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Tango aras, mediofque ignes, & numina teftor,
Nulla dies pacem hanc Italis, nec fœdera rumpet,
Quo res cumque cadent (1).

Et Juvenal:

(1) En. I. 12;

(2) Sat. 13+

Atque adeo intrepidi quæcumque altaria tangunt (2). Comme les hommes ont toujours cherché à fe tromper les uns les autres, peu raffurés par des Traités de paix & d'alliance faits à la face des Autels, on y ajoutoit encore la religion du ferment, qui fe prêtoit en touchant l'Autel ( 3 ) comme nous aujourd'hui dans de pareilles occafions, nous employons les Livres facrés de l'Evangile. Les Magiftrats avant que d'entrer dans les charges de la Judicature, prêtoient auffi ferment auprès de l'Autel de Themis. Saint Ambroife nous apprend cet ufage (4) dans cette belle Epitre où (4) Ep. 3 il exhorte l'Empereur Valentinien à ne point faire rétablir un des Autels de cette Déeffe qui étoit ruiné.

Pour les mariages qu'on célebroit à la face des Autels, fur-tout de Junon, ou de Lucine, on peut confulter le Pere Berthaud, qui rapporte plufieurs autorités pour le prouver, & quelques exemples qui le confirment. Enfin, c'étoit près des Autels qu'on faifoit des repas publics; ainfi qu'on peut le voir dans plusieurs endroits de Virgile (5) & ailleurs

CHAPITRE VIL

Des Bois facrés.

UTRE les Temples, les Chapelles, les Laraires, les Autels, le Paganifme avoit encore d'autres lieux deftiAutels, nés au culte des Dieux. C'étoient les Bois facrés, dont l'établissement eft fi ancien, qu'on croit qu'il précede même celui des Temples & des Autels. Comme les Romains nommoient ces Bois, Luci, Servius croit qu'ils prirent ce nom, parce qu'on y allumoit du feu pour éclairer les myfteres qu'on y celebroit, Luci, à lucendo. Car foit qu'on eût choifi pour

(3) Voyez Lucien, in JoTite Live, liv. 21.Polyb.1.3.

ve Tragado.

(s) Georg liv. 4. Eneid. liv. 8.

&C.

.

cela des Bois que la nature fourniffoit anciennement dans tous les lieux, comme il y a bien de l'apparence qu'on le pratiqua d'abord; foit qu'on en plantât exprès, comme on fit dans la fuite; c'étoient toujours des Bois des plus épais, des lieux obfcurs, impénetrables mêmes aux rayons du Soleil.

Ce fut dans ces lieux tenebreux, propres à infpirer je ne fçais quelle horreur, que furent célebrés les premiers myfteres du Paganisme. C'étoit là que s'affembloient nos anciens Druides, qui prirent leurs noms mêmes des chênes de leurs forêts.

Cependant il paroît que les Anciens ont cru que ces Bois d'abord confacrés à Lucine, qui étoit la même que Diane & Hecate, avoient été ainfi appellés du nom de cette Déesse (a).

Quoi qu'il en foit, l'ufage des Bois facrés pour y célebrer les myfteres, eft très-ancien, & peut-être celui de tous qui fut le plus univerfel. D'abord il n'y avoit dans ces Bois ni Temples, ni Autels: c'étoient de fimples retraites impénétrables aux profanes ; c'est-à-dire, à ceux qui n'étoient pas deftinés au culte des Dieux. Dans la fuite on y bâtit des Chapelles & des Temples; & pour conferver même un ufage fi ancien, on ne manquoit pas, lorfqu'on le pouvoit, de planter des Bois autour des Temples & des Autels, de les environner de murailles, de hayes, ou de foffés; & ces Bois étoient non-feulement confacrés aux Dieux en l'honneur defquels avoient été conftruits les Temples, qui étoient au milieu de ces Bois, mais ils étoient eux-mêmes un lieu d'afyle pour les coupables qui s'y retiroient.

