent pour prouver ce que je viens d'avancer.

me Livre de l'Iliade.

C'eft donc dans l'Ecriture Sainte qu'il faut chercher la ve ritable Antiquité : les Hiftoriens profanes ne commencent

qu'au

qu'au temps d'Efdras, c'est-à-dire, du dernier Hiftorien facré, fi vous exceptez l'Auteur des Machabées : Homere même & Heliode, leurs plus anciens Poëtes & leurs plus grands Theologiens, n'ont vécu que long-temps après la guerre de Troye. Pour ce qui regarde Darès Phrygien, Dictys de Crete & quelques autres, quand même ils ne feroient pas des Auteurs fuppofés, comme ils le font en effet, ils n'auroient vécu que vers le temps de la guerre de Troye, époque qui répond au temps des Juges; & feroient toûjours bien pofterieurs aux évenemens dont parle Moyfe. Les Grecs n'étoient donc nullement inftruits des temps un peu reculés, & leur Histoire ne commença à devenir raifonnable, que du temps des Olympiades, avant lequel Varron avoue qu'on n'y voyoit que confufion & que chimere.

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Mais pour bien éclaircir tout ceci, & fçavoir en quel temps les Fables ont pris naiffance, il faut diftinguer trois fortes de temps; les temps inconnus, les temps fabuleux, & les temps hiftoriques (1). Les premiers, qui font comme l'enfance & (1) Aguλor, le berceau du monde, comprennent ce qui s'eft paffé depuis, Voyez le Chaos, ou plutôt depuis la création, jusqu'au Déluge d'O- Cenforin. gygès, arrivé vers l'an 1800. avant J. C. Les temps fabuleux renferment ceux qui fe font écoulés depuis ce Deluge, jufqu'à la premiere Olympiade, où commencent les temps hiftoriques. Il eft bon de remarquer que cette celebre divifion de Varrou, ne regarde que l'Hiftoire Grecque; car non-feulement les Ifraëlites, mais les Egyptiens même & les Pheniciens, avoient connoiffance des temps les plus reculés, par la Tradition & par des Annales, quoique fouvent mêlées de Fables; mais il ne s'agit ici que des Grecs, qui n'avoient qu'une connoiffance très-confufe des premiers fiecles du monde; & c'eft dans l'efpace du fecond intervalle qu'on doit placer l'origine de ce nombre_prodigieux de Fables qu'on trouve repandues dans leurs Poëtes. Il faut avouer cependant, que tous les fiecles des temps fabuleux, n'ont pas été également feconds en Fables & en Heroïfme: celui fans doute d'où nous en eft venu la plus grande quantité, a été celui de la prife de Troye.

Cette celebre Ville fut prise deux fois ; la premiere fois

d'animaux qu'on trouvoit dans un pays, lui faifoit donner un nom qui y faifoit allusion. Ainfi TEspagne prit le fien des lapins dont elle étoit remplie ; l'Ile de Rhodes, des ferpens; la ville de Lyon, des corbeaux ; l'Ifle d'Icare, des poiffons quelquefois auffi ces noms provenoient des bois & des forêts dont un pays étoit couvert, comme les Pyrenées; ou des pâturages, comme le Parnaffe: enfin des fruits qu'on y trouvoit, comme Saïs en Egypte, des oliviers qui y venoient en abondance: : le Portugal, de fon grand nombre d'amandiers; ou quelque fois des Volcans qui fortoient des montagnes, comme le Mont - Etna; ainfi des

autres.

Les moindres équivoques donnoient lieu à une Fable. Plutarque dans la vie de Licurgue, dit fur la foi d'un Ancien, qu'Apollon ayant donné à quelques Cretois un Dauphin pour conducteur, ils allerent dans la Phocide, où ils bâtirent la ville de Cyrrha on voit bien qu'ils y furent con duits fur un Vaiffeau nommé le Dauphin. Ce n'eft donc pas parmi les Ecrivains Grecs, qu'il faut chercher l'origine des anciens Peuples, ni des autres monumens de l'Antiquité; ils n'ont fait que copier les Egyptiens & les autres peuples d'Orient, qui eux mêmes avoient rempli de Fables leur ancienne Hiftoire.

