Lucien , in Jo Tango aras , mediofque ignes, & numina testor, hanc Italis, nec fædera rumpet, (1) En. I. 122 Et Juvenal : Atque adeo intrepidi quæcumque altaria tangunt (2). (2) Sat. 137 Comme les hommes ont toujours cherché à fe tromper les uns les autres , peu rassurés par des Traités de paix & d'al & liance faits à la face des Autels, on y ajoutoit encore la religion du serment , qui se prêtoit en touchant l'Autel ( 3 ) (3) Voyez comme nous aujourd'hui dans de pareilles occasions , nous ve Tragædo. employons les Livres sacrés de l'Evangile. Les Magistrats Tite-Live, liv. avant que d'entrer dans les charges de la Judicature , prê- 21. Polyból. 3. toient aussi serment auprès de l'Autel de Themis. Saint Am-' broise nous apprend cet usage (4) dans cette belle Epitre où (4) Ep. 32 il exhorte l'Empereur Valentinien à ne point faire rétablir un des Autels de cette Déesse qui étoit ruiné. Pour les mariages qu'on célebroit à la face des Autels, sur-tout de Junon, ou de Lucine, on peut consulter le Pere Berthaud, qui rapporte plusieurs autorités pour le prouver, s & quelques exemples qui le confirment. Enfin, c'étoit près des Autels qu'on faisoit des repas publics ; ainsi qu'on peut le voir dans plusieurs endroits de Virgile (s) & ailleurs (5) Georg Eneid. liv. 8. liv. 4. &c. Ou CHAPITRE VII. Des Bois Sacrés. Autels , le Paganisme avoit encore d'autres lieux destinés au culte des Dieux. C'étoient les Bois facrés, dont l'établissement est si ancien , qu'on croit qu'il précede même celui des Temples & des Autels. Comme les Romains nommoient ces Bois, Luci, Servius croit qu'ils prirent ce nom , parce qu'on y allumoit du feu pour éclairer les mysteres qu'on y celebroit, Luci , d lucendo. Car soit qu'on eût choisi pour y cela des Bois que la nature fournissoit anciennement dans tous les lieux , comme il y a bien de l'apparence qu'on le pratiqua d'abord; soit qu'on en plantât exprès, comme on fit dans la suite ; c'étoient toujours des Bois des plus épais, des lieux obscurs, impenetrables mêmes aux rayons du Soleil. Ce fut dans ces lieux tenebreux , propres à inspirer je ne sçais quelle horreur, que furent célebrés les premiers mysteres du Paganisme. C'étoit là que s'assembloient nos anciens Druides , qui prirent leurs noms mêmes des chênes de leurs forêts.. Cependant il paroît que les Anciens ont cru que ces Bois d'abord consacrés à Lucine, qui étoit la même que Diane & Hecate, avoient été ainsi appellés du nom de cette Déesse (a). Quoi qu'il en soit, l'usage des Bois sacrés pour y célebrer les myfteres , est très-ancien, & peut-être celui de tous qui fut le plus universel. D'abord il n'y avoit dans ces Bois ni Temples, ni Autels : c'étoient de simples retraites impénétrables aux profanes ; c'est-à-dire, à ceux qui n'étoient pas destinés au culte des Dieux. Dans la suite on y bâtit des Chapelles & des Temples ; & pour conserver même un usage fi ancien, on ne manquoit pas, lorsqu'on le pouvoit, de planter des Bois autour des Temples & des Autels, de les environner de murailles, de hayes, ou de fossés; & ces Bois étoient non-seulement consacrés aux Dieux en l'honneur defquels avoient été construits les Temples, qui étoient au milieu de ces Rois, mais ils étoient eux-mêmes un lieu d'asyle pour les coupables qui s'y retiroient. Moyse pour empêcher les Hebreux, trop enclins aux pratiques idolâtres des peuples qui les environnoient, de suivre ce pernicieux usage , leur défend de planter des Bois autour des Autels du vrai Dieu: Ne conserito tibi lucum ullis arboribus (1) Deur. secundum altare Jehovæ Dei tui , quod feceris tibi (1). Toutes les fois même que ce faint Législateur prescrit aux Juifs de dé truire les Idoles , il leur ordonne en même-temps de couper (2) Exod. 34. les Bois sacrés : Aras eorum deftrue , & confringe statuas , 'lu cofque fuccide (2), & ailleurs : Lucos igne comburite (3) Ce mê(3) Deut. (a) Voyez le Schol. de Stace, sur le qnatriéme Livre de la Thebaïde. Horace, art Poet. Virgile , En. liv. 6. & Servius son Cominentateur. me 16. 