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entierement addonné à l'aftronomie & à la connoiffance de la sphere, on publia que cette montagne foutenoit le ciel. Helperus fut celui de ses fils qui fe diftingua le plus par fa pieté & par fes autres vertus; mais un jour qu'il étoit monté fur l'Atlas étudier le ciel, il fut enlevé dans un nuage, & on ne manqua pas de le placer dans l'étoile qui porte fon nom, & de lui decerner les honneurs qu'on rend aux autres Dieux.

pour

Atlas avoit eu fept filles qu'on nomma les Atlantides, fçavoir, Maia, Electre, Taygete, Afterope, Merope, Halcyone & Celéno. Elles furent toutes mariées à des Heros ou à des Dieux; & comme plufieurs Peuples fe vantoient d'en tirer leur origine, on les plaça après leur mort dans le ciel, où elles forment la conftellation des Pleiades.

Les Atlantides ne faifoient pas le même éloge de Saturne, qui partagea l'Empire avec fon frere Atlas: il étoit cruel, & d'une extrème avarice. Ce Prince ayant époufé Rhea fa fœur, en eut Jupiter, qui fut furnommé Olympien. Ils reconnoiffoient à la verité un autre Jupiter, frere d'Uranus & Roi de Crete, mais beaucoup moins celebre que fon neveu, qui après avoir fait la conquête du monde, & avoir comblé les hommes de fes bienfaits, devint le plus grand de tous les Dieux.

Telle eft, felon Diodore de Sicile, la Theogonie des 'Atlantides, qui est assez semblable à celle des Grecs; fans qu'on puiffe fçavoir fi ceux-ci l'ont reçue de ces Peuples d'Afrique, ou fi eux-mêmes l'ont apprife des Grecs. Je n'ajouterai au recit de cet Hiftorien que peu de remarques, parce que j'expliquerai au long toute cette Mythologie, dans l'Hiftoire des Dieux de la Grece (1). J'obferve donc qu'il eft furpre- (1) Tom. II. nant, 1°. que Diodore ne faffe aucune mention de Neptune, dont la connoiffance & le culte pafferent, felon Herodote (2), (2) Liv. 2. dans la Grece, de la Libye où il étoit connu & adoré de temps immemorial. 2°. Qu'il ne parle pas non plus de Minerve Tritonienne, que les Anciens croyoient être née fur les bords du Lac Triton en Afrique, & qui devoit aussi être connue des Atlantides. Enfin je remarque en troifiéme lieu qu'il paroît par tout ce qu'on vient de rapporter, que le

culte des Aftres, & en particulier du Soleil & de la Lune, à été la premiere & la plus ancienne Religion de ces Peuples, comme de tous les autres.

L

ros,

CHAPITRE V.

La Theogonie des Grecs.

A Grece n'eut jamais qu'une idée très-confuse de l'Hif toire de fa Religion. Devouée fans referve, fur un article fi important, à fes anciens Poëtes, elle les regardoit comme fes premiers Theologiens; & cependant ces Poëtes, (1) L. 10. ainsi que le remarque judicieufement Strabon (1), foit par l'ignorance de l'antiquité, foit par flatterie pour les Princes Grecs, avoient ajufté en leur faveur toutes les Genéalogies de leurs Dieux, pour faire croire qu'ils en defcendoient. Auffi quand il s'agit dans leurs ouvrages de quelqu'un de leurs Heil ne faut gueres remonter pour trouver à la tête de leurs Genéalogies, Hercule, Jupiter, ou quelque autre Dieu. La folle pretention de vouloir paffer pour très-anciens, eft remarquable dans prefque tous les Peuples; & les Grecs en ont été les plus entêtés. Ainfi nous voyons avec furprise qu'eux, qui ne pouvoient ignorer qu'ils avoient reçu plufieurs colonies d'Egypte & de Phenicie, & que ces colonies leur avoient apporté leurs Dieux, & les ceremonies du culte qu'on devoit leur rendre, ont toujours prétendu que ces mêmes Dieux étoient originaires, ou de la Grece, où de la Thrace, ou de la Phrygie; car c'eft là où fe reduit tout le fyftême de leurs XxxPoëtes. Deux mots d'Herodote, qui dit que les Dieux des Grecs venoient de l'Egypte, font preférables à tout ce que leurs Poëtes ont debité fur ce fujet.

