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rtant, quoiqu'on en dife, les premiers dépofitaires des Traditions anciennes de la Grece & fes. premiers Hiftoriens, puifqu'on ne commença que fort tard à y écrire en Profe.

Aux Poëtes & aux Hiftoriens j'ai quelquefois joint les Medailles & les Infcriptions, parce que ace font autant de Monumens qui attestent l'ancienne Tradition.

A l'égard des Modernes qui ont travaillé fur cette matiere, je me contente de rapporter leur fentiment en general, & celles de leurs preuves qui m'ont paru les plus concluantes. Lorfqu'ils ont fait des Differtations particulieres fur ces mêmes fujets, j'en prends la fubftance, & je renvoye aux Differtations mêmes, ceux qui pourroient avoir la curiofité de les lire.

Je ne crois pas, au refte, que j'aie à me reprocher de m'être fervi des découvertes des autres, fans leur rendre du moins la juftice de les nommer. Le crime de Plagiat m'a toûjours paru un crime odieux : & qui feroit plus Plagiaire que moi, fi je n'avois indiqué avec foin les fources où j'ai puisé, & où doit néceffairement puifer tout Auteur qui donne un Ouvrage femblable au mien? Ouvrage, qui à la verité fait moins d'honneur qu'un Syftéme nouveau; mais qui en même temps eft prefque toûjours plus utile au Public. Ceux qui fe donneront la peine de lire le premier Chapitre de cette Mythologie, qui eft une fuite de cette Préface verront à combien de fuppofitions gratuites se sont

expofés ceux qui ont voulu ramener les Fables à un Syftéme general. Car enfin fi chaque Peuple a eu fes fictions, elles font plûtôt le fruit de l'efprit de l'Homme toûjours porté pour le merveilleux, que la fuite d'un projet concerté.

Mon dessein dans cet Ouvrage est de prouver que malgré tous les ornemens qui accompagnent les Fables, il n'est pas difficile de voir qu'elles renferment une partie de l'Histoire des premiers temps, & que l'Allegorie & la Morale n'ont pas été le premier objet de ceux qui les ont inventées; & bien loin d'avoir changé de fentiment, je m'y fuis encore confirmé par de nouvelles études. Ce n'eft pas qu'il n'y ait quelques fictions particulieres où l'on chercheroit vainement quelques traits d'Hiftoire (*); Voy mais en general elles y ont prefque toutes quelque rapport, ou fe trouvent liées à des évenemens qu'autorife tout ce que l'Antiquité a de plus refpectable.

Autrefois les Mythologues croyoient avoir penetré le fens d'une Fable, lorfqu'ils avoient fçu en tirer quelque allegorie ou quelque moralité; & c'est à quoi fe réduifent prefque toutes leurs explications. Aujourd'hui les Sçavans, perfuadés que les Fables cachent fous d'ingenieufes enveloppes l'Hiftoire des temps qui fuivirent le Deluge, fe font appliqués à lever le voile myfterieux qui deroboit

à des yeux peu clair voyants les verités qu'elles ren

ferment. Il eft des temps favorables à certaines opinions, & celle de la verité des Fables a telle

(*)

le 1. Chap.

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ment pris le deffus, qu'il faut deformais renoncer de bonne grace à y trouver aucun fens raifonnable, ou les rapporter à l'Hiftoire.

Cependant on peut former contre cette opinion une difficulté qui d'abord paroît très-folide. Comment ramener à l'Hiftoire ce que les Grecs, par exemple, difent de leurs Dieux, puisque ces Dieux vivoient dans les temps qu'ils appellent eux-mêmes, inconnus? Quelle Hiftoire peut-on tirer d'un temps inconnu, & qui ne le feroit plus fi on en avoit quelque connoiffance?

Pour être mieux au fait de cette difficulté, il faut fe rappeller la celebre divifion de Varron, qui partageoit les temps, en temps inconnus, en temps fabuleux, & en temps hiftoriques. Les premiers renfermoient tout ce qui étoit arrivé dans le monde jusqu'à Ogygès; & c'étoit dans cet intervalle qu'avoient vêcu les Dieux. Les feconds s'étendoient depuis Ogygès jufqu'au retablissement des Olympiades; & c'étoit dans ce fecond efpace qu'avoient paru les Heros & les demi-Dieux. Enfin aux Olympiades commençoient les temps historiques.