21. & ailleurs. ܙܐܐ L. 2. C. 6. mé ordre fut renouvelle à Gedeon, & les Prophetes parlent toujours avec indignation des Rois de Juda & d'Israël , qui avoient coûtume de facrifier dans les Bois sacrés. Les Juifs étoient si portés à imiter en cela les peuples idolâtres, qu'un de leurs Rois poussa l'impieté jusqu'à faire planter à Jerusalem un de ces Bois, que Josias fit couper & brûler dans la vallée de Cedron (1). Les Rabbins ajoutent qu'il n'étoit pas permis (1) 4. Reg. aux Juifs de passer dans ces Bois, d'en couper aucun arbre c. 23. pour leur usage, de s'y reposer à l'ombre, de manger les oufs ou les petits des oiseaux qui y nichoient, ni de pren. dre le bois mort, ni de manger même du pain qui auroit été cuit au feu de ce bois; surquoi les curieux pourront consulter Selden (2). (2) de Jure Les Bois sacrés devinrent dans la suite extrêmement fré. Nat. Gent. quentés : on s'y assembloit aux jours de fêtes , & après la célebration des myfteres, on y faisoit des repas publics accompagnés de danses , & de toutes les autres marques de la joye la plus vive. Tibulle décrit ces Fêtes & ces repas , d'une maniere très-spirituelle. Rusticus è lucoque vehit , male fobrius ipse, Uxorem plaustro , progeniemque domum (3). (3) L. 1. ET. On ornoit ces bois avec soin , de fleurs, de couronnes, de guirlandes & de bouquets ; & on y suspendoit les dons & les offrandes , avec tant de profusion, que quand ils auroient été moins épais & touffus, ils en auroient été totalement obfcurcis, & impenetrables à la lumiere du jour; ce qui fait dire à Stace: Hic arcus & fesa reponere tela, (4) Theb. L. II. V.SI. 9. A. 588. & Ovide dit : Equidem pendentia vidi Ff (s) Met. L. 8, & peut-être celui qu'on croyoit le plus irrémistible. Lucain Sed fortes tepuere manus , motique verenda In sua credebant redituras membra lituras. CH A P I T R E VIII. Des Asyles. parmi les Payens des lieux d'asyle pour les criminels, il faut expliquer en quoi consistoit le droit d'asyle, quels en étoient les privileges , & découvrir quelle en fut l'origine. Dès que les hommes ont commencé à destiner des lieux (1) Voyez au culte des Dieux (1), pour les reconnoître dans ces enExtrait de la droits d'une maniere authentique & folemnelle , comme Simon sur les leurs Maîtres & les arbitres de leur destinée, & qu'ils ont Atyles. esperé d'en obtenir du secours, ils ont cru qu'ils y étoient des Bel. Lettr. présens d'une maniere particuliere ; & dès là pour ne pas paT. 3.P. 37. roître inflexibles à l'égard des autres , lorsqu'ils cherchoient à flechir les Dieux en leur faveur , il est très-croyable qu'ils regardoient ces lieux sacrés où les coupables se retiroient comme des asyles inviolables. Mem. de l'Ac. . Deut. sué. 20. 4. Jo E 5 Le Tabernacle, & le Temple de Jerusalem étoient des lieux d’Asyle (1), & sans doute que les premiers Autels éle (1) Mach. vés par les Patriarches l'étoient aussi, puisque Moyse exclut L. 2. C. 40. les affassins, qui se refugioient auprès de ceux qu'il avoit élevés lui-même. Les Villes de refuge designées par Moyse, & établies par Josué, étoient aussi des asyles (2). Le Paganisme (2) Num. 35. qui avoit imité plusieurs usages du Peuple de Dieu , en avoit aussi fans doute pris celui du droit d'asyle; ainsi l'époque de la fondation des premiers Temples & des Autels parmi eux, seroit, si on la sçavoit , celle de l'origine de ce droit. Tout ce qu'on peut assurer c'est qu'il est très-ancien, fans qu'on puisse déterminer au juste le temps où il a commencé. Nous içavons par Pausanias (3), que Cadmus l'accorda à la Ville, (3) in Beot. ou à la Citadelle qu'il fit construire en Beocie; & il y a apparence, comme le remarque M. Simon, que ce Prince, originaire de Phenicie, & voisin de la Palestine , ayant appris combien le concours des Coupables & des Debiteurs dans les Villes de refuge parmi les Juifs, avoit servi à les peupler, employa le même moyen , pour attirer des habitans dans la sienne. Thesée pour Athenes, & Romulus pour sa nouvelle ville (a), uferent de la même politique , fi nous en croyons Plutarque (4). Diodore de Sicile (51 assûre (4) in Thel. que Cybele avoit fondé le droit d'asyle dans la Samothrace., (5) in Rom. Hercule l’Egyptien passoit pour l'auteur de celui de Canope: celui de Diane Stratonia á Smyrne, & celui de Neptune Tenéen devoient leur institution à la réponse des Oracles. Mais comme ce droit accordé aux Coupables, non feulement dans les Temples & près des Autels, mais dans les Villes mêmes qui prétendoient l'avoir , & en jouissoient veritablement depuis un temps immemorial , auroit pû avoir des suites fâcheuses , & autoriser le crime par l'esperance de l'impunité, l'asyle n'étoit que pour des delits involontaires. C'est ce que repondoient les Atheniens , suivant Thucydide (6), aux reproches des Beociens , en leur faisant enten- (6) Hil. L. 4. dre que leurs Autels n'étoient des asyles, que pour ces fortes de crimes. Nous sçavons par Tite-Live (7) que le meur- (7) Dec. 5. (a) Cet afyle de Romulus étoit entre deux Bois sacrés, & fut nommé pour cela, inter duos lucos. L. 3. L. 9. |