Quoiqu'il en foit, rapportons leur Theogonie. C'eft d'Or phée & d'Heliode que nous la tirerons; car il eft visible que les autres Poëtes qui les ont fuivis, n'ont fait que les copier. Il est vrai qu'il ne nous refte aucun ouvrage d'Orphée; mais on peut puifer fes fentimens, 1o. dans les Philofophes Pytha goriciens qui renouvellerent fa doctrine; 2°, dans un Manuf

Ouvr. furSan

(2) Syft. intell.

crit de Damafcius, intitulé meix, cité par Cumberland(1), (1) Dans fon & par Cudword (2); 3°. dans l'Abregé de la Cofmogonie choniathon p. Orphique, fait par Timothée le Chronographe. C'eft de ces 180. fources que nous deduirons le fyftême de cet ancien Poëte. On parle bien diverfement de la Theologie d'Orphée. Comme il a été le premier qui a introduit parmi les Grecs les rites religieux du Paganisme, on l'a accufé d'avoir inventé les noms des Dieux, & forgé leurs Genéalogies; en quoi ajoûte-t-on, il a été imité par Homere & par Hefiode. Damascius même dans le MS. que je viens de citer, dit qu'il reprefentoit un des principes du monde, fous la figure d'un Dragon, avec une tête de Taureau & une de Lion (3), avec la (3) V. Cumface d'un Dieu au milieu, & des ailes dorées à fes épaules. berl. p. 128. Cependant malgré cette extravagante affertion, on le regardoit comme un profond Philofophe, & comme un homme infpiré; & par le fecours de l'Allegorie on trouvoit dans cette bizarre imagination, les myfteres les plus fublimes. Quoiqu'il paroiffe par ce que les Anciens ont cité de ce Poëte, qu'on doit le regarder comme l'Apotre du Polythéifme, cependant plufieurs fçavans hommes font perfuadés qu'il reconnoiffoit un Dieu fuprême & incréé, comme auteur de toutes chofes; & ils fondent leur prétention, non feulement fur la grande estime qu'avoient conçu de lui les Sectes des Philofophes qui se piquoient le plus de Religion; fçavoir, les Pythagoriciens & les Platoniciens, mais auffi parcequ'il y a bien de l'apparence que c'eft dans fes Ecrits que ces deux Sectes ont puisé leurs idées Philofophiques & Theologiques. Cette opinion avantageufe d'Orphée fera encore mieux fondée, fi on ajoûte foi à l'Abregé de Timothée; car cet Auteur nous apprend que cet ancien Poëte, en racontant la generation des Dieux, la création du monde, & la formation de l'homme, n'avoit rien avancé d'auffi extravagant, que ce que quelques Auteurs lui ont reproché. Suivant cet Abregé, la Theogonie d'Orphée revient à peu près à ceci.

Au commencement Dieu forma l'Æther, ou les Cieux, & de chaque côté de l'Ether étoit le Chaos, & la nuit qui couvroit tout ce qui étoit fous l'Ether; voulant fignifier par là, que la nuit étoit avant la création; que la terre étoit invifi

ble à cause de l'obscurité qui la couvroit; mais que la lu miere perçant à travers de l'Æther avoit éclairé tout le monde. C'eft cette lumiere qu'il appelle le plus ancien de tous les Etres, auquel un Oracle avoit donné les noms de Confeil, de Lumiere, de Source de vie. Timothée ajoûte que felon la doctrine d'Orphée, c'étoit par le pouvoir de cet Etre, qu'avoient été produits tous les autres Etres immateriels, auffi bien que le Soleil, la Lune, &c. Que le genre humain avoit été formé de la terre par la même Divinité, & l'homme avoit reçu d'elle une ame raisonnable. Enfin le même auteur affùre qu'Orphée avoit publié un autre ouvrage, dans lequel il enfeignoit que toutes chofes avoient été produites par un feul Dieu, qui avoit trois noms, & que ce Dieu

que

étoit lui-même toutes chofes.

