CH A P I T R E V I. Des Autels. A à Nantes en Pres avoir traité sommairement de ce qui regarde les Temples, il est necessaire de parler des Aurels. Mais comme nous suivons toujours la même methode , en ne rapportant que ce qu'il y a d'essentiel sur chaque sujet, & que nous renvoyons aux meilleurs Traités ceux qui veulent entrer dans de plus longs détails, nous avertissons d'abord que le P. Berthaud, de l'Oratoire, en a composé un sur les Autels, ( 1) Traft. qui laisse peu de choses à désirer (1); nous allons en donner Bircularis de l'abregé, renvoyant aux Antiquaires pour les figures. , Sans nous arrêter à l'étymologie d'Altare , nom qu'on croit 163.5. in 12. communement avoir été donné aux Autels, parce qu'ils sont élevés, nous dirons avec Servius , que les Anciens mettoient quelque difference entre Altare & Ara : car quoique le dernier fût employé également lorsqu'il étoit question des Dieux du Ciel & de l'Enfer, cependant le mot Altare étoit spécialement consacré pour marquer les Autels des Dieux célestes : Novimus, inquit , aras Diis ese superis & inferis consecratas , (2) Serv. sur altaria verò elle superorum tantùm Deorum (2). Telle étoit la b.s. Eglo de distinction de Servius, quoique d'autres Auteurs en mettent une Virg, autre, & disent , qu'on sacrifioit aux Dieux célestes sur des Autels, & aux Dieux terrestres sur la terre même, & dans des fosses aux Dieux infernaux. Le P. Berthaud ajoute, qu'on immoloit les victimes aux Nymples dans des antres & des cavernes. L'antiquité des Autels n'est pas douteuse : elle a précedé fans doute , comme nous l'avons déja insinué, la construction des Temples, non-seulement parmi les Patriarches, mais aussi chez les Payens. Et comme le culte superstitieux du Paganisme a commencé en Egypte, ainsi que nous l'avons. dit, il y a apparence que c'est dans ce pays que furent conf truits les premiers Autels. C'est aussi le sentiment d'Herodo(3) Var. te, & de Cælius Rhodiginus qui la copié (3). La simplicité Lect. liv.16. ayant toujours fait l'appanage des usages nouvellement in Liv. 8. de l'I- 7 1 ventés, il est clair que les premiers Aurels n'ont été que de Les Autels ne differoient pas moins par le plus ou le moins d'autres al- Livres des inconnus. Mais il étoit encore plus ordinaire d'élever les Autels sur les montagnes , où étoient aussi souvent les Bois sacrés ; & cette coutume d'aller facrifier sur les lieux hauts (1) Dans les étoit si ancienne & fi universelle , que l'Ecriture Sainte (1) la reproche sans cesse aux Israëlites, & blâme même les meilRois. leurs Rois de ne l'avoir pas abolie: attamen excelfa non tulit. Comme les Grecs appelloient l'Autel Bapo's, ils nommoieno Texempo's , un triple Autel. Il y en avoit un de cette forte dans le Temple d'Esculape à Rome, suivant une Inscription rapportée par les Antiquaires. Une autre Inscription qui se trouve dans Fabretti, prouve, selon cet habile homme, que le Tribomos se trouvoit dans plusieurs autres Temples ; & il y a apparence que c'étoient trois Autels adossés l'un contre l'au(2) In Eut. tre destinés à trois Divinités. Herodote dit (2) qu'en Egypte, dans un grand Temple d'Apollon, il y avoit Bapoi rençasioi, ces trois Aurels étoient pour Latone, pour Apollon, & pour Diane. Parini les Autels que le temps nous a conservés, & dont on trouve la représentation dans les Antiquaires , il y en a de simples & sans aucune figure, d'autres sur lesquels sont des bas-reliefs de plusieurs Divinités, de Génies , de Joueurs de flûtes, & d'autres figures. La plậpart ont aux quatre coins des têtes d'animaux, de bæufs, de beliers, &c. Enfin, chaque particulier avoit dans son Laraire , c'est-à-dire dans le lieu destiné à honorer les Dieux Lares, ou les Dieux Pena les Génies, & les Junons qui étoient les Génies des femmes, de petits Autels sur lesquels il leur sacrifioit. On avoit grand soin, avant que de facrifier , d'orner les Aurels, & on ne manquoit pas d'employer pour cela les choses qu'on croyoit agréables à chaque Divinité. Comme nous aurons occasion dans le Chapitre suivant de parler des plantes & des arbres qu’on croyoit être particulierement consacrés à chaque Dieu, il suffit de dire ici que c'étoient des branches de ces arbres