Moyfe pour empêcher les Hebreux, trop enclins aux pratiques idolâtres des peuples qui les environnoient, de fuivre ce pernicieux ufage, leur défend de planter des Bois autour des Autels du vrai Dieu: Ne conferito tibi lucum ullis arboribus (1) Deut. Secundum altare Jehova Dei tui, quod feceris tibi (1). Toutes les fois même que ce faint Légiflateur prefcrit aux Juifs de détruire les Idoles, il leur ordonne en même-temps de couper les Bois facrés: Aras eorum deftrue, & confringe ftatuas, lucofque fuccide (2), & ailleurs: Lucos igne comburite (3) Ce mê

16.21.

(2) Exod. 34. & ailleurs. (3) Deut.

12.

(a) Voyez le Schol. de Stace, fur le quatriéme Livre de la Thebaïde. Horace, art Poët. Virgile, En. liv. 6. & Servius fon Commentateur.

me

me ordre fut renouvellé à Gedeon, & les Prophetes parlent
toujours avec indignation des Rois de Juda & d'Ifraël, qui
avoient coûtume de facrifier dans les Bois facrés. Les Juifs
étoient fi portés à imiter en cela les peuples idolâtres, qu'un
de leurs Rois pouffa l'impieté jusqu'à faire planter à Jerufalem
un de ces Bois, que Jofias fit couper & brûler dans la vallée
de Cedron (1). Les Rabbins ajoutent qu'il n'étoit pas permis
aux Juifs de paffer dans ces Bois, d'en couper aucun arbre c. 23.
pour leur ufage, de s'y repofer à l'ombre, de manger les
œufs ou les petits des oifeaux qui y nichoient, ni de pren-
dre le bois mort, ni de manger même du pain qui auroit été
cuit au feu de ce bois; furquoi les curieux pourront confulter
Selden (2).

Les Bois facrés devinrent dans la fuite extrêmement fréquentés: on s'y affembloit aux jours de fêtes, & après la célebration des myfteres, on y faifoit des repas publics accompagnés de danfes, & de toutes les autres marques de la joye la plus vive. Tibulle décrit ces Fêtes & ces repas, d'une maniere très-fpirituelle.

Rufticus è lucoque vehit, male fobrius ipfe,

Uxorem plauftro, progeniemque domum (3).

On ornoit ces bois avec foin, de fleurs, de couronnes, de guirlandes & de bouquets ; & on y fufpendoit les dons & les offrandes, avec tant de profufion, que quand ils auroient été moins épais & touffus, ils en auroient été totalement obscurcis, & impenetrables à la lumiere du jour ; ce qui fait dire à Stace:

Hic arcus & feffa reponere tela,

Armaque curva fuum & vacuorum terga leonum
Figere, & ingentes æquantia cornua fylvas.
Vix ramis locus, &c. (4)

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Couper des Bois facrés, ou les dégrader, étoit un facrilege,

(1) 4. Reg.

(2) de Jure

Nat. & Gent.

L. 2. c. 6.

(3) L. 1. El. II. V. 51.

(4) Theb. L. 9. n. 588.

(s) Met. L. 8,

& peut-être celui qu'on croyoit le plus irrémiffible. Lucain
parlant des arbres que Cefar fit abbattre près de Marseille,
pour en faire des machines de guerre, peint bien la confter-
nation des Soldats qui refufoient de fe prêter à cet ouvrage,
jufqu'à ce que ce Prince prenant une coignée, en abbatit un
lui-même. Saifis d'un respect religieux pour la fainteté de ce Bois,
ils croyoient que s'ils avoient la temerité d'en vouloir couper quel-
que arbre, la coignée rebrousseroit sur eux.

Sed fortes tepuere manus, motique verendá
Majeftate loci, fi robora facra ferirent
In fua credebant redituras membra lituras.

Cependant il étoit permis de les élaguer, de les éclaircir, & de
couper les arbres qu'on croyoit attirer le tonnerre. Les Anciens
nous ont confervé l'hiftoire de quelques-uns de ces Bois fa-
crés, comme de ceux de Lucine, de la Déeffe Feronie
d'Augufte, & de quelques autres. Ils fe reffembloient tous
& étoient tous en une égale veneration.

