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aujourd'hui dans les Indes, fur-tout aux environs de Surate; par les Mages defcendans de ces anciens Perfes, qui felon cet Auteur, ne font nullement Idolâtres, quoiqu'en difent les Mahometans, qui voudroient les attirer à leur Religion; puifqu'il eft vrai, à ce qu'il prétend, qu'ils n'adorent qu'un feul Dieu, premier principe de tous les êtres, & qu'ils n'adreffent qu'à lui leurs voeux & leurs prieres: & s'ils honorent le feu & le foleil, c'eft qu'ils le regardent comme x l'image la plus pure du Créateur, & le Temple où il a établi fon Trône (a).

Mais pour revenir à l'Idolâtrie des deux Principes, Voffius foûtient qu'elle fe repandit en peu de temps dans toute l'Egypte, fi vous en exceptez la Thebaïde, où le culte du vrai Dieu s'étoit confervé; & il prétend que tout ce que les Egyptiens publierent d'Ofiris & de Typhon, & des perfecutions de ce dernier contre fon frere, devoit s'entendre de ces deux Principes, & de leur guerre éternelle : & c'est fans doute ce que cet ancien Peuple, dont la Theologie étoit toute remplie de fymboles, vouloit nous apprendre par la fable myfterieufe, qui difoit qu'Ofiris avoit enfermé dans un xœuf douze figures pyramidales blanches, pour marquer les biens infinis dont il vouloit combler les hommes; mais que Typhon fon frere ayant trouvé le moyen d'ouvrir cet œuf, y avoit introduit fecretement douze autres Pyramides noires, & que par ce moyen le mal fe trouvoit toujours mêlé avec le bien (b).

On peut ajoûter que tout ce que les Philosophes ont dit touchant ce bon & ce mauvais Principe; tout ce que les Perfes ont publié de leurs deux Divinités, Oromase & Ariman; les Chaldéens, de leurs Planetes bienfaifantes ou nuifibles; les Grecs, de leurs Génies ou falutaires ou pernicieux; tout cela, dis-je, tire son origine de cette ancienne Theologie des Egyptiens, enveloppée fous les fables d'Ofiris & de Typhon. Cette opinion, fi nous voulons remonter à fa veritable fource, venoit de la peine qu'on avoit eu de tout temps à accorder comment le mal pouvoit s'être intro

(a) Voyez l'Hiftoire du Culte de Mithras, Liv. 4. C. 6. (b) Voyez l'Hiftoire d'Ofiris, Liv. 4. Chap. I. art. I.

duit dans le monde, qui étoit l'ouvrage d'un Dieu infiniment bon & bien-faifant. Pour ce qui regarde les autres fables qu'on y mêla, elles prenoient fans doute leur origine dans la tradition du combat des bons & des mauvais Anges.

Quoiqu'il en foit, cette opinion fit des progrès infinis. Pythagore alla la puifer en Egypte, pour la répandre enfuite dans toute l'Italie. Le fameux Manès, fans parler des autres progrès de cetre erreur, la repandit dans le Christianismę au quatriéme fiécle, où il eut plufieurs disciples. Saint Au gustin lui-même la fuivit pendant quelque temps, mais en ayant connu le ridicule, il l'a combattit dans la fuite avec tant de fuccès, qu'on la regardoit depuis comme une cause tout-à-fait défefperée, lorfque M. Bayle (a) réfolut de la relever, & de fe rendre l'Avocat des Manichéens; foit, comme il est très-vraisemblable, pour donner de l'exercice aux Theologiens de tous les partis; foit pour faire voir que les causes les plus defefperées, fi elles tombent en de bonnes mains, peuvent fournir de quoi embarraffer les plus beaux efprits; foit pour quelqu'autre raifon qu'on ne veut pas penetrer & s'étant vu attaqué de toutes parts par d'illuftres adverfaires (b), il a employé tous les artifices d'un efprit fin & délicat, pour donner quelque credit à une fi mauvaise caufe. Volfius croit que cette erreur prit naiffance chez les Chaldéens, d'où elle paffa chez les Perfes & les Indiens, & prefque chez tous les Peuples de la terre; ce qui eft vrai, pourvû qu'on ne regarde pas le Manichéifme tel que Manès l'a enfeigné, & qu'on le confidere fous les differentes formes qu'il eut.

