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mées que d'après la Déeffe Ïfis des Egyptiens, dont le nom veut dire ancienne, & qui étoit parmi ce Peuple le fymbole de la Lune; & voila fans doute les deux premiers objets de l'Idolâtrie, & le fondement de toute la Theologie (1) Voyez payenne (1). Voffius loc. cit. De l'adoration du Soleil & de la Lune, on paffa à celle

(2) De Rel. (3) Hift. des Juifs T. 2. p.

vet. Perf.

5. & fuix.

des autres Aftres, fur-tout des Planetes, dont les influences étoient plus fenfibles; en un mot on adora toute la milice du

ciel.

On nomme Sabifme cette forte d'Idolâtrie qui a pour ob jet de fon culte les Aftres & les Planetes. Les Sçavans ne conviennent pas entre eux de ce qui peut avoir donné lieu à cette dénomination, la chofe eft dans le fond affez inutile; mais ce qu'il eft plus effentiel de fçavoir, c'eft que cette Secte eft la plus ancienne de toutes, comme on n'en fçauroit douter: elle a été la plus generale, & elle dure encore aujourd'hui, principalement en Afie, parmi ceux qu'on appelle Pharfis, Mendaiens, ou les Chrétiens de Saint Jean. Ceux qui croyent que c'eft à Zoroaftre qu'on doit rapporter l'origine de cette forte d'Idolâtrie, fe trompent certainement; car foit que cet homme, fi celebre dans les Ecrits des Anciens, ait vêcu seulement du temps de Darius, fils d'Hyftafpe, comme le prouvent Thomas Hyde (2) & Monfieur Prideaux (3), ou qu'il ait été beaucoup plus ancien, ainsi que paroît le démontrer M. Moyle, (a) on ne peut pas le regarder comme l'auteur de cette Secte, beaucoup plus ancienne que lui, puisqu'elle fubfiftoit du temps d'Abraham, & que la ville de Charan, où ce Patriarche se retira en fortant de Ur, ou de Our de Chaldée, a toujours été regardée comme la Metropole du Sabifme. Je croirois même que ce ne fut pas tant le Sabifme qui fut rétabli par Zoroaftre, que le Magifme, autre Secte très-ancienne, dont le principal dogme étoit l'adoration du feu. Celle-ci tiroit auffi fon origine de Chaldée, & regnoit principalement dans la ville de Our, où avoient demeuré les ancêtres d'Abraham, & qu'il abandonna lui-même dans la fuite. Cette Secte, qu'il faut bien diftinguer du Sabisme

(a) Voyez les Lettres fur ce fujet, dans le T. 6. de l'Hiftoire de M. Prideaux,

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M. Prideaux

quoique l'une & l'autre euffent en partie les mêmes dogmes (1), (1) Voyez dure encore aujourd'hui, fi nous en croyons Thomas Hyde, dans l'endroit parmi les Gaures, ou les Guebres, qui habitent aux ex- que j'ai cité. trêmités méridionales de la Perfe, près des frontieres du Mogol.

pro

Il y a des Sçavans qui croyent que les anciens Philofophes, fur-tout ceux de Chaldée, avoient donné lieu au Sabisme. Il eft vrai en effet, qu'ils raifonnerent beaucoup fur les Aftres, fur leurs influences, & fur leur beauté ; peut-être même qu'ils crurent que c'étoit des êtres éternels, & dès-là autant de Divinités, ou ou que du moins il y avoit des Dieux qui les habitoient, & qui en regloient le cours & les influences. Ils débitoient même, & cette opinion est trèsancienne, que le corps de l'Aftre n'étoit que fa voiture, ou une espece d'efquif qui fervoit à porter les Dieux qui les conduifoient; mais falloit-il tant de raisonnemens à des hommes charnels & groffiers, pour les engager à addreffer leurs premiers vœux à ces corps brillans & lumineux? Ne leur fuffifoit-il pas de tourner leurs yeux vers le Soleil, de voir comment, outre la maniere dont il éclaire le monde, il lui cure la chaleur & la fecondité, pour juger qu'il étoit comme le pere de la Nature, qu'il la vivifioit, & que fans lui elle ne feroit qu'une étenduë fans vie, fans lumiere & fans aucune production, ainfi qu'on l'a déja remarqué? Tous les Peuples qui ont adoré le Soleil, les Mexiquains, les Peruviens & les autres Sauvages du nouveau continent, ont-ils attendu les décifions des Philofophes pour addreffer leurs vœux & leurs prieres à cet Aftre lumineux? Quoiqu'il en foit, le Sabifme doit être regardé comme la plus ancienne Secte du monde payen. Elle a commencé peu de temps après le Deluge, puifqu'elle étoit connue des Ancêtres d'Abraham, de Thare, & de Sarug, & peut-être même avant eux. Elle eft celle qui a fait le plus de progrès: j'ai parlé des differens Peuples qui l'avoient adoptée; & fi on en croit les plus fçavans Rabbins, & les Auteurs Orientaux, elle a infecté prefque le monde entier. Enfin, c'eft de toutes les Sectes celle qui a duré le plus long-temps, puifqu'il y a encore un grand nombre d'Idolâtres qui la fuivent.