Lorfqu'il s'agiffoit de chercher l'origine des Villes & de leurs Fondateurs, c'étoit toûjours quelque Heros, quelque fils de leurs Dieux qui les avoit bâties. La ville de Cypariffe dans la Phocide, étoit environnée de cyprès qui lui avoient fait donner ce nom; & celle de Daulis dans le même Pays, (1) Eufth. étoit entourée d'arbres (1), dont elle avoit pris le fien. Ces fur le deuxié- origines étoient trop fimples, ils aimoient mieux avoir recours à un certain Cypariffus, & au prétendu Tyran Daulis, qui donnerent leur nom à ces deux Villes. Lycoreus avoit bâti celle de Lycorée fur le Parnaffe, qui avoit pris fon nom de la quantité de loups qui y étoient. On pourroit joindre ici un nombre infini d'autres exemples, mais ceux-là suffisent pour prouver ce que je viens d'avancer.

me Livre de l'Iliade.

C'est donc dans l'Ecriture Sainte qu'il faut chercher la ve ritable Antiquité les Hiftoriens profanes ne commencent

qu'au

qu'au temps d'Efdras, c'est-à-dire, du dernier Hiftorien facré, fi vous exceptez l'Auteur des Machabées : Homere même & Hefiode, leurs plus anciens Poëtes & leurs plus grands Theologiens, n'ont vécu que long-temps après la guerre de Troye. Pour ce qui regarde Darès Phrygien, Dictys de Crete & quelques autres, quand même ils ne feroient pas des Auteurs fuppofés, comme ils le font en effet, ils n'auroient vécu que vers le temps de la guerre de Troye, époque qui répond au temps des Juges; & feroient toûjours bien pofterieurs aux évenemens dont parle Moyfe. Les Grecs n'étoient donc nullement inftruits des temps un peu reculés, & leur Histoire ne commença à devenir raifonnable, que du temps des Olympiades, avant lequel Varron avoue qu'on n'y voyoit que confusion & que chimere.

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Mais pour bien éclaircir tout ceci, & fçavoir en quel temps les Fables ont pris naissance, il faut diftinguer trois fortes de temps; les temps inconnus, les temps fabuleux, & les temps hiftoriques (1). Les premiers, qui font comme l'enfance & (1) Aguλor, le berceau du monde, comprennent ce qui s'eft paffé depuis, Voyez le Chaos, ou plutôt depuis la création, jufqu'au Déluge d'O- Cenforin. gygès, arrivé vers l'an 1800. avant J. C. Les temps fabuleux renferment ceux qui fe font écoulés depuis ce Deluge, jufqu'à la premiere Olympiade, où commencent les temps hiftoriques. Il eft bon de remarquer que cette celebre divifion de Varrou, ne regarde que l'Hiftoire Grecque; car non-feulement les Ifraëlites, mais les Egyptiens même & les Pheniciens, avoient connoiffance des temps les plus reculés, par la Tradition & par des Annales, quoique fouvent mêlées de Fables; mais il ne s'agit ici que des Grecs, qui n'avoient qu'une connoiffance très-confufe des premiers fiecles du monde; & c'est dans l'espace du second intervalle qu'on doit placer l'origine de ce nombre_prodigieux de Fables, qu'on trouve repanduës dans leurs Poëtes. Il faut avouer, cependant, que tous les fiecles des temps fabuleux, n'ont pas été également feconds en Fables & en Heroïfme: celui fans doute d'où nous en eft venu la plus grande quantité, a été celui de la prife de Troye.

Cette celebre Ville fut prife deux fois ; la premiere fois

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