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(1) Eneid. L. I.

(2) Ovid: Metam. L. &..

(3) Sthefic. apud Schol. Eurip. in Oreft.

Manet altâ mente repostum

Judicium Paridis, fpreta que injuria forme.

Et rapti Ganimedis honores. (1).

Vantez après cela la Theologie des Poëtes fur la Provi 'dence de leurs Dieux, & le foin qu'ils prennent des évenemens les plus éclatans. Voilà les motifs qui les font agir, felon eux eh! que pouvoit - on apprendre de plus impie? Quel modele de reffentiment & de vengeange pouvoient-ils. donner, aux femmes fur-tout, idolâtres de leur beauté ?

S'il m'étoit permis de parcourir les autres exemples dont les Poëtes font remplis, on verroit que c'eft toujours la vengeance, l'amour, ou quelqu'autre paffion qui fait agir leurs Dieux que le veritable motif des voyages de Jupiter fur la terre, n'étoit que pour fuborner quelque Maitreffe; que pendant que le prétexte étoit de venir reparer les maux que fit le Deluge, ou l'incendie de Phaeton, Califto & Europe: étoient les vrais fujets de fes pelerinages; que fi Diane envoye un Sanglier ravager les champs de Calydon, c'eft qu'Enée l'avoit oubliée dans un facrifice;

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Enfin que Venus jetta dans le défordre les filles de Tyndare par la même raison. (3) Si Niobé voit fes quatorze enfans affaffinés fous fes yeux par des fléches invifibles, c'eft qu'elle a eu la témerité de s'égaler à Latone. Si Cadmus voit sa maison remplie de défordre & de carnage, Acteon fon petit - fils> déchiré par fes chiens, Penthée mis en pieces par les Bacchantes, & lui-même changé en ferpent, c'eft qu'il avoit une foeur & une fille dont la beauté avoit charmé Jupiter, & excité la jaloufie de Junon. Ino pour avoir nourri Bacchus, devient furieufe, ainfi que fon mari Athamas: celui-ci écrase fon fils contre un rocher, & cette malheureufe Reine de Thebes fe précipite dans la mer avec Melicerte. Si Andromede fe voit expofée à la fureur d'un Monftre marin, c'eft parce (3) Metam. que fa mere avoit égalé fa beauté à celle des Neréides.. (3)

Venus pour le venger de Diomede qui l'avoit bleffée au fiége da Troye, jetta fa femme dans la proftitution.

Qu'on ait recours tant qu'on voudra à l'allegorie, que pouvoit-on penfer en voyant Cybele, cette grande mere des Dieux, Lata Deûm partu, centum complexa nepotes, courir après le jeune Athis, faire tant d'avances pour le rendre amoureux, & le punir fi féverement de fon indifférence?

Tels font les fujets de la vengeance des Dieux, felon les Poëtes; & le plus fouvent, ce n'eft pas fur les coupables que tombent de fi horribles châtimens; ou fi cela arrive quelquefois, ce n'eft pas pour les corriger, c'eft pour les rendre plus criminels. Clio reproche à Venus fa trop grande tendreffe pour Adonis; au lieu de profiter d'un avis fi falutaire, la Déeffe s'en venge en la rendant amoureuse d'un jeune homme, dont elle eut Hyacinthe. Cyanippe oublie Bacchus dans un facrifice; celui-ci le fait enyvrer, & il tombe dans un incefte. Les filles de Protus préferent leur beauté à celle de Junon; la Déeffe les rend furieufes, & les jette dans la prostitution. Une des filles de Danaüs étant allée puifer de l'eau pour un sacrifice, se vit attaquée par un Satyre qui vouloit lui faire violence; elle appella Neptune à fon fecours, qui après l'avoir délivrée des pourfuites du Satyre, lui fit la même infulte qu'elle venoit d'éviter : quel fecours!

Voilà ce que nous enfeignent les Poëtes au fujet de la Providence de leurs Dieux, & de leurs vengeances: une Providence inquiéte, troublée: des vengeances horribles pour des fujets fort legers: des châtimens, non pour punir le vice & animer la vertu, ce qui feroit une bonne Theologie; mais exercés exprès pour venger quelque mépris, non fur les coupables, mais fur les innocens; ou fi les coupables eux-mêmes y font enveloppés, ce n'eft que pour en faire des fcelerats. Vous ne verrez pas ces Dieux empreffés à châtier l'impieté ou l'injuftice; ils ne s'acharnent que fur ceux qui les oublient dans quelque facrifice, ou qui comparent leurs cheveux ou leur teint à celui de quelque Déeffe: femblables à ces petits Seineurs de Province, qui fe foucient fort peu que leurs Vaffaux foient des fcelerats & des libertins, pourvû qu'ils ne chaffent point fur leurs terres, & qu'ils faffent de temps en temps

des prefens à leurs femmes. Y avoit-il rien de plus capable d'infpirer l'ambition, & les projets les plus injuftes, que l'Hiftoire de Saturne qui avoit fi maltraité Uranus fon & celle de Jupiter qui en avoit ufé de même à l'égard du fien, & l'avoit détrôné ?

