Juif dans un coin du monde, qui conferva l'idée & le culte souvent entraîner au fatal penchant qu'il avoit pour On pourroit opposer à ce que je viens de rapporter des progrès de l'Idolâtrie, que toutes les fausses Divinités des Payens, n'étoient que differens attributs du vrai Dieu; qu'ils ; adoroient, par exemple, la justice dans Themis , fa puissance souveraine dans Jupiter , son éloquence dans Mercure , la sagesse dans Pallas, ainsi des autres; mais ils n'en seroient pas pour cela plus excusables, ayant ainsi distribué & partage Spiritus intus alit , totamque infusa per artus ire per omnes Terrasque, tractusque maris , cælumque profondum (1). C'étoit le sentiment favori des Stoïciens, au rapport de Ciceron (2): chacun donna à cette ame universelle du monde, (2) Quef. le nom de quelque Divinité. Strabon disoit que c'étoit Jupiter; selon Denys d'Halicarnasse, c'étoit Saturne ; Macrobe vouloit que ce fut le Soleil ; Apulée , la Lune: d'autres Pan, ou Junon, ou Minerve ; ou plûtôt selon le sentiment de Zenon (3), c'étoit cette inême ame du monde , qui prenoit tous ces differens noms, suivant les differens rapports Diog Laerce. ; (4) C'étoit Poseidon ou Neptune , parce qu'elle réside dans l'eau ; Vul- ment de Varcain, parce qu'elle habite dans le feu (4). Reconnoître & ron. Voyez S. adorer, comme une Divinité, cette ame universelle , qui Aug. De Civ. est une portion du monde, étendue comme le corps qu'elle Dei. L. 27.C. Tome I. Bb Deum namque (1) Eneid. L. 6. Acad. L.4. ز (3) Voyez aulli le senti 23. anime, c'eft à la verité une espece d'Idolâtrie plus rafinée que celle du peuple ; mais c'eft toujours rendre à une chose materielle les hommages qui ne sont dûs qu'à Dieu ; ou plutót c'étoit un atheisme semblable à celui de Straton, de Pliae, de Spinofa , & de la plupart des Lettres Chinois. Mais après avoir prouvé que l'Idolâtrie n'étoit parvenue que par degrés au point d'absurdité où on vient de la voir , il faut dire en peu de mots de quelle maniere le culte qu'on rendoit aux faux Dieux, monta jusqu'au comble de l'abomination. Comme dans les premiers temps, la plupart des Peuples De connoissoient ni villes ni maisons , & n'habitoient que dans des huttes, ou fous des tentes portatives , & qu'ils erroient dans differens endroits, pour chercher des établissemens solides, il ne leur étoit ni facile ni convenable de construire des Temples & de faire des Idoles ; & c'est ce qui les obligea d'abord à choisir pour l'exercice de leur Religion , les cavernes, les bois, & les montagnes , les Pretres & les Legislateurs ayant regardé ces lieux retirés, comme très-propres à rendre les myfteres de la Religion plus. respectables. Pline s'explique clairement fur cette matiere. Les arbres, dit-il, & les champs furent autrefois les Temples. des Dieux. Arbores fuere Numinum Templa, priscoque ritu fimplicia rura. Voila ce qui donna lieu à la confecration des bois, dont l'usage n'a cessé qu'avec l'Idolâtrie. Il faut remarquer, en premier lieu, que lorsqu'on vint à bâtir des Temples, on n'abolit pas l'usage des bois sacrés , & qu’on en planta souvent autour. Secondement, que ces premiers Temples n'avoient point d'Idoles. L'Architecture fut inventée avant que l'art de faire des figures füt connu.. (1) L. 1. Herodote (1) & Lucien (2) nous l'apprennent des Egyp(2) De Dea tiens & des Scythes. Si nous en croyons Plutarque après (3) Voyez S. Varron (3), les Romains furent 170. ans sans Statues ni Aug. De Civ. Idoles , & même Numa Pompilius les avoit proscrites par une Löy également fage & judicieuse : aussi quand on trouva