L

CHAPITRE IV.

Du Progrès de l'Idolatrie.

ES premiers hommes, quelque temps après leur fepa ration, étoient extrêmement groffiers; & les Grecs qui devinrent fi polis dans la fuite, ne le furent pas moins d'abord, fi nous croyons Diodore de Sicile, que ceux qu'ils s'accoutu merent à appeller barbares. Ainfi, il ne faut pas s'imaginer que dans les commencemens l'Idolâtrie füt un fyftême raisonné; que la Theologie fe trouva alors chargée de cer attirail de ceremonies qu'on y ajoûta dans la fuite. Rien de plus fimple, ni en même temps de plus groffier que la Religion des premiers Idolâtres. On ne faifoit guere de dépenfe ni pour représenter les Dieux, ni pour leur rendre un culte religieux. Paufanias nous apprend que les Atheniens, du temps de Cecrops, n'offroient à Jupiter celefte, que de fimples gâteaux; & comme ils les nommoient Bous, on a cru mal-à- propos qu'ils lui immoloient des boeufs. Les Scythes, felon Saint (1) Orat. ad Clement d'Alexandrie (1), adoroient dans les anciens temps un Cimeterre ; les Arabes, une pierre brute & informe; & parmi les autres Nations on fe contentoit d'élever un tronc d'arbre, ou quelque colonne fans ornement. On nommoit ces Cippes, Zoara, parce qu'on les peloit, s'ils étoient de bois, & qu'on les liffoit un peu, s'ils étoient de pierre. Dans l'Ifle Orcade, l'image de Diane étoit un morceau de bois non travaillé, & à Cytheron la Junon Thefpia, n'étoit qu'un tronc d'arbre coupé; celle de Samos, qu'une fimple planche, ainfi des autres.

Gentes.

Ce qui commenca à donner un grand cours à l'Idolâtrie; & qu'on doit mettre par conféquent parmi les principales caufes de fes progrès, fut l'invention des Arts, fur-tout de la Peinture & de la Sculpture.. Des Statues bienfaites attirerent plus de refpect, & on eut moins de peine à croire que les Dieux qu'elles repréfentoient, y habitoient. Souvent même ces Statues augmentoient le nombre des Dieux, comme

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S. Auguftin le remarque à l'occasion des Mufes, qui origi nairement n'étoient que trois, comme on le dira dans leur histoire ; mais ayant été représentées par trois Sculpteurs dif ferens, leurs Statues parurent fi belles, qu'on les confacra toutes neuf; & on augmenta ainfi le nombre de ces Déeffes. Du culte des Aftres que nous venons de prouver dans le Chapitre précédant avoir été les premiers Dieux du Paganifme, on paffa à celui des autres chofes materielles; furtout du Ciel, des Elemens, des Fleuves & des Montagnes : enfin au culte des Hommes qu'on plaça au rang des Dieux.

