CHAPITRE I. De l'origine du du progrès de l'Idolâtrie. de rapporter des Theogonies de divers Peuples, fuffi- S. Epiphane (1) diftingue les anciennes Religions en quatre. (1) Adv. hx. & le fondateur , eft la reforme des autres , & la bare été reçue de tous les Sçavans. Le P. Petau dit, qu'elle n'a aucun fondement; & à dire vrai, elle est imparfaite , puisqu'elle ne dit rien du Sabisme, Religion des anciens Perses , qui adoroient le feu, ainsi qu'on peut le voir dans le sçavant Ouvrage de (2) De Rell. Thomas Hide (2), & dans Owen (3); dailleurs elle ne renferme vet, Perr. (3) De ortu pas totalement l’Egyptianisme, dont parle l'Ecriture Sainte. & progr. Idol . P. 193 Si l'Idolatrie luge. Au commencement, les hommes ne connoissoient & ne avant le De Tervoient qu'un seul Dieu, Createur , Eternel, Tout-puif sant. Adam sorti immediatement des mains de Dieu, en d'un Etre très-parfait, commença insensiblement Le sçavant Maimonides, dans son Traité sur l'origine de l'Idolâtrie, qu'on trouve traduit en Latin dans l'ouvrage que Vosius a fait sur le même sujet , s'explique ainsi . » La premiere quand les hommes commencerent à étudier le mouvement leur devoir de les honorer. Sur ce fondement, ils com- » des pour les و 5 des sacrifices, & à se profterner devant elles , pour obtenir des faveurs de celui qui les avoit créées; & ce fut là la premiere origine de l'Idolâtrie. Ce n'eft pas qu'ils crussent qu'il n'y avoit point d'autre Dieu que les Astres ; mais ils » étoient persuadés qu'en les adorant, ils accomplissoient la volonté du Createur. Avec le temps certains faux Prophétes s'éleverent, prétendant être envoyés de Dieu, & disant qu'ils avoient des revelations pour faire adorer tel » ou tel Altre, même pour faire offrir des facrifices à toute l'armée des cieux; & ils en firent des figures , qu'ils expo- serent au culte public. Là-dessus on commença à placer leurs représentations dans les Temples, fous les arbres n & sur le fommet des montagnes. On s'assembla en foule pour venir les adorer, & on rapportoit la prosperité dont on jouissoit , au culte qu'on leur rendoit ..... De-là vint , con clud Maimonides, que le nom de Dieu fut entierement s banni de la bouche & du cæur des hommes. » Tertullien, sans parler des autres , qui a cru aussi que l'Idolâtrie avoit commencé avant le Deluge, (1) appuyoit son opinion (1) Liv. de fur le Livre d'Henoc ; mais on a fait voir que cet ouvrage, quoique très-ancien, portoit toutes les marques d'un livre apocriphe. C'est ausli le sentiment de la plậpart des plus sçavans Rabbins; (2) Voyez (2) ils se fondent sur un passage de la Genese (3), où il est dit Idolo. R Jarly, d'Enos, Iste cæpit invocare nomen Domini ; ce qu'une autre &c. version exprime ainsi : Tunc profanatum est in invocando nomine (3) C. 4.7. Domini ; & cette difference vient du mot chalal, qui veut dire également, commencer, & profaner. L'idée que les Livres faints, ainsi que les auteurs profanes, nous donnent des anciens Geants, qu'ils représentent comme des hommes d'une insolence outrée & d'une corruption infinie , confirme assez le sentiment de ces Rabbins : l'entreprise de ces hommes temeraires contre le ciel, ne designe-t'elle pas qu'ils vouloient lui disputer la Souveraineté ? Mais il ne faut pas appuïer davantage sur le temps qui preceda le Deluge ; temps sur lequel Moyse s'est peu étendu , & de ce qu'il en dit, on ne peut rien conclure touchant l'Idolâtrie. Car enfin le passage sur lequel seul on se fonde, est très difficile à entendre , & Tome 1. V Idol. c. 3. Maimon. de ult. ر demanderoit des discussions qui m'éloigneroient trop de mon sujet. On peut consulter la sçavante Dissertation du P. Souciet , & les Reflexions de M. Fourmont, lequel , quoiqu'il convienne qu'on n'en peut rien conclure pour l'Idolâtrie d'avant le Deluge, ne laisse pas pour cela de croire qu'elle commença dans ce temps-là, & en assigne cinq causes , qui ont fubfifté également après Noé : l'admiration ; de-là le culte des Aftres, sur tout du Soleil & de la Lune, objets si frappans, si utiles, & dès-là fi propres à attirer le culte des hommes. La tendresse ; une mere n'a qu'un fils qu'elle cherit, elle le perd, en fait faire une Statue , & cette image devient la Divinité tutelaire de la famille; ainsi qu'on le voit dans le Livre de la Sagesse: cet exemple rapporté dans l'Ecriture , n'est pas le seul qu'on puisse citer. La crainte; tout le monde fçait cet ancien vers , Primus in orbe Deos fecit timor ; & personne n'a jamais mieux connu cette foiblesse des hommes que nos Missionnaires de l'Amerique, qui entendoient dire à tout propos ; si Dieu est bon, il n'a pas besoin de notre culte, les Demons seuls, ou les Genies malfaisants, le meritent, , pour les empêcher de nous nuire. De la même source sont sans doute sortis parmi les Romains les Dieux Averrunci, c'est-à-dire, qui éloignoient' le mal : de-là encore la Déesse Angerona ; la fiévre, les maladies déifiées , & la crainte ellemême, qui devint chez ce Peuple une Divinité. L'esperance; c'est à elle qu'on doit l'origine des Dieux Salutaires, tels qu'Apollon, Esculape, & tant d'autres , sur le secours defquels on fondoit l'esperance de la guerison. Enfin la flatteTie, & il n'est pas necessaire de citer des exemples des Dieux qui lui doivent leur origine. A ces cinq causes on doit en ajouter une sixiéme, la corruption du caur : un cæur corrompu adore fes defauts & ses excès ; ses crimes sont ses premieres Divinités. Un Auteur moderne, persuadé que l’Idolâtrie ne commença qu'après le Deluge, rapporte une cause bien singuliere de son origine ; selon lui , l'athéisme s'étoit répandu dans le monde. Cette disposition d'esprit à l'égard de Dieu , dit i il, eft le souverain crime; car les Athées sont beaucoup plus odieux à la Divinité que les Idolâtres. De plus ce sentiment est plus propre à porter les hommes à cette excessive corruption, dans laquelle le monde tomba avant le Deluge. La connoissance d'un Dieu , continue-t'il, de quelque nature qu'on le conçoive , & le culte de la Divinité est de foi propre à servir de bride aux hommes ; c'est pourquoi l'Idolâtrie n'a pas été inutile au monde pour en arrêter la corruption. Il y a donc apparence que les vices horribles, où tomboient les hommes avant le Deluge, ne venoient que de ce qu'ils ne connoisloient point Dieu, & ne le servoient pas. Je crois même que l'Idola trie & le Polythéisme, après le Deluge, tira son origine » de l'impieté & de l'athéisme qui avoit regné avant. C'estlà l'esprit des hommes: quand ils ont été severement punis pour quelque crime, ils se jettent dans un autre extremité, C'est en effet , dit-il, ce qui arriva aux Juifs : comme ils » furent châtiés très-vigoureusement pour s'être abandonnés à l'Idolâtrie, & avoir négligé la célébration du Sabbat, dere» tour de la Captivité de Babylone ils conçurent tant d'hor, * reur pour les Idoles, qu'ils se porterent plus d'une fois à la revolte, plûtôt que de souffrir que leurs Gouverneurs por- : tassent les Enseignes où étoient peintes les Aigles Romai, » nes; & qu'ils se laisserent battre dans différentes occasions, » pour ne pas violer la celebration du Sabbat. Je conjecture, conclut le même Auteur , qu'il est arrivé quelque chose de semblable aux hommes après le Deluge. Comme ils jugerent que cet horrible châtiment, qui portoit des marques si évidentes de la colere de Dieu , étoit arrivé pour punir l'Atheïsme, ils se jetterent dans l'extrémité oppo sée ; ils adorerent tout ce qui parut meriter leur culte. On convient aisément avec cet Auteur que l'Atheisme est le plus grand de tous les crimes , & que l'Idolâtrie , malgré tout ce que M. Bayle a dit pour détruire cette prétention, peut fournir contre le déreglement des mæurs, un frein que l'Atheisme ne donne pas ; mais où a-t-il pris que les hommes d'avant le Deluge se fussent portés à cet excès d'impieté ? Il devoit du moins en excepter la race choisie , les descens |