Syria. L. 4, C 31. qu'on ne veuille dire qu'on les fit brûler comme des Livres . Silius Italicus dit de même, que le nous apprend que de son temps même il y avoit plusieurs Temples fans aucune Statue ; & c'est ce que veut dire l'Auteur du Livre de la Sagesse en parlant des Idoles : Neque enim erant ab initio , neque erunt in perpetuum. Il faut remarquer en troisiéme lieu , qu'avant que l'art de faire des Statues fûr inventé, on rendit un culte religieux à des pierres informes, à des colomnes , & autres choses de cette nature ; c'est ce que nous apprenons de plusieurs Auteurs. Sanchoniathon dit que les plus anciennes Statues n'étoient que des pierres brutes , qu'il appelle Batilia ; & ce mot vient apparemment de Bethel, nom que Jacob donna à la pierre qu'il éleva comme un Autel après son combat avec l’Ange (1). Pausanias parle des Statues d'Hercule & (1) Gen. 28. de Cupidon, qui n'étoient que deux masses de pierre. Ce même Auteur ajoute qu'on voyoit en un même endroit trente pierres quarrées, ausquelles on donnoit les noms d'autant de Divinités. Les Scytiies, au rapport d'Herodote (2), (2) L. 4: adoroient une épée qui représentoit le Dieu Mars. D'autres Peuples, selon Justin , rendoient leur culte à une lance; & c'est de-là qu'est venue la coutume de donner des lances aux Statues des Dieux. Ab origine rerum pro Diis immortalibus haftas coluerunt ; ob cujus Religionis memoriam , adhuc Deorum fimulachris hafte adduntur. L. 43. Le fameux Sceptre d'Agamemnon dont parle Homere , fut adoré par le Peuple de Cheronée, comme un symbole de Jupiter. Enfin Arnobe nous apprend, que les Perses adoroient le feu & les feuves ; les Arabes, une pierre informe ; les Thespiens , un ra meau ; les Cariens, du bois ; ceux de Pessinunte, un caillou; les Romains , la lance de Romulus ; & les Samiens, un puits. Videtis temporibus priscis Persas fluvios coluisse , memoralia ut indicant fèripta ; informem Arabas lapidem , acinacem Scythiæ nationes , ramum pro Cynthia Thespios : lignum Cariis و ܪ Ad Gentes l. 6. pro Diana colebatur ; Pessinuntios silicem pro Deúm matre , pro (1) Arnobę Marte Romanos hastam, puteum Samios pro Junone (1). Lorf que l'art de faire des Statues , dont on donne la gloire à reçu , que le Philosophe Stilpon ayant entrepris de prouver que la Minerve de Phidias n'étoit pas un Dieu , fut deferé à l'Areopage, où il fut obligé, pour , pour se justifier , de chercher une pitoyable défaite, & de dire qu'il avoit avancé que cette Statue n'étoit pas un Dieu, puisque c'étoit une Déesse ; ce qui n'empêcha pas toutefois qu'il ne fût banni. Comme toute Religion demande nécessairement un culte, après avoir traité de l'origine & du progrès de l'Idolâtrie , & des Dieux qu'elle avoit introduits, il eft necessaire de parler du culte qu’on rendoit à ces differentes Divinités ; des Aurels, des Temples, des Prêtres, des Sacrifices, des Victimes, des Instrumens des Sacrifices', des Oracles, des Fê. tes, &c. ce qui fera la matiere d'autant de Chapitres. L Des Temples des Payens , de leur Forme , de leur Ancienneté, &c. 'ANTIQUITE des Temples est aussi incontestable, que le temps auquel on a commencé d'en avoir , eft incerrain. Comme c'est dans la Phenicie & dans l’Egypte que l'Idolâtrie a commencé peu de temps après le Deluge, it n'est que c'est dans ces deux Pays qu'il faut chercher l'origine de tout ce qui concerne le culte des faux Dieux, & l'usage des Temples qui à commencé chez eux. Herodote & Lucien le disent formellement des Egyptiens; pas douteux mais aussiil faut observer en même temps, que le systeme Syria. Въ iij |