qu’on ornoit les Autels. Il faudroit un volume pour décrire tous les Autels dont parlent les Anciens ; le nombre en étoit infini. Athenes & Rome, ainsi que toutes les autres Villes payennes, en étoient remplies. Virgile remarque qu’Hiarbas en avoit élevé cent, (3) Ineid. & autant de Temples, au seul Jupiter (3). On en trouvoit tes, diy. t. : un mot. partout, dans les campagnes , sur les montagnes , dans les , carrefours des villes, & des grands chemins ; dans les Cirques, dans les Hippodromes, dans le Stade d'Olympie , & , dans mille autres endroits : en un mot, on en avoit élevé non-seulement à tous les Dieux, mais à des Villes-même & à des hommes vivans. Ainsi Auguste , sans parler des autres Empereurs , avoit ses Aurels en plusieurs endroits. On peut consulter pour tous ces détails le P. Berthaud, que j'ai cité au commencement de cet article : mais comme parmi ces Autels il y en avoit de singuliers, il est à propos d'en dire Nous trouvons dans l'Antiquité deux Autels, ausquels on avoit donné le nom d'Ara maxima : le premier, dans la Grece, étoit élevé en l'honneur de Jupiter Olympien, comme nous l'apprend Pausanias ; le second, en Italie, avoit été construit pour Hercule, après la défaite de Cacus, ainsi que le raconte élégamment Virgile ( 1 ), en faisant parler Evandre de la (1) Enqid. forte : Ex illo celebratur honos , lætique minores Tacite, l. 15. Servavere diem ; primusque Potitius author l'appelle feuEt domus Herculei custos Pinaria sacri, Hanc aram luco ftatuit , quæ maxima semper Dicetur nobis , & erit quæ maxima semper. Cet Autel élevé dans la campagne, au lieu même où depuis fut bâtie la ville de Rome , étoit dans le Marché aux bæufs, près de la Porte Carmentale ; les Potitiens seuls & les Pinariens pouvoient y facrifier. Après l'extinction de ces deux familles, le soin de cet Aurel 'fut donné aux Esclaves, ainsi qu’on l'apprend de Tite-Live (2) & de Valere Maxime (3), (2) Decadi su qui dit que ce fut Appius Claudius Censeur , qui fit ce chan- liv. 2: (3) Liy, I, gement. Il n'étoit point permis aux femmes d'approcher de ch. 2. cet Autel, ni d'assister aux facrifices qu’on y offroit , selon Alexander ab Alexandro , lequel ajoute qu'on en éloignoit avec soin les Esclaves , les Affranchis, les chiens & les moû. (4) Geno Il y avoit un autre Autel encore plus singulier. C'étoit ch, 14. celui qui étoit dans le ciel, sous le nom de la Constellation liv. 8. Lement Ara magna., , . ches (4). Dier, liv, loyo de l'Autel. Hygin dit que cet Autel étoit celui sur lequel les Dieux prêts à combattre les Geants, avoient sacrifié, & avoient juré une ligue offensive & défensive, contre ces redoutables ennemis. Comme les Payens croyoient que les Dieux habitoient dans les Temples, dans leurs Statues, & dans les Autels, on ne doit pas être surpris du grand respect qu'ils avoient pour toutes ces choses; mais parce que leur vengeance éclatoit, à ce qu'ils s'étoient imaginé, d'une maniere plus sensible dans certains endroits que dans d'autres , leur veneration augmentoit pour ces lieux-là. Ainsi rien n'étoit plus respectable, ni en même-temps plus redouté, que les Autels des Dieux Palices , où les parjures étoient punis par ces deux Divinités, & précipités dans le Lac près duquel ils avoient juré , comme nous le dirons dans leur Histoire. Tel étoit aussi le célebre Aurel de Lyon , si redoutable aux Orateurs. Ce grand respect pour les Autels avoit fait établir la coutume d'y avoir recours dans toutes les occasions. On y faisoit les Alliances , les Traités de paix , les réconciliations, les mariages , &c. Virgile, si sçavant dans les usages de_fon pays, sera notre premier garant, pour ce qui regarde les Trais tés de paix. Post iidem, inter se posito certamine, Reges Stabant , & cæfà firmabant fædera porca. (1) Multa Jovem, do læsi teftatur fæderis aras. Silius Italicus reprochant aux Carthaginois leur infidelité, au sujet des Traités faits avec les Romains, parle du même usage: Sed pacis faciem, pollutas fæderis aras, &c Dans l'occasion dont je parle , lorsqu'on juroit la paix , on embrassoit l'Autel, ou on le touchoit seulement ; ce que Virgile a très-bien expliqué au sujet du Traité fait entre Enée & Latinus. (1) En. 1, 8. |