Differt. de M.

CHAPITRE VIII.

Des Afyles.

ES Temples, les Autels, & les Bois facrés ayant été parmi les Payens des lieux d'afyle pour les criminels, il faut expliquer en quoi confiftoit le droit d'afyle, quels en étoient les privileges, & découvrir quelle en fut l'origine.

Dès-que les hommes ont commencé à deftiner des lieux (1) Voyez au culte des Dieux (1), pour les reconnoître dans ces enExtrait de la droits d'une maniere authentique & folemnelle, comme Simon fur les leurs Maîtres & les arbitres de leur deftinée, & qu'ils ont Afyles. efperé d'en obtenir du fecours, ils ont cru qu'ils y étoient des Bel. Lettr. préfens d'une maniere particuliere ; & dès-là pour ne pas paroître inflexibles à l'égard des autres, lorfqu'ils cherchoient à flechir les Dieux en leur faveur, il eft très-croyable qu'ils regardoient ces lieux facrés où les coupables fe retiroient comme des afyles inviolables.

Mem. de l'Ac.

T. 3.P.37.

vés

(1) Mach.

(2) Num. 35.

et 4

Deut. 4. Jo fué. 20.

Le Tabernacle, & le Temple de Jerufalem étoient des lieux d'Afyle (1), & fans doute que les premiers Autels élepar les Patriarches l'étoient auffi, puisque Moyfe exclut L. 2. c. 40. les affaffins, qui fe refugioient auprès de ceux qu'il avoit élevés lui-même. Les Villes de refuge defignées par Moyfe, & établies par Jofué, étoient auffi des afyles (2). Le Paganisme qui avoit imité plufieurs ufages du Peuple de Dieu, en avoit auffi fans doute pris celui du droit d'afyle; ainfi l'époque de la fondation des premiers Temples & des Autels parmi eux, feroit, fi on la fçavoit, celle de l'origine de ce droit. Tout ce qu'on peut affûrer c'eft qu'il eft très-ancien, fans qu'on puiffe déterminer au jufte le temps où il a commencé. Nous fçavons par Paufanias (3), que Cadmus l'accorda à la Ville, (3) in Beot. ou à la Citadelle qu'il fit conftruire en Beocie; & il y a apparence, comme le remarque M. Simon, que ce Prince, originaire de Phenicie, & voifin de la Palestine, ayant appris combien le concours des Coupables & des Debiteurs dans les Villes de refuge parmi les Juifs, avoit fervi à les peupler, employa le même moyen, pour attirer des habitans dans la fienne. Thefée pour Athenes, & Romulus pour fa nouvelle ville (a), uferent de la même politique, fi nous en croyons Plutarque (4). Diodore de Sicile (5) affûre que Cybele avoit fondé le droit d'afyle dans la Samothrace. Hercule l'Egyptien paffoit pour l'auteur de celui de Canope: celui de Diane Stratonia à Smyrne, & celui de Neptune Tenéen devoient leur inftitution à la réponse des Oracles.

(4) in Thef.

(5) in Rom.

L. 3.

Mais comme ce droit accordé aux Coupables, non feulement dans les Temples & près des Autels, mais dans les Villes mêmes qui prétendoient l'avoir, & en jouiffoient veritablement depuis un temps immemorial, auroit pû avoir des fuites fâcheufes, & autorifer le crime par l'efperance de l'impunité, l'afyle n'étoit que pour des delits involontaires. C'est ce que repondoient les Atheniens, fuivant Thucydide (6), aux reproches des Beociens, en leur faifant enten- (6) Hift. L. 4. dre que leurs Autels n'étoient des afyles, que pour ces fortes de crimes. Nous fçavons par Tite-Live (7) que le meur

(a) Cet afyle de Romulus étoit entre deux Bois facrés, & fut nommé pour cela, inter duos lucos.

(7) Dec. 5. L. 9.

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