pere,

Ce feroit ici le lieu d'expliquer la Theologie des Poëtes au fujet des mœurs de leurs Dieux; mais je craindrois de faire rougir le Lecteur, au récit des infamies qu'ils en racontent. Quel Dieu que leur Jupiter! Il n'y avoit point fur la terre de chafteté à l'épreuve de fes violences; point de figure de bêtes qu'il n'ait prifes pour féduire tantôt de vertueufes Princeffes, tantôt d'innocentes Bergeres. Tous les autres Dieux avoient les mêmes foibleffes. Arnobe, Lactance, & les autres Peres rapportent de ces Dieux, fuivant les Ecrits de ces Poëtes, mille chofes qui font rougir. (a) Point de crimes, de défordres, d'ordures d'ont ils ne fuffent coupables; & les Poëtes, ces prétendus fublimes Theologiens, font ceux qui ont pris le plus de foin de nous en conferver le fouvenir. Homere, & après lui Ovide, racontent comment le Soleil furprit Mars & Venus en adultere; ce dernier y ajoute des reflexions très-libertines. En un mot, toutes les métamorphofes dont il parle, font plutôt des monumens de la foibleffe des Dieux & de leurs débauches, que de leur providence & de leur pouvoir. Ces confidérations doivent donc porter toute personne raisonnable à fe défaire une bonne fois de cette eftime que font tant de gens de la Theologie des Poëtes; & faire connoître à ceux qui voudront prendre leur défenfe, qu'excepté quelques expreffions vagues qu'ils laiflent échapper fur l'effence immortelle de leurs Dieux, fur leur vigilance, fur cet efprit univerfel qui vivifie toutes chofes, ce qui n'eft point foutenu dans le refte de leurs Ouvrages, tout feur Syftême confifte à nous représenter des Dieux inquiers & intereffés dans leur providence, paffionnés & emportés dans leur vengeance, débauchés & infames dans leurs mœurs. Après tous ces préliminaires, que j'ai cru devoir traiter avec quelque étendue, il eft temps d'entrer dans l'Hiftoire de l'Idolâtrie dont je vais examiner l'origine & les progrès. a) Ils en ufoient ainfi pour confondre les Partifans de l'Idolatrie.

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AVANT PROPO S.

UOIQU'à proprement parler, toute cette Mythologie, du moins ce qui en compofe les deux premiers Volumes, regarde l'Idolâ trié, puifqu'il n'y fera parlé que des Dieux & du culte qu'on leur rendoit; cependant j'ai crû qu'il étoit à propos d'en rechercher dans ce Livre l'origine & le progrès; dy examiner quels furent les premiers Dieux du monde Payen; de nommer la plupart de ces Dieux, de les divifer en differentes claffes, & de parler de leur nature & des rangs qu'ils tenoient dans la Theologie des differens Peuples, qui les adoroient; car il s'en faut bien qu'ils fuffent tous égaux, & que les fonctions qu'on leur attribuoit, fuffent également nobles. Enfin, d'y enfermer tout ce qui regarde l'Idolâtrie en general, Temples, Autels, Sacrifices, Victimes, Fêtes, Supplications, Prêtres, Inftrumens des Sacrifices, Voeux, Oracles, &c. me refervant à donner dans les Livres fuivans, l'Hiftoire particuliere des Dieux, & du Culte qui leur fut rendu.

Il eft neceffaire, avant que d'entrer en matiere, de donner

Idol. c. 3.

Idol

une notion des mots Idolâtrie & Idoles. Le mot Idolâtrie eft grec & compofé de deux autres, qui fignifient culte, & (1) Lib.de. representation, foit en ftatuë, foit de quelques autres manieres. Le terme Eido, comme l'a fort bien remarqué Tertullien (1), est un diminutif de celui d'Edo, qui veut dire image: Ad hoc necessaria eft vocabuli interpretatio, Elde græcè formam fonat; ab eo per diminutionem Eidor deductum, atque apud nos formu(2) Tract. de lam fecit ; igitur ommis formula, vel forma, Idolum se dici expofcit. Cependant le fçavant Rainoldus (2) ne veut pas convenir de cette étymologie, & foutient que le mot Eida, n'eft pas un diminutif de celui d'Eid, qu'il fignifie toutes fortes de formes & de figures, même les plus grandes; en quoi tout le monde fera d'accord avec lui; mais il n'a pas voulu remarquer que le mot Eides fignifie la forme effentielle, interne & veritable d'une chofe, & que celui d'Idole designe la forme externe, ou représentée de cette même chofe, grande ou petite. En un mot, la forme & l'étenduë réelle du corps humain, confiftant dans l'affemblage de fa chair, de fes os & de fa peau, s'appelle Ed; mais la représentation de ce même corps, foit peinte, foit en relief, fe nommoit Eïdway, petite forme, forme fauffe & feulement apparente.

Il y a des Sçavans qui tirent l'étymologie du nom d'Idole 'de deux mots Grecs, dont l'un fignifie image, l'autre douleur, conformément au mot Hebreu Hatfabbim, qui veut dire la même chofe; pour faire comprendre par-là que les Idoles font la fource de la douleur, & en même temps des châtimens, dont Dieu puniffoit ceux qui s'abandonnoient à leur culte.

Cela pofé, par le mot d'Idolâtrie on doit entendre le culte qu'on rendoit aux Statues & autres représentations des Dieux, & par celui d'Idoles, tout ce qui les représentoit.

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