De l'Idolâtrie des deux Principes, Voffius paffe à celle des Efprits; & il cherche les caufes qui porterent les hommes à les adorer. Il en trouve deux; la connoiffance qu'on avoit de l'excellence de leur être, & les effets furprenans qu'on croyoit qu'ils produifoient; & fans doute que les Oracles, les Spectres, & les effets magiques ne contribuerent pas peu à faire reconnoître leur puiffance & leur fouveraineté. Leur culte s'établit prefque par-tout, principalement à l'égard des

(a) Voyez dans fon Dictionaire les articles des Manichéens & des Pauliciens.

mauvais Anges, & c'eft fans doute ce que veut dire l'Ecri

ture fainte, quand elle appelle tous les Dieux des Gentils, (1) Di Gen- des Demons (1). On trouve encore cette forte d'Idolâtrie tiumDemonia. dans tous les Pays où l'Evangile n'a pas été reçû, comme

les Relations de tous nos Miffionnaires en font foi. Mais il (2) Art. erit. faut appliquer ici la remarque judicieuse de M. le Clerc (2), qu'on fe trompe fi l'on croit que ces Idolâtres qui adorent deux Etres, l'un bienfaifant, & l'autre mauvais, entendent par-là les bons & les mauvais Anges, comme s'ils fçavoient le fyftême de la chute des uns, & de la fidelité des autres; au lieu qu'ils entendent par les Genies, certaines Puiffances repandues dans le monde, qui y font le bien & le mal.

Au culte des Genies, Voffius joint celui des ames, qui s'établit en plufieurs pays, fi nous en croyons Mela, Herodote, & Tertullien; fur-tout en Afrique où l'on avoit beaucoup de veneration pour celles des grands hommes. Mais comme c'eft ici l'efpece d'Idolâtrie qui a fait dans le monde le plus de progrès, puifque, comme nous le ferons voir, la plupart des Dieux des Payens n'ont été que les grands hommes qui fe font diftingués parmi eux, donnons plus d'étendue à cette penfée, & propofons les conjectures d'un habile homme (a) fur l'origine de cette efpece d'Idolâtrie.

Il croit que deux chofes l'ont introduite dans le monde; la reconnoiffance, & la crainte; ou le culte qu'on rendit aux illuftres morts, & l'appréhenfion des maux qui pouvoient nous arriver. Le refpect qu'on portoit aux Ancêtres fit établir la coûtume des Pompes funebres; l'envie qu'on eut de plaire aux vivans, fit louer avec excès les actions des morts: on chantoit à leurs funerailles des Cantiques, on les élevoit jufqu'au ciel; & comme avant l'introduction de l'Enfer Poëtique & des Champs Elysées, on croyoit que les ames erroient dans les maisons & dans les lieux qu'elles avoient fréquentés pendant leur union avec leur corps, on éleva dans T'endroit le plus refpectable de la maifon des efpeces d'Autels, où l'on gardoit leurs portraits avec refpect, & on y brûloit des pastilles & de l'encens. On établiffoit quelqu'un pour avoir fein du culte qu'on leur rendoit, & c'est là où l'on (a) Le Pere de Tournemine, voyez le Journal de Trevoux, Année 1702.