Pour répondre à cette difficulté je dis, 10. que sette divifion ne regardoit que les Grecs; car ces temps qu'ils appelloient inconnus, ne l'étoient pas pour l'Afie ni pour l'Egypte, où il y avoit de puiffantes Monarchies, & un Syftéme de Religion établi dès les fiécles les plus reculés. Les Grecs n'étoient pas encore, ou du moins c'étoit un Peuple groffier, & vagabond, fans Loix, fans politeffe,

& prefque fans Religion, dans le temps que les Peuples d'Orient jouiffoient de tous les avantages que procurent les Arts & les Sciences.

20. Pour que cette objection eût quelque force, il faudroit que ces Dieux, dont on entreprend de donner l'Histoire, fuffent Grecs d'origine; car on pourroit dire alors que les Grecs, qui ne fçavoient rien de certain des temps où ils pretendoient qu'ils avoient vécu, ne pouvoient pas en avoir tranfmis l'Histoire à la pofterité: mais ces Dieux leur étoient étrangers. Les Colonies qui vinrent en differens temps d'Egypte & de Phenicie s'établir dans la Grece, y porterent la Religion & les Dieux de leur Pays. C'eft une verité qu'on ne fçauroit nier, & Herodote, inftruit de la Religion des Egyptiens par leurs Prêtres mêmes, le dit pofitivement. Les Dieux des Grecs étoient donc originaires d'Egypte & de Phenicie, & avoient été l'objet d'un Culte religieux. dans ces deux Pays, long-temps avant que les Colonies dont je parle, fufsent arrivées dans la Grece. Les Pheniciens & les Egyptiens, qui avoient cultivé depuis les premiers Siécles les Arts & les Sciences, avoient écrit l'Hiftoire de leur Religion, & rien n'eft plus celebre dans l'Antiquité que les Livres que Mercure Trismegifte avoit compofés fur cette matiere. Il eft vray que la Langue dans laquelle ils étoient écrits, étoit une Langue facrée, & qui n'étoit entendue que des Prêtres ; mais ne peut-on pas fuppofer que les Chefs des Colonies qui allerent. chercher des établissemens dans les Illes de la Me

diterranée, de l'Archipel, & dans la Grece, emmenerent avec eux quelques-uns de ces Prêtres pour avoir foin des chofes qui concernoient la Religion; & que ces Prêtres en inftruifirent les Grecs, lorfqu'ils reçurent le Culte des Dieux que ces Etrangers étoient venus établir dans leur Pays?

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On ne niera pas cette fuppofition, puifqu'on convient qu'Inachus, qui conduifit dans la Grece la premiere Colonie, y communiqua l'ufage de cette Langue facrée, c'est-à-dire, les Hieroglyphes qui fervoient à l'exprimer. Long-temps même avant l'arrivée de cette Colonie, les Egyptiens avoient commencé à inftruire les Grecs fur les matieres de la Religion. << Les Pelafges qu'on doit mettre au nom>> bre des plus anciens Habitans de la Grece, hono>> roient, dit Herodote, des Dieux dont ils n'avoient » aucune connoiffance, leur offrant en general leurs » Prieres & leurs Sacrifices. Comme ils voulurent en» fin fçavoir leurs noms, ils confulterent l'Oracle de Dodone, le feul qui fût alors dans la Grece, où » ils les apprirent des Etrangers qui le deffervoient. Or l'Oracle de Dodone, felon le même Auteur avoit été établi par une femme Egyptienne, & ces Etrangers qui inftruifirent les Pelafges, ne pouvoient être que des Egyptiens.

Mais quand même quelques-uns des Dieux auroient tiré leur origine de la Grece, ou qu'ils l'auroient conquife, comme Jupiter & les Princes Titans; & qu'à l'occafion de cette Conquête on auroit fait leur Apotheofe dans des temps où les Grecs igno

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