Quoiqu'il en foit; car il eft bien aifé de prêter des idées à un Auteur fi ancien, & dont les écrits étoient peut-être perdus depuis long-temps, lorfque Timothée écrivoit en fa faveur; il eft für que les premiers Peres de l'Eglife ont preferé la Theologie d'Orphée, à celles des autres Payens, & dèslà il y a apparence que fi cet ancien Poëte a introduit le Polythéifme, il l'a fait plutôt pour se prêter à la groffiereté de ceux qu'il vouloit civilifer, que parce qu'il en étoit convaincu. Mais ce qu'il y a de plus particulier à obferver fur la doctrine de cet ancien Poëte, c'eft qu'il eft le premier qui ait enfeigné aux Grecs la doctrine de l'oeuf primitif, d'où forti(1) Plut. in rent tous les autres êtres (1); opinion très ancienne, qu'il Symp. Ma- avoit apprife fans doute des Egyptiens, lefquels, ainsi que plufieurs autres Peuples, repréfentoient le monde par ce fymbole. Les Pheniciens donnoient à leurs Sophafemim, la forme d'un œuf, & fe fervoient de cette repréfentation dans leurs Orgies. Le même fymbole étoit employé par les Chaldéens, les Perfans, les Indiens, & les Chinois même ; & il y a bien de l'apparence que telle a été la premiere opinion de tous ceux qui ont entrepris d'expliquer la formation de

crob. Sat. L. 7. C. 16.

l'univers.

Les Orphiques, c'eft-à-dire, les myfteres établis par Orphée, du moins entendus fuivant le fyfteme de Proclus, Philofophe Platonicien, forment auffi une autre efpece de

Theogonie.

le

Theogonie. Suivant ces Philofophes, Orphée croyoit que gouvernement du monde n'avoit pas toujours appartenu au même Dieu, & qu'il y en avoit eu fix qui fe l'étoient difputé & arraché fucceffivement. Phanès avoit obtenu ce titre à fon tour; & ce Phanès n'étoit autre que le Bacchus Egyptien, c'eft-à-dire, Ofiris.

Voici maintenant la Theogonie d'Hefiode, dont je vais donner l'Abregé.

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Au commencement étoit le Cahos, enfuite la Terre, puis l'Amour, le plus beau des Dieux immortels. Le Cahos engendra l'Erebe & la Nuit, du mêlange defquels nâquit Æther & le Jour. La Terre forma enfuite le ciel & les étoiles, fejour des Dieux immortels. Elle forma auffi les montagnes, & par fon mariage avec le Ciel, elle produifit l'Ocean, & avec lui Cœus, Creius, Hyperion, Japet, Thea, Rhea Themis, Mnemofyne, Phœbé, Tethys & Saturne. Elle engendra auffi les Cyclopes, Brontès, Steropès & Argès, qui forgerent la foudre dont fut armé Jupiter. Ces Cyclopes reffembloient en tout aux autres Dieux, à cela près, qu'ils n'avoient qu'un œil au milieu du front. Le Ciel & la Terre eurent encore d'autres enfans, les fuperbes Titans, Cottus, Briarée & Gygès, qui avoient cent mains & cinquante têtes. Cependant le Ciel tenoit ses enfans enfermés, & ne leur mettoit pas de voir le jour; ce qui affligeoit fi fort la Terre leur mere, qu'ayant fabriqué une faulx, Saturne s'en faifit,' & s'étant mis en embuscade, furprit le Ciel qui venoit coucher avec la Terre, & lui coupa les parties. Du fang qui fortit de la playe furent formés les Géants, les Furies, & les Nym phes; & ces mêmes parties jettées dans la mer & mêlées avec l'écume de l'eau, donnerent naiffance à la belle Venus, qui alla habiter Cythere. On la nomme Aphrodite, parce qu'elle étoit née de l'écume de la mer; Cyprine, parce que ce fut près de l'Ile de Cypre qu'elle prit naiffance; & Cytherée, parce qu'elle alla d'abord dans L'Ifle de ce nom. L'Amour & Cupidon furent fes compagnons infeparables, & cette Deeffe fit les delices des hommes & des Dieux. Cependant le Ciel étoit toujours en querelle avec les Titans fes enfans, & menaçoit de les punir.

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