J'ai dit les raifons qui porterent les hommes à adorer leurs femblables. La reconnoiffance, l'amour d'une épouse pour un époux cheri, ou d'une mere pour fon fils bien aimé ; la beauté de l'ouvrage d'un Sculpteur, les belles actions, l'invention des Arts neceffaires; tout cela fit honorer la me moire de quelques grands hommes, obligea à garder leurs Portraits, à diftinguer leurs Tombeaux qui devinrent enfin des Temples publics, comme le prouvent Eusebe (1) & (1) Prepar. faint Clement d'Alexandrie: tels étoient les Tombeaux d'A- Evang. L. 2. crife, de Cecrops, d'Erichtonius, d'Ifmarus, de Cleomaque, de Cyniras, & de plufieurs autres. On prouvera plus au long dans un article feparé, par l'autorité des Peres & des Auteurs profanes, que la plupart des Dieux des Payens avoient été des hommes.

Je fçais que l'ordre que je viens de mettre dans le progrès de l'Idolâtrie, ne s'accorde pas avec Sanchoniathon, qui place l'Apotheofe des hommes dans les premiers temps; mais il y a beaucoup d'apparence qu'on ne fe porta pas d'abord à cet excès de folie, & qu'on adora les Aftres, & les differentes parties de l'univers, avant que de rendre aucun culte à fes femblables.

Enfin, fi le progrès de l'Idolâtrie n'eft pas précisément tel que je viens de le décrire, il eft du moins très-vraisemblable que la chofe arriva comme je le dis; car enfin fi l'Auteur que je viens de nommer, dit que Coelus ou Uranus, qui est un des premiers hommes dont il parle, fut mis après fa mort au rang des Dieux, il reconnoît pourtant qu'il y avoit auparavant une autre forte d'Idolâtrie.» Les Pheniciens, dit-il, & les

C. 6

Egyptiens font les plus anciens d'entre les Barbares, & ceux de qui tous les autres Peuples ont enfuite pris la coutume de mettre au nombre des grands Dieux, tous ceux qui avoient inventé des chofes utiles à la vie, & ils » ont appliqué à cet ufage les Temples qui étoient bâtis auparavant.

D

Quoiqu'il en foit, il paroît par cet Auteur que ce fut encore dans la Phenicie & dans l'Egypte que commença cette forte d'Idolâtrie; & il y a apparence que ce fut, pour l'Egypte,

peu de temps après la mort d'Ofiris & d'Ifis. Comme ils (1) Voyez s'étoient diftingués l'un & l'autre par leurs belles actions (1), l'Hift. d'Ofir. qu'ils avoient enfeigné l'Agriculture, & appris à leur Peuple plufieurs autres Arts néceffaires à la vie, on crut ne pouvoir reconnoître les obligations immortelles qu'on leur avoit, qu'en les honorant comme des Divinités. Mais parce qu'on auroit été choqué de voir qu'on rendoit des honneurs divins à des perfonnes qui venoient de mourir, on publia apparemment que leurs ames s'étoient réunies aux Aftres, dont elles étoient forties auparavant pour venir animer leurs corps. On les prit dès-lors pour le Soleil & la Lune, & leur culte fut confondu avec celui de ces deux Aftres, comme je l'ai déjà dit.

Cette coutume de déïfier les hommes, paffa d'Egypte chez les autres Peuples, & nous voyons que les Chaldéens mirent prefque dans le même temps leur Belus au rang des Dieux. Les Syriens, les Pheniciens, les Grecs enfin & les Romains imiterent les Egyptiens & les Chaldéens, & le ciel fe trouva bien-tôt peuplé de mortels déïfiés, comme le remarque Ciceron : ce qui étoit encore vrai dans un autre fens, puifqu'en faifant leurs apothéofes, on publioit que leurs ames étoient attachées à quelques étoiles, qu'elles choififfoient pour leur féjour. Ainfi Andromede, Cephée, Persée, & Caffiopée, compoferent les conftellations qui portent leurs noms; Hippolite, le figne du Chartier ; Efculape, les Serpens; Ganimede, le Verfeau; Phaëton, le Charriot; Caftor & Pollux, les Gemeaux; Erigone & Aftrée, la Vierge; Atergatis, ou plutôt, Venus & Cupidon, les poiffons; ainfi des autres. Cette coutume paffa dans prefque tous les pays,

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