alloit dans les befoins preffans, pour implorer leur fecours. L'envie de faire durer un miniftere lucratif, faifoit inventer à ces Prêtres des Hiftoires, où ils mêloient beaucoup de furnaturel & des miracles, tantôt pour épouvanter les incrédules, tantôt pour animer les devots. Ces Miniftres compofoient auffi des Romans fur la vie de ces grands Hommes, qu'ils cachoient pendant long-temps, & qu'ils faifoient paffer dans la fuite pour de veritables hiftoires: & quoique les contemporains n'y fuffent pas trompés, ceux qui vinrent longtems après, ne purent apprendre l'Hiftoire de ces grands Hommes que de la bouche de leurs Prêtres; & comme tout ce qu'on voyoit reffentoit la divinité, & qu'à des Chapelles particulieres avoient fuccedé des Temples publics, (a) on s'accoutuma tout de bon à honorer ces premiers hommes comme des Dieux. Il étoit même dangereux de vouloir pénétrer la fource du culte établi ; il penfa en coûter la vie à Efchyle, parce qu'on crut que dans une de fes pieces, il avoit revelé quelque chofe des myfteres de Cerès. Auffi voyoit-on dans les Temples, fur-tout dans ceux d'Ofiris, une ftatue d'Harpocrate tenant un doigt fur fa bouche, pour marquer, comme le dit Varron, qu'il étoit défendu de reveler le myftere de fa vie & de fa mort; & c'eft auffi ce que fignifioient dans le même pays les Sphinx, placés à l'entrée des Temples comme des fymboles du filence.

La feconde caufe de l'Idolâtrie, felon le même Auteur, eft la crainte des maux qui peuvent nous arriver: on s'imaginoit, par exemple, que les Aftres caufoient plufieurs maux par leurs influences on les croyoit animés & immortels, parce qu'on les voyoit fans aucune altération; ainfi on imagina que le moyen le plus sûr pour fe les rendre favorables, étoit de les appaifer lorfqu'on les croyoit irrités ; & dès-lors on commença à fe profterner devant la Lune & le Soleil, & toute la Milice du Ciel, comme le reprochent fi fouvent les Prophétes aux Nations. Ainfi, le dire en deux mots, le pour

(4) Ou plutôt les Tombeaux qu'on leur avoit élevés, étoient fi fuperbes, qu'ils furent dans la fuite regardés comme des Temples, ainfi que le remarque S. Clement d'Alexandrie, Superftitio Templa condere perfuafit, quæ cùm prius hominum fepulchra fuerunt magnificentius condita, Templorum appellatione vocatu funt, &c. & C'est là fans doute une des principales fources de l'Ídolâtrie.

(1) Deut. C..3...

culte religieux fut regle felon les befoins des hommes: les befoins de la focieté, firent naître le culte des hommes illuftres; ceux de la nature donnerent lieu à celui des chofes ina nimées.

Monfieur le Clerc (a) prétend que la plus ancienne efpece 'd'Idolâtrie, eft celle qui rendoit aux Anges un culte religieux. L'opinion où l'on étoit fur leur mediation entre Dieu & les hommes, leur fit rendre par reconnoiffance & par crainte quelques refpects, proportionnés aux biens qu'on croyoit en recevoir. Enfuite on leur rendit un culte fubordonné à celui du premier Etre ; enfin on les adora, & on n'épargna ni encens, ni facrifices pour les appaifer lorfqu'on les crut irrités : Sacrificaverunt Damoniis, & non Deo. (1) Du culte des Anges, fuivant cet Auteur, on paffa à celui des ames des hommes illuftres: enfuite, comme on s'avifa de dire que ces ames féparées des corps, étoient attachées à certains Aftres, & qu'elles les animoient, on en vint enfin à adorer ces Aftres mêmes..

Sans vouloir entrer ici dans la critique de ces différentes opinions, qui ne manquent pas de vraisemblance, j'explique dans le Chapitre fuivant quel eft mon fentiment fur une ma piere fi obfcure.

(a) Index Philolog. ad Hiftor. Philofoph. Orient. in voce Angelus.

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Où l'on prouve que l'Idolatrie a commencé par le culte des Aftres

le

E fuis perfuadé que l'Idolâtrie a commencé par le culte des Aftres, & fur-tout du Soleil. Comme on n'abandonna vrai Dieu, que parce que l'idée d'un Etre purement fpirituel s'étoit effacée dans le cœur des hommes devenus charnels, (a) il n'y a pas d'apparence qu'ils aient pris d'abord pour

(a) Homines inbecillis intellectus non valentes corporalia tranfcendere, non crediderunt aliquid effe ultra naturam fenfibilem, & ideo inter corporalia pofuernnt præeminere & difponere mundum, quæ pulchriora & digniora eo videbantur,& eis impendebant di

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